20/07/2025
Guerre à l'Est de la RDC : RUSHEMEZA MWAKE David, Analyse de l’accord de paix conclu entre la République Démocratique du Congo et la République du Rwanda et propositions pour une paix durable.
- À Son Excellence Monsieur le Président de la République
Démocratique du Congo ;
- Mesdames et Messieurs les membres du Parlement ;
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;
- Citoyennes et citoyens de la République Démocratique du Congo;
- Partenaires régionaux etinternationaux
En ma qualité de citoyen congolais, juriste de formation et acteur engagé dans la promotion de la paix et de la souveraineté nationale, je me permets de vous adresser la présente lettre ouverte en rapport avec l’accord de paix signé le 27 juin 2025 à Washington D.C. entre la République Démocratique du Congo et la République du Rwanda. Si cet accord est salué par certains comme un tournant diplomatique susceptible de mettre fin à des années de conflits dans la région des Grands Lacs, il me paraît nécessaire d’en faire une lecture critique au regard des principes de souveraineté nationale, d’efficacité sécuritaire, de transparence démocratique et de stabilité durable.
L’accord évoque notamment le retrait des troupes rwandaises de l’est de la République Démocratique du Congo dans un délai de quatre-vingt-dix jours, l’arrêt du soutien aux groupes armés tels que les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda et le
Mouvement du 23 mars, la création d’un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité dans un délai de trente jours, ainsi que la mise en place d’un cadre d’intégration économique régionale. Toutefois, plusieurs préoccupations subsistent.
Premièrement, la non-inclusion explicite des principaux groupes armés, notamment le Mouvement du 23 mars, dans les négociations formelles interroge la portée effective de l’accord. Leur exclusion du dispositif central pourrait entraver son application sur le terrain et fragiliser les acquis attendus.
Deuxièmement, le processus ayant conduit à la signature de l’accord n’a pas été soumis à une consultation préalable des institutions représentatives nationales, notamment le Parlement et
les organisations de la société civile. Cette situation pose des questions de légitimité démocratique et de transparence.
Troisièmement, la création d’un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire et d’un cadre d’intégration économique régionale, bien qu’innovants en apparence, exigent des garde-fous stricts pour ne pas compromettre la souveraineté de l’Étatcongolais sur ses prérogatives sécuritaires et économiques.
Les observations ci-dessus se fondent sur les principes développés par des auteurs de référence en droit et en relations internationales. Hans Morgenthau, dans Politics Among Nations, enseigne que les relations internationales sont guidées par les intérêts définis en termes de puissance, et non par les seules déclarations de bonnes intentions. Emmanuel Kant, dans Vers la paix perpétuelle, souligne que nul traité de paix ne saurait être sincère s’il contient implicitement les germes d’une guerre future. Enfin, Hugo Grotius insiste sur la nécessité d’une régulation juridique des relations entre États, fondée sur la loyauté des engagements et des mécanismes de règlement pacifique des différends. À la lumière de ce qui précède, je me permets de formuler respectueusement les propositions
suivantes :
- Premièrement, la République Démocratique du Congo devrait initier un dialogue inclusif avec l’ensemble des groupes armés, y compris le Mouvement du 23 mars, en vue de leur implication effective dans le processus de paix.
- Deuxièmement, les institutions nationales, en particulier le Parlement, ainsi que les organisations de la société civile, devraient être pleinement associées à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de l’accord. Leur implication renforcera la légitimité et l’appropriation nationale du processus.
- Troisièmement, les mécanismes conjoints institués par l’accord devraient être strictement encadrés par la loi nationale et placés sous le contrôle démocratique des institutions congolaises. Toute coopération régionale ne peut se faire qu’à la condition du respect absolu de la souveraineté de la République.
- Quatrièmement, un mécanisme indépendant de suivi et d’évaluation devrait être mis en place. Il pourrait comprendre des représentants de l’État, de la société civile, du monde académique ainsi que des experts internationaux, afin d’assurer une évaluation rigoureuse, objective et régulière de la mise en œuvre de l’accord.
En effet, la paix en République Démocratique du Congo est une exigence impérieuse. Elle ne peut être obtenue durablement que si elle repose sur des engagements sincères, transparents, équilibrés et conformes à l’intérêt supérieur de la Nation. Il appartient dès lors à nos dirigeants, avec le concours des partenaires régionaux et internationaux, de veiller à ce que l’accord de Washington ne constitue pas un simple arrangement diplomatique, mais un véritable fondement pour une paix juste, durable et respectueuse des aspirations profondes du peuple congolais.
Je vous prie d’agréer, Excellence, Mesdames, Messieurs, l’expression de ma très haute
considération.