
07/06/2025
Un recueil magique pour découvrir de nouvelles voix. Nathasha Pemba en fait la lecture.
Le recueil « Et si le bonheur ne tenait qu’à un fil »… s’inscrit dans une initiative essentielle : celle de faire entendre des voix poétiques nouvelles, publiées ici pour la première fois dans un cadre professionnel grâce au Prix Piché de poésie. Trois femmes, trois écritures singulières, mais trois femmes traversées d’une même urgence de dire : celle du corps, du monde, du désarroi, et d’un espoir toujours sur le fil…
❣️La première, Rose-Aimée Bédard, met en avant une poésie de la lucidité et du sacré brisé. Elle offre une poésie dense, habitée par une inquiétude presque métaphysique. L’extrait, « Aux portes des villes, la barbarie ne frappe pas. Elle entre, défonce et déferle… Désormais en perte de bleu / En permanence, du gris de plus en plus foncé », illustre sûrement cette sensation de bascule, où le ciel, autrefois lieu de prière, devient terrain d’assaut. Sa poésie lucide et percutante force le lecteur ou la lectrice à regarder l’époque sans détour, néanmoins sans cynisme.
L’écriture de Rose Bédaed est traversée par le choc entre le passé (le sacré, l’innocence) et un présent plus dur, plus nu. Même la paix, dans ses vers, semble en crise d’identité : « La paix est perplexe / Devra-t-elle prendre les armes ? »
❣️La deuxième, Marie-Josée Ayotte, utilise une écriture du corps, du deuil et de la transmission.
Avec des vers comme : « sur le chemin des femmes / j’interroge les ventres haletants… / une solitude que le silence et le sang multiplient », elle explore une mémoire collective féminine, corporelle, presque charnelle. Il y a dans sa poésie une résonance forte avec les enjeux du deuil, de la maternité, de la violence. Sa langue est à la fois limpide et chargée, comme alourdie par la mémoire, mais habitée d’une intensité émotive rare.
Marie-Josée Ayotte ne dit jamais la douleur de manière frontale, mais la laisse suinter par les images, les creux, les silences.
💔Chez Dominique Brochu, c’est de l’enfance revisitée, entre éclat et destruction, dont il est question. En effet, sa poésie se distingue par une tension dramatique forte. L’extrait, « le lendemain j’ouvre mes valises d’argile / j’essuie les échos / me nettoie / je m’étends sur l’asphalte / emmêle la soif, le sang / je viserai un jour le dos des marelles / je tuerai cette enfant-là », exprime une violence intérieure, une rupture symbolique avec l’enfance, avec une part vulnérable de soi. L’image de la marelle, jeu d’enfance devenu cible, évoque une transition brutale, presque rituelle. Brochu parvient à faire dialoguer la poésie du quotidien avec des tensions existentielles profondes. Son écriture, à la fois imagée et directe, agit comme un électrochoc discret.
Depuis quelques années déjà, je conserve les textes poétiques que je reçois et je prends le temps de les explorer. C’est ce qui me permet d’affirmer que ce recueil est une œuvre tissée de douleurs, de résistance et d’espoirs. Bien entendu, selon ma lecture…
Le fil du bonheur, dans ce recueil, m’a paru toujours tendu, parfois près de rompre, parfois porteur d’un souffle de lumière. Cette poésie accouche, expose, mais elle offre aussi des formes de résistance douce. Les voix de ces trois auteures sont nécessaires, et méritent qu’on les lise et qu’on les relise.
Merci aux Éditions de La Grenouillère pour le service de presse.
Éditions de La Grenouillère