20/05/2025
Union Générale des Etudiants Burkinabè
UGEB
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Message du Comité exécutif à l’occasion du ###Ve anniversaire de l’assassinat du camarade DABO Boukary
Camarades étudiantes et étudiants,
Sympathisantes et sympathisants de l’UGEB,
Camarades militantes et militants de l’UGEB
Il y a exactement 35 ans, ce jour 19 mai 2025 que notre camarade DABO Boukary, alors étudiant en 7e année de médecine à l’Université de Ouagadougou a été odieusement assassiné par les sicaires du pouvoir de la IVe république du capitaine Blaise COMPAORE. Ces criminels du Centre National d'Entraînement Commando (CNEC) avait élu leur QG, au Conseil de l’Entente. DABO Boukary sera enlevé au quartier 1200 logements, conduit en compagnie d’autres étudiants au conseil et torturé à mort dans la nuit du 19 mai 1990. Il a fallu 32 longues années de lutte des étudiants épaulés par notre peuple pour la manifestation de la justice et de la vérité sur ce crime d’Etat. En rappel, les étudiants mobilisés au sein de l’ANEB ne demandaient que de meilleures conditions d’évaluations et un peu plus d’espaces de liberté. Comme il savait si bien utiliser la violence réactionnaire, le régime du Front Populaire enclencha sa machine répressive qui engagea une vaste chasse aux étudiants suivie de bastonnades, de perquisitions de domiciles, d’enlèvements, de tortures, de séquestrations et d’enrôlements forcés dans l’armée. Comme aujourd’hui, certains intellectuels universitaires de l’époque à l’image de feu le Pr Alfred TRAORE (Directeur de l’ISN/IDR, institut dans lequel la lutte a commencé), feu le Pr. Alain Nindaoua SAWADOGO (recteur de l’UO) et le Pr. Mouhoussine NACRO (ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique) ont contribué à la répression des étudiants.
À leurs côtés, certains étudiants fantoches, devenus auxiliaires des forces répressives, ont prêté main-forte aux militaires. Il s’agit de BAMBA Mamadou (Président du Bureau du Comité Révolutionnaire de l’Université de Ouagadougou à l’époque, connu pour avoir dressé des listes d’étudiants à arrêter et torturer, et fameux lecteur du communiqué du Conseil National pour la Démocratie de 2015), TAHO Yendekoye, HIEN Lin, HIEN Yirkou, BANSE Moussa, BANSE Soumaila, etc., qui ont activement contribué à cette entreprise répressive des étudiants en lutte. Les autorités politiques du Front populaire dont Blaise COMPAORE et feu Salifou DIALLO ont été les commanditaires de la répression.
C’est en considération du sacrifice suprême consenti par le camarade DABO qui, au prix de sa vie, refusa de livrer le comité exécutif de l’ANEB/Ouaga, seule exigence de ses ravisseurs pour sa libération, que l’UGEB, lors de son 14e congrès en 1991, institua la commémoration de la journée du 19 mai. Cette journée avait pour objectif d’exiger toute la vérité et la justice sur son assassinat et d’interpeller les autorités sur leur responsabilité directe dans ce crime d’Etat. Depuis lors, les efforts de plusieurs générations d’étudiants ont permis de poursuivre la lutte, de commémorer régulièrement ce triste anniversaire et d’obtenir les 19, 20 et 21 septembre 2022, soit 32 ans après, la tenue du procès ayant abouti à la condamnation du général Gilbert DIENDERE, de BAMBA Mamadou et de Victor Magloire YOUGBARE.
C’est tenant compte de cette évolution que le ###Ie congrès de l’UGEB tenu en 2023 a formulé la recommandation de pérenniser la mémoire de DABO en donnant une nouvelle forme et un nouveau contenu à cette journée. Ainsi, le 19 mai est désormais commémoré sous la dénomination de « journée DABO Boukary » avec pour objectif de magnifier l’esprit de sacrifice et de résistance.
Camarades étudiantes et étudiants,
Sympathisantes et sympathisants de l’UGEB,
Camarades militantes et militants de l’UGEB
La commémoration de ce 35e anniversaire se tient dans un contexte international trouble marqué par l’approfondissement de la crise du système capitaliste impérialiste mondial avec la montée du fascisme et l’exacerbation des contradictions inter impérialistes. La conséquence de cette situation est la remise en causes des droits sociaux des peuples et les guerres d’agression pour le repartage du monde et des ressources entre les puissances impérialistes qui s’opposent et se combattent.
En Afrique, le contexte reste marqué par l’échec patent du néocolonialisme dont l’expression la plus manifeste est la faillite des Etats néocoloniaux, incapables de répondre aux besoins fondamentaux de leurs peuples en matière de santé, d’éducation, de logements, d’emploi, etc. Mieux, les rivalités inter impérialistes en cours en Afrique s’expriment par des guerres réactionnaires au Congo, au Soudan, au Sahel, etc. Ces guerres alimentent des cycles d’instabilités politiques dont les coups d’Etat.
La situation nationale reste des plus préoccupantes sur le plan socio-économique et politique.
Sur le plan socio-économique, la crise ne cesse de s’aggraver avec la vie chère, la continuation de l’imposition de taxes, le maintien du prix des hydrocarbures malgré la chute du coût du pétrole à l’international. Ces mesures ont contribué à la baisse du pouvoir d’achat des populations dont les étudiants. Les attaques terroristes qui ont pour corollaire le déplacement des populations, l’inaccessibilité de certaines zones cultivables a conduit à une paupérisation des populations et une hausse démesurée des prix de certaines denrées alimentaires.
Selon un reportage en date du 06 avril 2025 sur la TNB, les prix des céréales ont connu une flambée. Les témoignages font état de l’augmentation du prix du sac de 100 Kg de maïs de 18 000f à 25 000f, de celle du petit bol du petit mil de 100 à 200f.
Sur le plan politique, malgré les acquisitions de matériels militaires à grand renfort de publicité, on assiste à la persistance des attaques terroristes contre les FDS et les populations civiles ces derniers temps. On assiste parallèlement à la fascisation du pouvoir à travers entre autres les enlèvements, les séquestrations, les enrôlements forcés dans les rangs des VDP et la restriction des libertés démocratiques.
Camarades étudiantes et étudiants,
Sympathisantes et sympathisants de l’UGEB,
Camarades militantes et militants de l’UGEB
La situation dans les universités publiques n’est point reluisante au quadruple plan académique, social, infrastructurel et des libertés. En effet, le pouvoir du MPSR II à l’instar des différents pouvoirs réactionnaires qui se sont succédé à la tête de l’Etat néocolonial relègue l’éducation des enfants du peuple aux oubliettes. C’est en cela qu’il faut comprendre la tournure particulièrement inquiétante dans la remise en cause des acquis des étudiants et le durcissement de leurs conditions de vie et d’études.
Sur le plan académique, les universités publiques dans leur quasi-totalité riment toujours avec des re**rds académiques. Contrairement au discours sur l’état de la nation du premier ministre Emmanuel OUEDRAOGO devant l’ALT le 15 mars 2025 qui fait état de la résorption des re**rds académiques à 80% la réalité est toute autre.
Pour preuve, dans les UFR LAC, SH, SEA, SJP des universités publiques de Ouagadougou, aucune promotion de 2023 n’avait fini la L1 à la date du 31 Octobre 2024. Face à cette situation de re**rd, les autorités universitaires se contentent du chevauchement, du blanchiment d’années académiques et du décrochage des promotions qui se sont révélés être un véritable échec du fameux « plan opérationnel de résorption des re**rds ». L’application de ce plan opérationnel s’est matérialisé entre autres par la confiscation des vacances des étudiants, l’administration des évaluations sous forme de QCM, la validation des enseignements à 75%. Les conséquences directes de l’application de ces mesures sont les taux d’échecs massifs enregistrés dans différentes universités publiques du Burkina.
A l’université Joseph KI-Zerbo, la L1 Philosophie bac 2021 a fait 36 admis sur 1063 étudiants soit 3,38% à la session de rattrapage du semestre 2.
Dans la même université, à l’UFR SEA, la promotion de bac 2023 (L1) a fait 73 admis sur 1013 admis sois 7,79% de réussite. C’est cette même promotion qui a reçu la visite du ministre Ardjima THIOMBIANO, venu les féliciter le 27 août 2024. A l’Université N**i Boni (UNB), la licence 1 de pharmacie, promotion 2023 a fait 6,61 %. Il est clair que l’agenda caché de ces mesures n’est rien d’autre que celui de chasser le maximum d’étudiants des universités pour satisfaire aux instructions des officines des puissances impérialistes que sont le FMI et la BM. C’est à cela qu’il faut lier le comportement des autorités universitaires qui ne ménagent aucun effort pour faire abattre sur les étudiants des actes de répression policière, judiciaire, des conseils de discipline afin de contraindre les étudiants à se soumettre à l’application de leur projet anti étudiant.
En termes d’infrastructures, le nombre de celles-ci demeure insuffisant voire insignifiant face aux effectifs croissants des étudiants. Pour preuve, les centres universitaires créés entre 2016 et 2018 ne disposent toujours pas de sites propres. L’UNB détient le record de 09 sites éparpillés dans la ville de Bobo et à Nasso. A l’université Joseph KI ZERBO (UJKZ), il est fréquent de voir des programmes de cours avec la mention ‘’Salle à préciser’’. L’Université Thomas SANKARA (UTS) n’est pas en reste. Les promotions de master de ladite université, par insuffisance d’infrastructures, évoluent jusque-là sur le site de l’UJKZ. Au-delà de leur nombre insuffisant, ces infrastructures sont aussi de mauvaise qualité et non entretenues, mettant ainsi la vie des milliers d’étudiants en danger.
A l’Université Norbert ZONGO (UNZ), un mouvement de panique suite à un bruit venu du toit de la salle polyvalente a entrainé le décès de l’étudiant René SERE dans la soirée du 04 février 2025. L’UGEB, tout en présentant ses condoléances les plus attristées à la famille éplorée ainsi qu’à toute la communauté universitaire, exige que toutes les responsabilités soient situées autour de ce énième drame à l’UNZ.
Sur le plan social, la situation s’aggrave de jour en jour. Le nombre de plats servis reste en déphasage avec le nombre d’étudiants.
A l’Université de Kaya, il est servi moins de 300 plats par jour sur un total de plus de 1500 étudiants. A ce rythme, plus de 1200 étudiants n’ont pas accès à un plat au moins par jour. La situation est presque similaire à l’université de Fada avec 1200 plats servis sur plus de 3000 étudiants. A l’UNB, la faible couverture du service de restauration universitaire est caractérisée par une prestation à minima dans seulement trois sites académiques sur les neufs que compte l’UNB. Au nombre insuffisant s’ajoute la piètre qualité des plats servis. En plus de cela, les étudiants font face à des chantages (fermeture des restaurants universitaires) de plus en plus récurrents à la moindre dénonciation, comme ce fut le cas à Fada, Manga, Dédougou, Ziniaré, … Le transport des étudiants reste un défi permanent.
A l’université de Dédougou, seulement deux bus sont affectés pour une population de 6 000 étudiants. A l’Université Thomas SANKARA, la situation a atteint son paroxysme. Les étudiants sont souvent contraints d’abandonner les cours à 15H pour prendre le rang et espérer avoir une place à bord. Face au nombre insignifiant des bus et face à un nombre important d’étudiants, les vitres des bus sont devenues des portes d’entrées. Des étudiants atteignent souvent 20H sur le site de l’université sans avoir de bus pour rallier Ouagadougou.
La répression sociale n’épargne guère les allocations sociales des étudiants. La base d’octroi de ces allocations est progressivement réduite, en témoignent la dernière relecture des textes du FONER en 2021 et la diminution du nombre de sessions de dépôt des dossiers de 05 à 03. Le FONER refuse de s’adapter à l’évolution des activités académiques entrainant un rejet massif des dossiers aux différentes sessions. La MUNASEB, chargée de la santé des étudiants, outre le fait de s’entêter sur le maintien des frais d’adhésion, est toujours dans la logique du plafonnement de la prise en charge à 100.000f. Ainsi donc, l’étudiant se voit abandonné au moment où il a le plus besoin d’aide.
Sur le plan des libertés, la militarisation des universités publiques se poursuit. Les instances de prises de décision sont devenues des cadres de faire valoir que des cadres de débats démocratiques. C’est le lieu de rappeler que les universités sont un espace scientifique qui ne peut produire de résultats escomptés que dans la liberté et le débat démocratique.
Dans la volonté de caporaliser les étudiants et imposer des mesures draconiennes, certains présidents d’universités ont pris l’habitude de s’illustrer particulièrement dans les cadres solennelles par des menaces ouvertes. A l’Université Daniel Ouezzin Coulibaly (UDOC) de Dédougou, le président de l’Université disait lors du Conseil de Formation et de Vie Universitaire (CFVU) du 25 octobre 2024 : « vous êtes manipulés par des mains invisibles mais quand je vais taper, ces mains vont disparaitre » ; « vous avez décidé de me rencontrer sur mon chemin mais je vais vous écraser, je vais vous ramollir ». C’est aussi en CFVU le 02 avril 2025 que le président de l’UJKZ a exigé le décrochage des promotions et dit avoir tenu à ce que la note éliminatoire de 7/20 soit appliquée à l’UFR/SVT malgré la contestation des étudiants. Pour lui, chacun devrait reconnaitre sa place.
Il ajouta à cette même occasion que les étudiants ne devraient pas se mêler des programmations et de ce point de vue il se donnerait tous les moyens en temps que président pour appliquer les textes, même ceux qui contiennent des mesures anti-étudiantes.
En d’autres termes, l’université n’est plus un temple du savoir favorisant l’éclosion du débat démocratique où les étudiants constituent des forces de propositions, mais plutôt un espace où ils sont contraints de se soumettre à des textes parfois contraires à leurs intérêts, alors même que l’administration universitaire est parfois la première à enfreindre ses propres textes. En effet, par exemple, selon les textes du LMD le semestre fait 15 semaines et l’année académique 30 semaines, soit 7 mois et demi alors que l’administration fait souvent plus de 12 mois sans être capable de boucler une année académique.
Au de-là de ces nombreuses menaces, les tracasseries judicaires et autres conseils de disciplines sont intentés contre des étudiants qui se battent pour de meilleures conditions de vie et d’études.
Particulièrement à l’UDOC, 50 étudiants ont été traduit en justice dont 18 condamnés avec sursis. Après l’exclusion du camarade DGE de l’UFR/ST PODA Sié Eustache par un conseil de discipline taillé sur mesure, 50 autres étudiants sont actuellement en instance de conseil de discipline. A l’UJKZ, la direction de l’UFR/SH avec la bénédiction de la Présidence de l’université a exclu de fait le camarade TOU Ousmane en refusant de lui accorder une autorisation d’inscription. Or, c’est du fait de son enlèvement et enrôlement forcé dans les rangs des VDP au sein desquels il a combattu au front qu’il n’a pas pu s’inscrire dans le délai avec sa promotion.
Enfin, si la situation des étudiants dans nos universités au plan national est chaotique, celle des étudiants burkinabè à l’étranger n’est pas n’ont plus reluisante. Les étudiants burkinabè de l’extérieur souffrent de problème de logement. L’aide au logement à Dakar ne couvre pas la moitié du coût du logement moyen. En France la capacité d'accueil de la cité Fessart est insignifiant par rapport au nombre d'étudiants. Le coût moyen du logement équivaut au 4/5 de la bourse.
Cette réalité a fait des étudiants burkinabè des étudiants travailleurs. Ces étudiants burkinabè ne bénéficient d’aucun accompagnement pour leur retour au pays et leur insertion socio-professionnelle. Ils sont de ce fait dans l’incertitude conduisant certains à renoncer au retour au pays.
Camarades étudiantes et étudiants,
Sympathisantes et sympathisants de l’UGEB,
Camarades militantes et militants de l’UGEB
Ce jour 19 mai 2025, marque la troisième commémoration post procès. En se référant aux générations d’étudiants qui ont tenus haut le flambeau de la lutte pour la manifestation de la vérité et de la justice, il est d’une impérieuse nécessité pour nous, de faire de cette journée, une journée d’hommage, de magnificence de l’esprit de sacrifice et de résistance de notre camarade DABO.
Aussi, est-il important de souligner que le contexte de mai 1990 n’est pas fondamentalement différent du nôtre. Nous devons nous inspirer de l’expérience de lutte et de résistance de notre union contre les pouvoirs fascisants pour continuer à défendre vaillamment les meilleures conditions de vie et d’étude et à résister à la répression des autorités politico-universitaires. Il nous faudra rester vigilant. Sous aucun prétexte nous ne devons accepter la libération des assassins de notre camarade DABO Boukary sous le sceau de l’impunité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous devrons continuer de plus belle, la commémoration de la journée DABO Boukary.
Cette situation qui nous est imposée ne nous laisse qu’une et une seule perspective, celle de la lutte organisée. C’est pourquoi nous devons faire de la commémoration de ce 35ème anniversaire de l’assassinat de notre camarade DABO Boukary, un franc succès. L’UGEB appelle donc l’ensemble des étudiants épris de justice à s’organiser en son sein pour défendre les libertés.
Le Comité Exécutif réitère la détermination de notre Union à se battre pour de meilleures conditions de vie et d’études des étudiants burkinabé.
Hommage au camarade DABO Boukary !
Non à la remise en cause des libertés démocratiques et syndicales !
En avant pour de meilleures conditions de vie et d’études !
Vive l’UGEB !
Pain et liberté pour le Peuple
Ouagadougou, le 19 mai 2025
Le Comité Exécutif