
07/10/2025
Les chargeurs de marchés, ces ''dos informels'' qui tiennent, peinés, le commerce vivrier
De Parakou à Cotonou, ils sont le pont entre dépôts, camions et magasins. De jeunes gens souvent robustes qui chargent et déchargent des sacs de riz, maïs, gari, charbon...
Leur travail est indispensable à la chaîne logistique des marchés. Ils participent à la fluidité des produits vivriers et à la vie économique du pays. Un effort digne mais précaire.
Ces jeunes hommes gagnent leur vie au prorata des sacs chargés. Pour tenir bon, certains se dopent. Ce qui dégrade à la longue leur état de santé les empêchant de travailler.
Cette source de revenus informelle s'avère donc à la fois utile et toxique. L. (initiale d'un prénom réel), très connu dans son village, est un chargeur de sacs emblématique.
Malgré sa renommée liée à son job, il vit la précarité et peine à avoir une vie de famille. Ses parents sont pauvres, lui et ses frères ont très tôt commencé par se débrouiller.
Une histoire qui ressemble aussi à celles d'autres chargeurs. Au marché de Bohicon, de jeunes hommes se tordent le dos sous le poids de sacs de maïs en partance pour Cotonou.
« Ce travail, à un certain âge, va demander des comptes au corps », soupire une passagère du véhicule chargeant les bagages.
Mais est-ce qu'ils ont souvent le choix que d'opter pour ce travail physiquement pénible et indécent ?
LE TRAVAIL DÉCENT
Le travail décent, selon l'OIT (Organisation internationale du travail) ''implique la liberté de travailler, un salaire permettant de vivre dignement, l’égalité des chances et de traitement, des conditions de travail sûres, la protection sociale et le dialogue social.''
En ce 7 octobre consacré au travail décent, il est à noter que le monde est encore loin de cet idéal. Même dans l'emploi formel, le capitalisme relègue le capital humain au second rang.
Souvent, le bien-être des employés préoccupe très peu des managers. Dans les pays en développement, les petites entreprises naissantes ont du mal à payer leurs collaborateurs.
Tout comme chez les chargeurs de marchés, beaucoup de jeunes employés n'ont aucune protection sociale et un salaire digne.
Cela réduit l'impact social du travail et les chances d'atteindre avant 2030 l'ODD 8 visant le travail décent et la croissance économique.
En attendant des politiques publiques plus inclusives tenant compte des aspirations du dernier chargeur de sac de maïs, il faudra continuer à faire la veille citoyenne.
RENDRE JUSTICE AUX CHARGEURS
Pour rendre justice aux chargeurs, il faut non pas que de la compassion, mais de vraies solutions. Leur travail, essentiel à la vitalité de nos marchés, mérite reconnaissance et encadrement.
Il est temps que les municipalités, l’État et les organisations de la société civile s’unissent pour leur offrir un cadre plus digne.
Cela passe par la création d’associations professionnelles légalement reconnues, capables de négocier de justes tarifs et de défendre leurs droits.
Il faut aussi leur garantir des équipements de protection simples, des espaces de repos, et un accès à une couverture santé minimale.
À long terme, des formations et microcrédits adaptés pourraient leur permettre d’évoluer vers d’autres activités ou d’améliorer leurs revenus.
Rendre ce travail décent, c’est reconnaître la valeur de ceux qui, chaque jour, portent sur leurs épaules le poids de notre économie vivrière.
Emmanuel Loconon