17/02/2025
Oxygène Mag
1- Qu'est ce qui vous a motivé à accepter de tourner dans le film "Ça SUFFIT !" d'Alima OUEDRAOGO ?
Après avoir lu le scénario, j'ai d'abord hésité à accepter le rôle principal, car le thème du viol conjugal me semblait étranger. Cependant, j'ai finalement réussi à me détacher de ma propre personne pour incarner le personnage. Je ne pensais pas que ce problème était aussi répandu. Si la réalisatrice a choisi d'en parler, c'est que ce fléau existe bel et bien.
Je peux donc dire que c’est la spécificité du thème qui m'a motivé à jouer dans ce film.
J'ai ressenti une mission en jouant dans ce film : être la voix de ceux et celles qui n'en ont pas.
2- Avez vous participé au casting ?
Il n'y a pas eu de casting classique. À mon avis, ma sélection s'est faite lors de plusieurs discussions informelles autour d'un verre, qui ont en quelque sorte servi de casting. La réalisatrice a abordé à plusieurs reprises le thème du "viol conjugal", et je pense que ma position sur ce sujet a joué un rôle dans le choix du rôle qui m'a été attribué.
3- Des planches au grand écran, on dit souvent qu'il y a un grand pas. Comment arrivez-vous à jouer parfaitement dans ses deux filières ?
Il est vrai qu'il y a un pas entre le théâtre et le cinéma. Ce que l'acteur doit garder à l'esprit, c'est qu'au théâtre, le comédien est obligé de pousser sa voix, son regard, sa gestuelle et sa diction pour le dernier spectateur au fond de la salle. En revanche, au cinéma, le desacord de l’acteur dans une sitation bien jouée peu etre percu “au coin de l’œil” par le le telespectateur. À l'écran, les détails sont bien plus perceptibles. Par exemple, dans une situation de conversation entre des personnes qui sont proches l’une de l’autre, elles doivent adapter le volume et le ton de leur voix pour être justes dans le jeu.
4- Votre personnage dans "Ça SUFFIT !" est assez ambiguë. Vous ne risquez pas de représailles ?
Mon personnage dans "Ça suffit" a une double personnalité : parfois malade mental, parfois mari exubérant sans scrupules, victime de son sombre passé traumatisant.
Nous vivons dans un pays de cinéma. Les comédiens doivent s'exercer à jouer des rôles variés, tant positifs que négatifs, car la vie est faite de contrastes. Parfois, on confond bon rôle et meilleure interprétation.
Le personnage jouant le "Bon" rôle (Le "Brave") est généralement aimé du public. Cependant, l'interprète du "Mauvais" rôle (Le "Méchant" ou le "détestable") doit fournir plus d'efforts dans son jeu pour mettre en valeur celui qui incarne le "Bon" rôle.
Pour conclure sur cette question, je pense que le public burkinabè sait faire la différence entre les personnages à l'écran et les véritables personnalités des acteurs.
5- Pour jouer un tel rôle, comment un comédien aguerri doit-il se comporter ?
Pour interpréter un tel rôle, un comédien aguerri doit avant tout comprendre la psychologie du personnage, son caractère, ses objectifs et sa situation. Ensuite, il doit savoir se détacher de sa propre personnalité pour rendre le personnage naturel et authentique. La complicité avec les autres acteurs est essentielle pour une dynamique réussie sur le plateau, et enfin, avec humilité et de facon professionnel, il doit entrer dans la vision créative du réalisateur et du projet.
6- Un habitué des tournages comme vous, qu'est ce qui a fait la différence dans les conditions de tournages de "Ça SUFFIT"?
Sur le plateau de tournage de "Ça suffit", j’ai découvert une véritable famille cinématographique, unie et travaillant dans une ambiance agréable. Des professionnels partageant la même vision, respectant mutuellement leurs rôles, avec une réalisatrice capable de gérer chacun avec compétence.
Ma complicité avec Émilie Dioma m’a particulièrement marqué. C’est une actrice ouverte d’esprit, à l’écoute et très réceptive aux remarques. Cette humilité qu’elle incarne, je suis convaincu, la mènera très loin dans le monde du 7e art.
7- Quel est le regard que vous portez sur la jeune réalisatrice Alima OUEDRAOGO ?
La réalisatrice et actrice Alima Ouedraogo est, à mes yeux, une femme qui maîtrise parfaitement son art et les raisons profondes qui la motivent. Lorsque qu’elle m’a sollicité pour l’accompagner dans ce film, j’ai vu en elle une artiste passionnée et profondément engagée pour défendre une cause. Elle ne réalise pas pour rechercher la gloire, mais pour exprimer quelque chose de sincère et de viscéral.
Alima sait rassembler et gérer des professionnels autour d’elle pour atteindre ses objectifs. Elle n’a cessé de répéter sur le plateau : « Ne dites pas le film d’Alima, c’est notre film », un signe d’humilité qui motive chaque membre de l’équipe à donner le meilleur de lui-même. Elle a su, avec discrétion, apprendre le métier de réalisatrice, et c’est cette approche qui fait que ceux qui la découvrent aujourd’hui en tant que réalisatrice sont étonnés de la voir porter cette casquette.
8- En tant que professionnel du 7e Art, comment voyez-vous la suite de ce long métrage ?
Je suis convaincu que ce nouveau long-métrage sera projeté dans les salles de plusieurs pays, car le thème qu’il aborde a une portée internationale. Ce qui est particulièrement frappant et suscite des débats, c’est le fait que des personnes comme nous (Gérard Ouedraogo) croient qu’il n’existe pas de femmes victimes de viol conjugal. Pourtant, c’est un sujet tabou qui se joue dans l’intimité des foyers (entreles 4 murs), dans tous les pays. Ce film sera aussi une occasion pour beaucoup d’entre nous de découvrir Alima Ouedraogo en tant que réalisatrice confirmée.
9- Sur le plan financier, les comédiens se plaignent souvent des clauses de contrats qui n'arrivent pas à terme. Qu'en est-il exactement avec Star Évent producteur de ce film?
Pour ma part, je n’ai rencontré aucun problème avec Star Event concernant le contrat. J’ai accepté les conditions avant de commencer le tournage et j’ai été payé conformément à ce qui était prévu dans notre contrat d’engagement. Mon souhait est que nos productions locales puissent obtenir les financements nécessaires pour mieux rémunérer et traiter les comédiens et comédiennes qui portent leurs films. Il est grand temps que nous, acteurs, confiions la négociation de nos contrats à des agents, ce qui nous éviterait bien des problèmes. Je tiens également à saluer la mémoire de Gaston Eugène Hounhouenou, qui avait négocié mon contrat avec Star Event avec un grand professionnalisme.
10- Quel est le regard que vous portez sur cette 29e édition DU FESPACO? Si vous aviez une suggestion à affaire, ça sera laquelle ?
Je tiens tout d’abord à féliciter nos autorités qui se battent pour la tenue de cette édition du FESPACO, malgré la crise sécuritaire que traverse notre pays. Cela témoigne une nouvelle fois de la résilience du peuple burkinabé, à travers l’engagement de ses dirigeants. Je souhaite également saluer nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ainsi que les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), qui luttent sur le front pour la reconquête de notre territoire et pour nous permettre de vivre et de continuer nos activités.
En terme de sugestion, je propose que le FESPACO, en collaboration avec les procuctions des films nationaux sélectionnés pour la compétition, revoie les termes de leur collaboration en prenant en charge intégralement les réalisateurs et les acteurs principaux de ces films durant le FESPACO. Ainsi, ils pourraient mieux défendre leurs productions, au même titre que les festivaliers invités.
OUEDRAOGO Gérad Kiswendsida