![RDC–Rwanda : à qui profite réellement le « deal » signé à Washington ?Par [Glody Fele, Mbokologue]Alors que l’e...](https://img3.medioq.com/423/050/122251912364230504.jpg)
05/07/2025
RDC–Rwanda : à qui profite réellement le « deal » signé à Washington ?
Par [Glody Fele, Mbokologue]
Alors que l’encre de l’accord signé à Washington entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda n’est pas encore sèche, l’opinion congolaise reste profondément divisée. Certains y voient une avancée diplomatique, d’autres, un marché de dupes. Pour sortir de l’émotion et entrer dans une lecture stratégique, il faut poser les bonnes questions, sans fard ni faux-semblants.
Quels étaient les véritables enjeux et revendications pour chaque partie avant la signature ?
Quelles concessions ont été faites ?
Et surtout, à qui profite cet accord ?
⸻⸻⸻
1) Le piège des FDLR : un gain stratégique pour Kigali
Parmi les principales revendications du Rwanda figure la neutralisation des FDLR. En apparence, cela semble légitime. Mais une analyse critique révèle un paradoxe troublant : comment neutraliser un ennemi dont l’existence même est contestée ? La présence effective des FDLR sur le sol congolais est qualifiée souvent de nébuleuse et aujourd’hui remise en question par de nombreuses sources crédibles. Exiger leur neutralisation pourrait alors forcer la RDC à fabriquer une menace fictive, ou pire, à réprimer ses propres forces d’autodéfense – les Maï-Maï et Wazalendo qui constituent pourtant les derniers remparts face aux visées expansionnistes de Kigali dans la région du Kivu.
Le Rwanda et ses alliés du M23 ont depuis longtemps l’habitude d’amalgamer les FDLR avec les groupes d’autodéfense congolais, dans une stratégie visant à légitimer leur présence armée en RDC. Ce glissement sémantique, désormais inscrit dans un accord international, ouvre un dangereux précédent.
Si la RDC échoue à « neutraliser » ces forces, la tentation pourrait émerger de coopérer militairement avec le Rwanda, ouvrant la voie à un partage de renseignements sensibles et à une infiltration stratégique de notre appareil sécuritaire. Une telle collaboration serait une reddition déguisée.
⸻⸻⸻
2) Des mots flous, des gains rwandais nets
L’accord parle de la levée des « mesures défensives » et du « désengagement » du Rwanda, sans jamais nommer les M23 ou les forces armées rwandaises de manière explicite sur ce point. Kigali, qui a toujours nié toute implication directe, peut ainsi continuer à jouer sur l’ambiguïté, tout en maintenant ses hommes sur le terrain sous d’autres formes.
Quant à la question du M23, elle est soigneusement évacuée vers le processus de Doha, laissant le champ libre au Rwanda pour nier toute responsabilité, tandis que la RDC prétend à une victoire diplomatique… sans retrait vérifiable ni garanties claires.
⸻⸻⸻
3) Un marché de dupes pour la RDC ?
La RDC espérait obtenir, en échange de l’accès à ses minerais, un parapluie sécuritaire américain pour faire face aux agressions répétées du Rwanda. Or, l’accord signé accorde aux États-Unis un accès privilégié aux ressources congolaises via des investissements privés, sans aucun engagement militaire concret. Les États-Unis remportent une victoire économique dans leur guerre froide contre la Chine, en utilisant la RDC comme champ de bataille stratégique.
Pendant ce temps, le Rwanda est célébré comme acteur central d’un accord de paix, alors qu’il est pointé du doigt depuis des années par les Nations Unies comme par les experts internationaux pour son soutien actif aux rebelles du M23.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères n’a d’ailleurs pas caché sa satisfaction, qualifiant la journée de signature d’« historique ». Tout est dit.
⸻⸻⸻
4) La RDC négocie en position de faiblesse
L’un des enseignements majeurs de Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, est limpide : on ne négocie jamais lorsqu’on est en position de faiblesse. Pourtant, c’est précisément ce qu’a fait Kinshasa. Avec une armée en difficulté sur le terrain, une diplomatie hésitante, et un pays épuisé, la RDC a accepté un accord qui semble plus dicté par les intérêts de Washington et Kigali que par les siens.
⸻⸻⸻
5) Un schéma qui se répète… et qui tue notre souveraineté
Ce n’est pas le premier accord du genre. De Lusaka à Addis-Abeba, en passant par Sun City, l’histoire récente de la RDC est jonchée de traités sans lendemain, aux clauses floues, sans mécanismes de vérification ni sanctions claires.
La métaphore du voleur et de la victime prend ici tout son sens : le voleur est récompensé pendant que la victime se contente des applaudissements. Il est temps que le Congo change de mindset. Il est temps que la RDC cesse de compter sur des « sauveurs » extérieurs et refonde son État de l’intérieur. Il est temps d’apprendre à commencer, conduire et terminer nos guerres nous-mêmes, car celui qui veut la paix prépare la guerre.
⸻⸻⸻
Pour Conclure : un accord palliatif et non curatif
Cet accord ne traite pas les causes profondes du conflit. Il promet peut-être une accalmie passagère, mais ne garantit ni la paix durable, ni la justice, ni la souveraineté. Tant que la RDC ne maîtrisera pas son destin sécuritaire, économique et diplomatique, elle continuera à signer des accords qui ne servent que les autres.
L’Histoire jugera, mais dès aujourd’hui, nous devons tirer les leçons, nous réorganiser en interne, et redevenir maîtres chez nous, Il est évident que la RDC, avec son potentiel et sa profondeur stratégique, sera toujours confrontée à la guerre comme menace structurelle. Puisque la paix se gagne et que le respect s’impose, il serait temps d'investir dans une armée de dissuasion et de faire de la RDC une nation de citoyens soldats. Car ceux qui veulent la paix se préparent à la guerre et, dans un pays comme le Congo, l’esprit de la guerre ne doit pas être une attitude occasionnelle, mais plutôt permanente.