12/17/2024
LAURÉATS ET LAURÉATES DES PRIX DE LA CRITIQUE
SAISON 2023-2024
À MONTRÉAL
COMMUNIQUÉ – Le lundi 16 décembre, à L’Illusion, théâtre de marionnettes, la section montréalaise de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) a eu le grand honneur de remettre ses Prix de la critique dans huit catégories, en plus de deux prix spéciaux hors catégorie. Nos plus sincères félicitations aux lauréats, lauréates, ainsi qu’aux finalistes !
Dans la catégorie « Meilleur spectacle », le gagnant est :
CETTE COLLINE N’EST JAMAIS VRAIMENT SILENCIEUSE, un texte et une mise en scène de Gabriel Charlebois Plante, une production de Création dans la chambre, présentée à La Chapelle Scènes contemporaines.
Ce spectacle cerne avec une acuité troublante, voire bouleversante, les sentiments d’oppression, d’inadéquation, de désemparement paralysant, d’inexorable captivité au sein d’un système sans échappatoire qui parvient à faire de l’individu, en partie du moins, son propre bourreau. Le caractère morcelé et itératif du texte amplifie la portée de cette réinvention éloquente et hautement opportune du mythe antique de Sisyphe. Doivent aussi être cités la valeur allégorique et l’impact visuel de la scénographie, la conception d’éclairages inusitée qui, entre autres, fait de la lumière une interlocutrice pour les protagonistes ainsi que le jeu investi des interprètes, qui relève tant de l’exploit physique que d’un don d’eux-mêmes à leur art. Cette singulière proposition laisse une empreinte indélébile chez qui y est exposé.
Les autres finalistes étaient :
HOMICIDE, de Pascal Brullemans, dans une mise en scène de Nini Bélanger, une production de Projet Mû, présentée au Théâtre Prospero ;
LA MOUETTE, d’Anton Tchekhov, dans une adaptation de Guillaume Corbeil, dans une mise en scène de Catherine Vidal, une production du Théâtre français du Centre national des arts, en coproduction avec Cœur battant et le Théâtre Prospero, présentée au Théâtre Prospero.
Dans la catégorie « Meilleur texte original », le gagnant est :
HOMICIDE, de Pascal Brullemans, une production de Projet Mû, présenté au Théâtre Prospero.
Ce soliloque sombrement captivant, au rythme hypnotique, dont la langue crue s’inscrit dans un discours élaboré avec un doigté et une finesse rares, brosse le portrait complexe, sans complaisance ni mépris ou condescendance, d’un individu et, par ricochet, d’une société où la gratification que procure le regard d’autrui peut en venir à primer sur toute autre considération. L’impudeur qui est déployée dans la dissection – tissée de références historiques et de questionnements – d’une âme humaine tourmentée ne verse jamais dans le sensationnalisme. Il s’agit d’une œuvre dont le public sera durablement imprégné.
Les autres finalistes étaient :
BÉNÉVOLAT, de Maud de Palma-Duquet, une production de Tableau Noir, en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne ;
LA DERNIÈRE CASSETTE, d’Olivier Choinière, une production de L’Activité, présentée au Théâtre de Quat’sous.
Dans la catégorie « Meilleure mise en scène », le gagnant et la gagnante sont :
VIRGINIE BRUNELLE ET JEAN-SIMON TRAVERSY, pour Royal, de Jean-Philippe Baril Guérard, une production de Duceppe, présentée au Théâtre Jean-Duceppe.
Ce duo s’est illustré par l’arrimage achevé des divers éléments constituant sa proposition artistique. Ont retenu l’attention des membres de l’AQCT l’utilisation ambitieuse et probante de l’espace scénique, l’alliage habile de la narrativité chorale et des parcours individuels des personnages, l’audace d’avoir opté pour une distribution composée de jeunes diplômé·es et, bien sûr, l’intégration signifiante de la danse et de la physicalité à une œuvre initialement littéraire, générant des tableaux visuels percutants desquels émane une énergie vibrante.
Les autres finalistes étaient :
FRANÇOIS BERNIER, pour 5 balles dans la tête de Roxanne Bouchard, une production du Théâtre DuBonker, en codiffusion avec La Manufacture, présentée au Théâtre La Licorne ;
CÉDRIC DELORME-BOUCHARD, pour Membrane, de Chi Ta-wei, adapté par Rébecca Déraspe, une coproduction de Chambre noire et du Théâtre Prospero, en collaboration avec le Théâtre du Trillium, présentée au Théâtre Prospero.
Dans la catégorie « Meilleur concepteur ou meilleure conceptrice », la gagnante est :
GENEVIÈVE LIZOTTE, pour sa conception du décor d’Affaires intérieures, de Sophie Cadieux, Mélanie Demers et Frannie Holder, une production d’Espace Go, présentée au Théâtre Espace Go.
L’univers visuel créé, d’une luxuriance exceptionnelle, a ravi par son agencement inventif de textures évocatrices se déclinant en un spectre de couleurs utérines et viscérales. Dense, riche de multiples perspectives, cette scénographie offrait un vaste éventail de possibilités d’éclairages et de mise en scène, en plus d’être d’une magnificence saisissante.
Les autres finalistes étaient :
JUSTINE DENONCOURT-BÉLANGER, pour sa conception du maquillage de La dernière cassette, d’Olivier Choinière, une production de L’Activité, présentée au Théâtre de Quat’sous ;
FRANCIS FARLEY-LEMIEUX, pour sa conception du décor de Jules et Joséphine, de Philippe Robert, une production du Théâtre Advienne que pourra, présentée à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier.
Dans la catégorie « Meilleure interprétation féminine », la gagnante est :
VIOLETTE CHAUVEAU, pour son rôle dans La dernière cassette, d’Olivier Choinière, dans une mise en scène d’Olivier Choinière, une production de L’Activité, présentée au Théâtre de Quat’sous.
Seule en scène, elle use avec maestria de son jeu physique, de son registre vocal et de sa présence pour exprimer sans grandiloquence la souffrance, la dégénérescence, la dépossession de soi et la frustration issue de leur inéluctabilité. Elle parvient à évoluer sur scène dans un attirail de nature clownesque sans jamais frôler la caricature. En résulte une performance émouvante et marquante.
Les autres finalistes étaient :
RACHEL GRATON, pour ses rôles dans La traversée du siècle, d’Alice Ronfard, en collaboration avec André Brassard, d’après l’œuvre de Michel Tremblay, dans une mise en scène d’Alice Ronfard, une production déléguée du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et une production exécutive de Dumont St-Pierre, présentée dans sept théâtres montréalais ;
DEBBIE LYNCH-WHITE, pour son rôle dans Tremblements, de Christopher Morris, adapté par Maxime Allen, dans une mise en scène d’Édith Patenaude, une production de Human Cargo en collaboration avec Espace Go, présentée au Théâtre Espace Go.
Dans la catégorie « Meilleure interprétation masculine », le gagnant est :
DANY BOUDREAULT, pour son rôle dans Homicide, de Pascal Brullemans, dans une mise en scène de Nini Bélanger, une production du Projet Mû, présentée au Théâtre Prospero.
Dans ce monologue, il sait peindre en des teintes diaprées d’innombrables nuances d’émotions et d’états psychiques, allant de la candeur à la perversion, de l’espoir à la cruauté, en usant d’un foisonnement maîtrisé d’intonations ainsi que d’une physicalité éminemment éloquente. La précision de son jeu se prête tout autant au rapport scène-salle traditionnel qu’aux gros plans diffusés sur des écrans.
Les autres finalistes étaient :
GABRIEL LEMIRE, pour son rôle dans La vengeance et l’oubli, d’Olivier Kemeid, dans une mise en scène d’Olivier Kemeid, une coproduction de Trois Tristes Tigres et du Théâtre de Quat’sous, présentée au Théâtre de Quat’sous ;
ÉTIENNE LOU, pour son rôle dans Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse, de Gabriel Charlebois Plante, dans une mise en scène de Gabriel Charlebois Plante, une production de Création dans la chambre, présentée à La Chapelle Scènes contemporaines.
Dans la catégorie « Meilleur spectacle jeune public », le gagnant est :
HÉGÉMONIE, de Maxime Monpérousse, dans une mise en scène de Maxime Monpérousse, une production de Trembler Davantage, présentée entre autres à la Maison Théâtre.
Le texte nuancé et subtil de cette pièce, où se côtoient humour et malaises féconds, déconstruit adroitement les stéréotypes liés à la masculinité. Les interprètes y livrent avec une justesse inébranlable les moult émois de l’imparable quête identitaire de l’adolescence. Qui plus est, la mise en scène, vive mais sans esbroufe, laisse l’espace nécessaire pour que puisse s’étoffer une réflexion essentielle à la société contemporaine.
Les autres finalistes étaient :
MON CONTE DE FEU – À VÉLO ENTRE LES BOMBES QUI TOMBENT, de Francis Monty, dans une mise en scène de Francis Monty, une production du Théâtre de la Pire Espèce, en coproduction avec le Festival Petits et Grands et le Théâtre à la coque – Centre National des Arts de la Marionnette, présentée au Théâtre Aux Écuries ;
UNE PETITE FÊTE – CABARET DE LA DISSIDENCE, de Martin Bellemare, dans une mise en scène de Marie-Ève Huot, une production de Carrousel, compagnie de théâtre, en coproduction avec le Théâtre français du Centre national des arts et la Société de développement culturel de Terrebonne, présentée entre autres à la Maison Théâtre.
Dans la catégorie « Meilleur spectacle créé hors Québec », le gagnant est :
L.U.C.A., de Gregory Carnoli et Hervé Guerrisi, une production de l’Ancre, en coproduction avec le Théâtre National Wallonie-Bruxelles, le Théâtre Jean-Vilar Vitry-sur-Seine, la Coop asbl et la Charge du Rhinocéros, présentée par le Festival Phénomena et La Chapelle Scènes contemporaines.
Ce prix est remis, exceptionnellement cette année, par les sections de Montréal et de Québec, qui ont toutes deux grandement apprécié la variété des approches dramaturgiques et formelles de ce spectacle documentaire aux accents humoristiques et aux fondements aussi actuels qu’essentiels. On y traite, avec un savoir-faire désarmant, à la fois d’identité, de migration et de racisme, le tout en vulgarisant des notions scientifiques et géopolitiques ramenées à l’échelle humaine. Une œuvre rassembleuse, singulière et mémorable.
Les autres finalistes étaient :
CARTE NOIRE NOMMÉE DÉSIR, de Rébecca Chaillon, une production de Dans le ventre, présentée à l’occasion du Festival TransAmériques à l’Usine C ;
LA DOULEUR, de Marguerite Duras, dans une mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang, une production d’Artsadmin, présentée à l’Usine C.
Deux prix spéciaux ont aussi été remis. Les spectacles s’étant mérité ces honneurs sont :
ARBRE, TOUT UN MONDE, une idée originale et une mise en scène d’Hélène Ducharme, une production du Théâtre Motus présentée entre autres à la Maison Théâtre et à L’Illusion, théâtre de marionnettes.
Cette création unique qui s’adresse à un public souvent laissé pour compte, soit les jeunes s’inscrivant dans la neurodiversité, propose un univers dramaturgique, une scénographie et un environnement sonore qui, pour être accessibles, n’en sont pas moins cohérents et riches. Dans cette atmosphère à la fois feutrée et stimulante, les interprètes s’adaptent aux particularités de chaque spectateur et spectatrice – qu’il ou elle vive avec un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle – avec une sensibilité et une qualité de présence incomparables, leur permettant ainsi de bénéficier des nombreux bienfaits de l’art théâtral. Cette initiative ne saurait manquer d’avoir un impact positif à l’échelle individuelle, voire à l’échelle de la société.
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LA TRAVERSÉE DU SIÈCLE, d’Alice Ronfard, en collaboration avec André Brassard, d’après l’œuvre de Michel Tremblay, dans une mise en scène d’Alice Ronfard, une production déléguée du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et une production exécutive de Dumont St-Pierre, présentée dans sept théâtre montréalais.
Cette ambitieuse épopée de 12 heures à travers l’œuvre de Michel Tremblay a conquis la critique par la cohésion de sa trame narrative, par la caractérisation nuancée des personnages, leur évolution poignante et leur interprétation éblouissante par des actrices et des acteurs hautement talentueuses et talentueux – et ce bien qu’ils et elles aient eu leurs textes en main –, dirigé·es avec virtuosité par Alice Ronfard. La rigueur démontrée dans le remaniement du matériau original n’a d’égal que le mérite de le faire redécouvrir sous un nouveau jour à plusieurs générations. Les membres de l’AQCT tiennent aussi à souligner le fait que sept théâtres montréalais se sont unis pour présenter tour à tour ce spectacle d’exception.