16/07/2025
Bénin 🇧🇯
De Constantin Amoussou
REFAIRE DU BÉNIN UNE MAISON HABITABLE...
Alors que des espaces verts fleurissent ici et là, à Cotonou, et ég*ient de leur parfum doux enivrant le cadre de vie ;
Alors qu'au nom de la célébration de notre glorieuse histoire de résistants, face à l'invasion coloniale, des statues sont érigées ici et là, et célébreraient, paraît-il, les hommes et les femmes qui hier, ont combattu, par amour pour ce pays, et ont payé, parfois de leur sang, le prix de leur engagement pour la patrie ;
Alors qu'un parcours de golfe se dresse fièrement sur le littoral-ouest, à Avlékété, balayant les zangbéto-vali avec leurs dieux et prêtres, rasant un des derniers villages de pêcheurs, le long de la route dite des pêches, puis délogeant autochtones et nouveaux acquéreurs;
Il y a, qui retentit, dans la pénombre du désespoir, le cri inaudible de plusieurs dizaines de jeunes Béninois, voire des centaines, qui croupissent, entassés tel un f***t de sardines dans les prisons devenues la part des jeunes, leur inique part, dans l'héritage de la République.
Qu'ont-ils fait?
Pour nombre d'entre eux, il s'agit de militants de l'opposition pour des faits pré ou post-électoraux; d'activistes opposés au pouvoir; de journalistes insoumis; de candidats déclarés ou pressentis à des élections...
Les juges, dans la droite ligne des réquisitions de leurs puissants procureurs, ont les mots aux colorations les plus dramatiques pour les déclarer coupables, et les envoyer pourrir au fond du cachot, avec le g*i sourire d'avoir accompli leur mission.
Leur mission?
Celle de dire le droit au nom du peuple et dans son intérêt!!!
Celle de faire régner la paix par les moyens de la justice!!!
Celle de préserver la v***e et l'orphelin contre les griffes du Léviathan!!!
Puis, il y a ceux qui, par peur de tomber dans le filet de l'oiseleur, s'enfuient, loin du pays, laissant derrière eux, parents, familles et amis.
Ils savent que si l'on reniflait leurs odeurs aux alentours du premier millimètre-carré du territoire béninois, notre commun patrimoine pourtant, ils seront capturés, et que, s'ils n'avaient pas harcelé quelqu'un, ils avaient dû inciter à la haine contre quelqu'un, ou ils avaient manqué d'honorer une prestation au profit de quelqu'un, ou ils avaient fait l'apologie du terrorisme...
Un matin, des pratiquants d'arts martiaux pouvaient surgir dans leur cachette, les enlever et les remettre entre les mains de l'appareil judiciaire, pas le moins gêné du monde, lui, de faire le recel du produit d'un sordide enlèvement, accompagné de séquestration...
Ou alors, c'est dans l'hôtel où il réside, sur invitation officielle d'un État, dans le cadre de son activité professionnelle, qu'il est capturé et qu'il peut réaliser à bord de l'avion spécial affrété pour son extradition illégale illico presto, qu'on a pu comploter contre lui, un gamin de trente ans; et qu'un tel complot avait pu se mener très haut, le plus haut possible, et avait dû nécessiter ce rare niveau de déploiement de moyens...
Et enfin, il y a ceux qui n'auront même pas eu la chance de préserver leur souffle de vie, alors qu'un jour de mai 2019, contre l'exclusion, l'injustice et répondant à une alerte, ils se seront jetés dans la rue, à mains nues pour certains, armés de projectiles et de branchages d'arbres pour d'autres, brûlant des pneus et dressant des barricades, croyant pouvoir obtenir par la rue, l'écoute qu'ils avaient manqué d'avoir par la grogne, des années durant.
Le crépitement des balles, comme sur un théâtre de guerre, les a refroidis pour l'éternité.
En prônant, contre le régime de Boni YAYI, la dynamique de la Rupture, et en propulsant Patrice TALON à la Marina, un jour de mars 2016, est-ce dans un tel pays que nous voulions vivre?
Jamais la splendeur de tous les jardins du monde ne sera, pour un homme ayant le cœur chaud, plus un motif de satisfaction qu'un modeste citoyen du Bénin profond arraché des griffes de la mort, par la prise en charge de sa dialyse par l'État.
Car, dans le sourire de la vie épargnée, se concentre toute la beauté du monde.
Un homme qui pleure n'est pas un chat qui miaule.
Tandis que vous vous acharnez à bâtir un pays visitable, je vous prie, Monsieur le président, de ne pas oublier que ce bout de terre qui nous appartient, nous tous, a besoin de redevenir UNE MAISON HABITABLE.
Constantin AMOUSSOU.