04/09/2025
📺« le MR est-il un parti politique d’extrême droite ? »
🔎Hier soir, dans le cadre d’un débat sur LN24, François Debras était présent pour répondre à cette question. Vous retrouverez ci-dessous l’ensemble de son analyse avec les outils et sources qu’il n’est pas toujours possible de présenter en intégralité lors d’un plateau.
📐1) Axe économique, axe culturel
👩🏫Selon des chercheur·euse·s de l’Université d’Anvers et de l’UCL, le MR a nettement glissé à droite sur l’axe économique entre 2019 et 2024 faisant donc aujourd’hui du MR, le parti le plus à droite du pays sur ce plan. Sur les questions culturelles, le mouvement est également présent mais plus modéré. Cela s’explique par la disparition du Parti Populaire qui a poussé le MR à élargir son spectre vers la droite, le rendant davantage conservateur (Stefaan Walgrave, Jonas Lefevere - Universiteit Antwerpen - et Benoît Rihoux – UCLouvain. Article de la RTBF reprenant les principaux éléments en commentaire)
🔻2) La question de la définition de l’extrême droite
🤬Traditionnellement en sciences politiques, l’extrême droite se définit par trois critères : inégalitarisme, nationalisme, sécuritarisme. Cependant, depuis plusieurs années, en Europe, nous évoluons dans une « zone grise ». En raison de législations contre l’incitation à la haine raciale et de diverses stratégies rhétoriques, les partis d’extrême droite avancent sous couvert du sous-entendu, de l’implicite, du langage codé. Il est rare d’entendre un président de parti tenir des discours prônant ouvertement l’incitation à la haine raciale. De plus, les questions de sécurité et d’immigration sont désormais au cœur des débats politiques, mobilisées par l’ensemble des formations politiques (Article de Sibylle Gioe et François Debras en commentaire).
🌫Quand nous sommes confrontés à une zone grise, pour y voir plus clair, nous devons revenir aux fondamentaux. Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats ont rédigés la Déclaration universelle des droits humains. Ce texte consacre la centralité des droits humains et de l’Etat de droit, reconnus à la fois comme le but d’un gouvernement mais aussi comme les limites du pouvoir de ce gouvernement (Intervention de Sibylle Gioe, présidente de la Ligue des droits humains sur la Première en commentaire).
🎯Cette centralité des droits humains et de l’Etat de droit est traduite dans les textes européens ainsi que dans la législation belge. L’article 8 de la loi organique des services de renseignement et de sécurité (30 novembre 1998) définit l’extrémisme par son opposition aux droits humains et à l’Etat de droit. Cet outil apporte une analyse plus fine et plus précise des discours et propositions politiques qui seraient en contradiction avec ces principes, pouvant dès lors être juridiquement qualifiés d’extrémistes.
🔧En plus de cela, les démocraties ont mis en place des gardes fous. En Belgique, nous pouvons citer, entre autres, le cordon sanitaire politique, composé de la charte de la démocratie et du code de bonne conduite. Le MR, via la plume de son président, a rédigé avec les autres formations politiques ce document dont la dernière version date de 2022 et où il reconnait et promeut, entre autres, la lutte contre le racisme, contre les discours de haine, contre la discrimination et encourage la tolérance, le dialogue, la diversité, les droits humains et l’Etat de droit (le lien pour consulter le cordon sanitaire est en commentaire).
💬3) Après les outils, quelques exemples (non exhaustifs et non-nominatif)
📣Discours : lorsqu’une personnalité politique parle de « pulvérisation », de « nettoyage » en évoquant des minorités ou qu'une autre affirme que « vous n’êtes pas obligés de rester en Belgique », ce sont des discours de haine.
📑Propositions : lorsqu’un président de parti valide les pushbacks de Viktor Orban, c’est une opposition à l’article 3 de la CEDH (nul ne peut subir de traitement inhumain ou dégradant). Lorsqu’un président de parti propose, lors des élections communales, d’ « interdire le centre-ville de façon permanente à certaines personnes », c’est une opposition à la loi contre les discriminations. Ce sont des propositions extrémistes.
👎Comportements : lorsqu’un parti accueille des représentants transfuges d’un parti d’extrême droite, c’est une opposition aux article 6, 8, 9, 11, 15, 17 du code de bonne conduite (ne pas respactibiliser l’extrême droite ni procurer des ressources). Lorsqu’une personnalité considère que le programme du VB n’est pas d’extrême droite, c’est aussi une opposition aux articles 3, 4, 6 de la charte (ne pas banaliser l’extrême droite, lutter contre ses discours). Lorsqu’une personnalité publie et partage sur ses réseaux régulièrement des contenus d’extrême droite, c’est encore une opposition aux articles 9, 10, 17 du code de bonne conduite (lutter contre la publicité et modérer ses réseaux). Lorsque des personnalités s’affichent ou organisent des conférences avec des personnes issues de l’extrême droite ou financées par elle, c’est toujours une opposition aux articles 8, 11, 15, 17 du code de bonne conduite.
🏋️♀️Stratégies : plus généralement à présent lorsqu’une personnalité brutalise l’espace public, attaque des journalistes (séquence RTBF) et utilise la désinformation en sortant des propos de leur contexte pour promouvoir son agenda politique (séquence du conseil communal de Molenbeek), ce sont des stratégies que l’on retrouve dans différentes formations politiques mais qui sont systématiquement présentes à l’extrême droite.
❓4) Le MR est-il un parti d’extrême droite ?
⏩Pour toutes ces raisons, et en gardant en tête l'interrogation quant au caractère structurant, le MR n’est pas un parti d’extrême droite mais des personnalités d’extrême droite ainsi que des discours et propositions d’extrême droite sont entrés au sein du parti. Les membres du MR ne sont pas tous d’extrême droite, non, bien au contraire, mais son président mobilise et recourt à certains discours qui sont qualifiable d’extrémistes.
✅Le lien pour écouter l’ensemble du débat organisé par LN24 est disponible en commentaire.
✅Vous pouvez également consulter le dernier numéro de Politique R***e de Débats intitulé « La nouvelle menace réactionnaire » pour mieux comprendre les concepts abordés et les enjeux politiques actuels dont notamment l’enquête de Martin Georges « L’extrême droite au MR, ou la stratégie de la perversion (lien en commentaire).