25/10/2024
Leçons de l’histoire : Pourquoi la transition sans élections peut parfois être le seul chemin vers la stabilité
L’histoire du monde regorge de moments où des nations ont dû choisir entre l’instabilité immédiate et la patience stratégique pour construire des institutions durables. Prenons l’exemple emblématique des États-Unis. Beaucoup ignorent que cette grande démocratie a vu le jour non pas par une élection immédiate après la guerre d’indépendance, mais par une phase transitoire de treize ans, durant laquelle le Général George Washington a exercé une fonction de chef sans jamais avoir été élu par un scrutin populaire. C’est cette période de consolidation qui a permis aux États-Unis d’organiser leur première élection présidentielle en 1789. Ce parallèle historique a une résonance particulière aujourd’hui pour les dirigeants de l’Alliance des États du Sahel (AES) et ceux qui doutent de leur légitimité.
Une période transitoire nécessaire
Lorsque Washington prit la tête de cette jeune nation, il n’avait aucun mandat électoral direct. Pourtant, il était largement accepté comme un dirigeant légitime, non pas à cause d’une élection, mais grâce à son rôle dans la guerre d’indépendance et à la confiance que lui accordaient les élites de l’époque. Le pays n’était pas prêt pour des élections – les institutions étaient trop fragiles, la sécurité trop précaire, et le besoin de leadership trop vital pour se reposer sur des processus électoraux immédiats.
Les États du Sahel sont aujourd’hui dans une situation similaire. Ils font face à des crises sécuritaires, institutionnelles et sociales qui demandent plus qu’une simple course vers des élections. Tout comme les États-Unis de 1776, ces États sont encore en train de se définir, de se stabiliser, et de bâtir les fondations nécessaires à une démocratie durable.
Le leadership dans la tempête
Ce que l’histoire américaine nous enseigne, c’est que dans des moments critiques, un leadership fort et temporaire peut être indispensable. La légitimité d’un dirigeant ne vient pas toujours des urnes. Parfois, elle vient de l’action. Washington n’avait pas été élu, mais il avait gagné la confiance du peuple et de ses pairs en menant la révolution contre l’oppression britannique. Il a dirigé sans élection parce qu’il était le leader capable de maintenir l’unité et de poser les bases d’une nouvelle nation.
De la même manière, les dirigeants actuels de l’AES assument un rôle transitoire dans une région où les défis sont monumentaux : terrorisme, insécurité alimentaire, effondrement économique, et institutions fragiles. Leur légitimité, comme celle de Washington, repose non sur un mandat populaire immédiat, mais sur leur capacité à naviguer dans la tempête et à garantir que l’État ne tombe pas dans le chaos. Refuser de reconnaître cette réalité, c’est risquer de précipiter une région déjà en proie à des troubles dans un désastre encore plus grand.
La démocratie ne se précipite pas, elle se construit
Il est facile de demander des élections immédiates, mais l’histoire montre que la précipitation peut être dangereuse. Les premières élections aux États-Unis n’ont eu lieu qu’en 1789, après treize ans de consolidation sous la direction de Washington et d’autres leaders. Pourquoi ? Parce que les conditions n’étaient pas réunies pour des élections véritablement libres et équitables. Avant cela, le pays devait se stabiliser, unifier ses institutions, et garantir que les élections puissent se dérouler sans remettre en cause l’existence même de la nation.
Dans le contexte de l’AES, exiger des élections immédiates sans tenir compte de la réalité sur le terrain, c’est risquer d’organiser des scrutins dans un cadre instable, corrompu par l’insécurité et les ingérences. Ce serait, en effet, placer la charrue avant les bœufs. Si l’histoire américaine nous a appris une chose, c’est que les élections, pour être légitimes, doivent se dérouler dans un cadre qui garantit la paix et la sécurité de tous les citoyens.
Un leadership temporaire pour un avenir démocratique
Ibrahim Maïga