13/07/2025
Illusions et spéculations : Nos relations ambiguës avec le monde arabo-musulman
Les relations entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabo-musulman sont souvent présentées sous le sceau de la fraternité religieuse, de la coopération économique et d’un héritage culturel partagé. Pourtant, derrière ces apparences de solidarité se cachent de nombreuses illusions et une histoire marquée par la domination, l’exploitation et le non-dit.
Beaucoup trop d’illusions...
Les discours officiels et les postures diplomatiques tendent à valoriser une alliance "naturelle" entre les pays africains et ceux du monde arabo-musulman, sous prétexte d'une foi islamique partagée ou d’intérêts géopolitiques communs. Mais ces relations sont souvent déséquilibrées. Elles reposent davantage sur des calculs politiques et économiques que sur un réel respect mutuel ou une mémoire historique assumée.
La réalité est plus complexe. Les peuples d’Afrique subsaharienne ont longtemps été les victimes d’une traite négrière orientale, longtemps passée sous silence. Une histoire occultée, minimisée, voire niée, tant par les pays arabes que par certains élites africaines elles-mêmes, au nom d’une "solidarité islamique" sacralisée.
.. et trop de spéculations
Le regard africain sur le monde arabe est trop souvent biaisé par des représentations fantasmées : l’idée que le monde arabo-musulman serait un allié inconditionnel, un partenaire plus fiable que l’Occident. Ces spéculations, nourries par des déceptions postcoloniales et une quête d’alternatives, sont souvent démenties par les faits. Que ce soit dans les politiques migratoires, les rapports commerciaux ou les investissements culturels, les pays arabes défendent d’abord leurs intérêts, parfois au détriment de ceux des Africains.
À lire : Le Génocide voilé de Tidiane N'Diaye
Dans son ouvrage Le Génocide voilé, l’économiste et anthropologue Tidiane N’Diaye brise un tabou majeur : celui de la traite arabo-musulmane. Il y met en lumière un pan méconnu de l’histoire de l’Afrique, en montrant comment des millions d’Africains ont été déportés, castrés, réduits en esclavage dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, sans reconnaissance ni réparation jusqu’à ce jour. Contrairement à la traite transatlantique, cette histoire reste "voilée", refoulée.
N’Diaye ne se livre pas à une lecture victimisante. Il appelle plutôt à une réappropriation de l’histoire, au refus du déni, et à une lucidité nouvelle dans les relations entre Africains et Arabes. Son travail invite à sortir des illusions et à reconstruire des partenariats sur la base de la vérité historique, de la dignité et de la justice.
Il est temps de revisiter avec lucidité nos relations avec le monde arabo-musulman. Cela passe par une reconnaissance sincère des blessures du passé, un regard critique sur le présent, et une volonté ferme de construire l’avenir sur des bases équitables. Car l'amitié entre les peuples ne peut s'épanouir que là où la vérité est dite, et la dignité respectée.
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