06/29/2025
Chroniques du Dimanche n.57 ‘’Pour un Instant’’
‘’Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter?
On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter.’’
Ça frappe. D’apprendre la mort d’une idole.
La passation d’un artiste qui m'a fait tant pleurer, qui m’a tant inspiré.
Au son de sa musique, les frissons sont encore présents, et ce, même après tant d’années.
La vie est un courant inébranlable mais notre existence, si fragile. On est comme des feuilles automnales prises dans un courant d’air froid montagnais. Lorsque que les vents s’estompent, on retourne à la terre et l’on devient l’engrais sur quoi la prochaine vie prendra racine.
Le torrent de sa musique résonne profondément dans le cœur de tant de québécois.
Une vague si forte qu’après 50 ans, on en rêve encore. Elle nous emporte vers des cieux où la division n’existe plus, où l’on est transformé en graines de p*ssenlit volant au gré du vent mélodieux d’une chanson ou d’un album complet.
‘’Non, mon ptit gars non, t’as rien qu’à garder la place qu’on t’a donné’’
J’en suis sonné. Ma mâchoire tombe.
Les larmes coulent. Mon corps tremble.
J’me vois aller, béni d’une créativité sans limite mais tant d’hésitations a envahit mon parcours. Ce qui prend 3 heures finit par en prendre 1 an, ou pire encore, à ne jamais s’entamer.
Assis ici, à l’autre bout du monde, je contemple les années qui ont passées si vite. Il me semble qu' hier j’avais 13 ans. Habité par le rêve d’être un grand artiste, à partager ma passion avec le monde, à enflammer les scènes et laisser mon coeur s’exploser devant foule.
J’me souviens d’avoir 18 ans, à enregistrer mon premier album solo.
Ça m’a tout pris pour me rendre au studio. J’voulais tout quitter. D’une peur imprécise d’être rejeté à une autre, j’ai fini par m’y rendre et y dévoiler tout mon cœur.
En 4 ans, j’ai fait 5 albums sous mon nom d’artiste du temps ‘’fisherman’’ que j’ai mis sur bandcamp, sans jamais aller frôler les planches devant mes pairs.
Habité par l’hésitation, j’y suis jamais allé, j’en ai jamais eu le courage.
Fût un temps où j’ai joins des bands. Où j'ai vécu une partie de mon rêve.
Mes années avec Scrap Matou, Friendly Frogs Freak Show et Funkateers furent dans les plus belles aventures de ma vie.
J’ai fait tant d’erreurs, j’ai tant appris, j’ai tant grandi. J’me suis fais tant d’ami-es.
On a fait des shows dans les bars, les salons, les cuisines, les couloirs, les festivals et les salles de spectacles.
J’ai tant joué ces années-là que j’en suis venu à oublier le pourquoi de tout ça.
J’ai tout quitté pour un temps, histoire de revoir ma vie à travers un autre paradigme.
J’suis retourné à la base. À mon amour pour l’authenticité fluide de l’improvisation.
J’ai fondé ‘’Sober is sexy’’ et cofondé ‘’Symbiose!’’. J’ai changé mon nom d’artiste pour ‘’Bobcat Gélatin’’.
Sous le regard extérieur, on peut me percevoir comme un gars bien occupé.
Mais dans l’fond, j'suis ben occupé à m’cacher. À y aller à moitié.
Encore pris dans l’hésitation de mes jeunes années.
Quand j’écoute Harmonium, j’le sent.
Le potentiel transformateur de la musique.
Les frissons que j’ressens sont vrais, ne peuvent pas mentir.
J’la sens en moi. La petite voix qui hurle et me pousse à partager ma créativité, avant qu’il soit trop t**d et que mon jour de partir se présente à ma porte. La p’tite voix qui me dit d’y aller sans peur, de foncer droit devant, d’avoir la foi, et sans hésitation: saisir le monde avec ma musique.
J’lai tellement tassé c’te p’tite voix là. Depuis trop longtemps j’lui porte sourde oreille.
Et ainsi vient le temps où j’apprends la mort d’une de mes plus grandes inspirations. Rappelé encore une fois à faire face à la précarité de la vie, à sa durée plus courte qu’on le pense.
J’men vais dans la salle de bain pour y essuyer mes larmes.
Je croise mon regard dans le miroir. La mâchoire me tombe et mon corps tremble.
Les yeux rouges et les cernes aux yeux. Les cernes qui n’étaient pas là l’an passé.
Et puis là, ça me rentre dedans de plein fouet comme un 18 roues.
À quoi bon me retenir?
À quoi bon hésiter?
À quoi bon ne pas partager ma passion comme si aujourd’hui était le derniers de mes jours?
Un jour, ça l’sera.
À quoi bon toute cette créativité si j’suis pour la garder enfermée dans ma chambre?
À quoi bon écrire des chansons que seuls mes colocs entendent?
À quoi bon toute cette préparation pour finalement ne pas sauter les deux pieds joints dans le vide?
La musique d’hier permet la musique d’aujourd’hui.
Merci Serge de m’avoir nourri.
Il est grand temps que je fasse honneur à tous ceux et celles qui m’ont tant données.
Il est grand temps d’y aller à fond, de ne plus rien retenir, d’embrasser pleinement la vie.
C’est à nous de rendre honneur au passé ainsi qu' d'ouvrir le futur pour celles et ceux qui prendront nos places. Le flambeau est dans mes mains.
Il est grand temps que j’fasse un feu de joie.
Watch out la gang, j’ai fini de me retenir.
Merci Serge!
C’est à notre tour, et ce, pour un instant seulement.