
09/02/2024
**L’arrogance motorisée : les seigneurs autoproclamés des routes**
Il suffit de prendre la route quelques minutes pour constater l’émergence d’une espèce bien particulière : le conducteur de pick-up. Armé de son engin imposant, il semble vouloir dominer l’espace, s’imposer par la force de la taille et du bruit. Ces véhicules, véritables symboles d’une masculinité exacerbée, sont souvent conduits avec une arrogance déconcertante. Mais au-delà de la simple question de conduite, c’est tout un phénomène de société qu’il faut analyser ici.
Les conducteurs de pick-up se considèrent souvent comme les maîtres des routes. Ils se pavanent avec leurs véhicules comme des conquérants sur des chevaux de guerre modernes, occupant deux places de stationnement sans la moindre gêne, roulant à toute vitesse et dépassant les autres sans la moindre considération pour la sécurité des piétons ou des cyclistes. Il y a quelque chose de profondément révélateur dans cette attitude. C’est comme si, à travers leur voiture, ils cherchaient à exprimer une forme de pouvoir, une revanche sur une société qu’ils jugent peut-être trop civilisée, trop normée, trop "molle".
Il ne s’agit pas simplement d’une question de goût ou de choix de véhicule. Les pick-up sont devenus, au fil du temps, les emblèmes d’une certaine idéologie individualiste et dominatrice. Ils incarnent cette idée que le monde appartient à ceux qui prennent le plus de place, à ceux qui savent se faire entendre par la force brute, sans considération pour les autres. Ce sont souvent ces mêmes personnes qui méprisent les appels à la responsabilité écologique, balayant d’un revers de main les préoccupations climatiques sous prétexte qu’ils ont "le droit" de conduire ce qu’ils veulent.
Mais que révèle cet engouement pour le pick-up, sinon une incapacité à concevoir la liberté autrement que par la domination et l’affirmation de soi ? Ce besoin de puissance mécanique semble être le reflet d’une société en perte de repères, où l’on confond force et brutalité, indépendance et mépris des autres. Les routes deviennent alors le théâtre de petites guerres personnelles où chacun tente de s’affirmer à travers la taille et la puissance de son véhicule.
Ainsi, derrière le pare-brise fumé et les klaxons tonitruants se cache une certaine fragilité. Car au fond, l’arrogance est souvent le masque de l’insécurité. Et si, au lieu de cultiver cet égo surdimensionné, ces conducteurs de pick-up prenaient conscience que la véritable force réside dans la maîtrise de soi, le respect des autres et la responsabilité partagée ? Peut-être qu’alors, nos routes deviendraient des espaces de civisme plutôt que des champs de bataille.