13/01/2024
CONGO30JUIN.COM
Comprendre le Katanga sans nécessairement justifier l'esprit indépendantiste !
Terre hospitalière, le Katanga l'est. Il faut alors le dissuader de tomber dans le piège de la stigmatisation, de la vendetta face aux « professionnels de la victimisation »...
Se voulant avisé, un analyste congolais a stigmatisé dernièrement la menace de sécession brandie par certains Katangais en cas de défaite électorale de Moïse Katumbi. Il a fait observer qu'en 2006, lors de l'échec de Jean-Pierre Bemba, l'Equateur n'avait pas réagi de cette façon, moins encore le Kasaï en 2011 après l’échec d'Etienne Tshisekedi. Il a cependant bouclé sa réflexion par une interrogation pour le moins irrationnelle : ce que deviendrait le Katanga sans le barrage d'Inga situé au Kongo Central, à plus de 2.000 km...
Certainement qu’il ne sait pas qu'avant la mise en service de ce complexe en 1971, le Katanga était déjà autonome en production électrique au travers des barrages locaux de Nzilo, Mwadingusha, Koni et Nseke érigés tous avant l'indépendance.
Aujourd'hui, il est en train de le redevenir avec le barrage de Busanga construit dans le cadre du contrat sino-congolais. D’autres infrastructures sont envisagées. A la base : Inga est de moins en moins capable de lui garantir l’approvisionnement régulier en énergie électrique.
Notre compatriote n'est pas sans savoir non plus que le barrage d'Inga est entièrement tributaire des eaux du fleuve Congo dont la source est au Katanga, précisément au Lualaba. D’ailleurs, avant d'atteindre le Kongo Central, le fleuve capte sur son parcours des eaux de différents affluents. Au niveau de l'Equateur, il reçoit même les eaux du fleuve Oubangi (Centrafrique).
Ainsi, toute rupture en amont (Maniema, Orientale, Equateur, Bandundu, Kinshasa) met K.O. ce gigantesque barrage d'Inga avec son potentiel de 44.000 MW.
D'où l'intérêt de garder uni le Congo.
QUAND SES ENFANTS DEVIENNENT VICTIMES DE DISCOURS XÉNOPHOBES…
Garder cependant le Congo uni pour devenir un et prospère requiert la participation de toutes les provinces dans la composition de l'assiette commune, entendez les recettes budgétaires. C'est là, malheureusement, que le problème commence.
Prenons justement le cas du Katanga. Depuis l'accession du pays à l'indépendance le 30 juin 1960, c'est la province qui contribue le plus à cette assiette. Quelle est toutefois la province qui en bénéficie le plus ? Dans la configuration du Congo-Belge, ce n'est ni le Katanga, ni l'Equateur, moins encore le Kivu, l'Orientale, le Kasaï et, pour l’ex-Léopoldville, le Bandundu ou le Kongo Central. C'est plutôt Kinshasa (par sa fameuse (République de Gombe ») avec ses besoins immenses non seulement incompressibles, mais en plus tentaculaires et interminables. Le Katanga passe ainsi pour la vache à lait du pays.
Une anecdote (pour une première parenthèse à ouvrir et à refermer rapidement) : il se raconte que la ville de Gbadolite, aujourd'hui totalement en ruine puisque dépourvue de tout tissu productif conséquent, avait été construite par Mobutu avec pour source première de financement la Gécamines. Lors de la Cns (Conférence nationale souveraine), un fils de l'Equateur n'y avait trouvé aucun inconvénient. A l'en croire, l'exploitation minière au Katanga avait commencé avec les recettes tirées de l'exploitation du caoutchouc et du bois de l'Equateur. Ce qu'il ne pouvait pas percevoir à l'époque, c'est que le caoutchouc (hévéa) et le bois sont des ressources renouvelables. Ce qui n'est pas le cas du cuivre, du cobalt ou de l'uranium. Demain, le Katanga sera sans ressources minières pendant que l'Equateur gardera son potentiel forestier, boosté d'ailleurs par la transition écologique en cours. D'où nécessité pour le Katanga de préparer l'après-mines.
Et quand, après avoir tout donné, trop donné même à la RDC, ses enfants deviennent victimes des discours xénophobes (comme cela se constate autour du processus électoral en cours), le réflexe d'autodétermination se comprend, sans pour autant sans se justifier.
KINSHASA, SIÈGE DES INSTITUTIONS NATIONALES BUDGÉTIVORES
Ce réflexe, ils auraient pu s'en passer si la Constitution avait été respectée en matière de finances publiques. Aux termes de l'article 175, est prévue, en effet, la retenue de 40 % à la source. Tout comme la Caisse de péréquation en faveur des provinces ne générant pas suffisamment de recettes publiques.
C'est bien, aujourd'hui, de fo**re le bo**el au pays en prétextant du respect des délais constitutionnels quand il s'agit d'élections, mais on ne devrait pas être sélectif.
Ouvrons une deuxième parenthèse (à refermer rapidement) à propos de cette retenue : pendant la campagne électorale, on n'a vu ni entendu un seul candidat y faire allusion. Pourtant, c'est là, et nulle part ailleurs, que réside le problème du développement sans nécessairement entretenir l'économie de guerre devenue, par la force des choses, une alternative à l'économie de paix.
Au sujet d’ailleurs de l'économie de guerre (troisième parenthèse à ouvrir et à fermer), elle permet certes à des provinces comme l'Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema et le Tanganyika de connaître un boom économique et social sans précédent, boom à faire pâlir d'envie plusieurs autres provinces du pays. Mais à quel prix ? Celui, hélas !, d'un engrenage duquel il sera très difficile de sortir.
En effet, le rebelle ou le résistant qui n'a pas encore construit sa villa à Bunia, son hôtel à Butembo ou aménagé sa ferme à Sange pendant que son compagnon l'a fait grâce à leur groupe armé commun, ne voudra pas renoncer à la guerre tant qu'il n'en a pas obtenu son tribut.
C’est le pays qui, en définitive, en fait les frais au profit, évidemment, de Kinshasa (République de la Gombe), siège des Institutions nationales budgétivores.
LA MAJORITÉ DES PROVINCES SONT POUR LE FÉDÉRALISME. LE KATANGA Y CROIT
Quand, au demeurant, on dénonce la boulimie de Kinshasa, c'est du fait de consommer la grosse partie des recettes budgétaires qu’on affecte aux rémunérations (réparties du reste injustement) pendant qu’une autre grosse partie disparaît dans le détournement des deniers publics et dans la corruption.
A propos des rémunérations, il est établi qu’aucun ministre, aucun secrétaire général de l'Administration publique, aucun mandataire public, aucun dircab, aucun secab ne rend le tablier sans grossir le Personnel de l'Etat avec les siens, ce en pratiquant le népotisme, alourdissant de ce fait les dépenses en rémunérations au détriment des provinces « vaches à lait ».
Au final, ça fait 60 ans qu’avec la portion congrue réservée aux investissements, la « République de Gombe » finance en réalité le « contre-développement national ».
Pour donner le change, ses initiés prétextent d’un nationalisme et d’un patriotisme couvrant en vérité le tribalisme et l’ethnotribalisme. Ça se constate d’ailleurs facilement : les gros chantres du nationalisme et du patriotisme sont, malheureusement, de gros et piètres promoteurs du favoritisme à base tribale et ethnotribale. Ils usent et abusent de l’ unitarisme concocté tellement à toutes les sauces au point de l'amener à l'état d'obsolescence avancé.
Il a tout de ce fruit mûr qui, devant l'ouragan de l'histoire, finit forcément par tomber, pour paraphraser Mobutu.
Or, avec ses six provinces (Equateur, Kasaï, Katanga, Kivu, Léopoldville et Orientale), le Congo colonial, qui avait atteint un niveau de développement élevé comparé à des Etats comme le Canada et la Corée du Sud, était un Etat fédéral.
Six décennies après, on n'a pas de choix que de revenir au fédéralisme, forme d’Etat à laquelle, du reste, le Katanga, le Kasaï et Kongo Central (pour l’ex-province de Léopoldville) avaient souscrit successivement avant la proclamation de l’Indépendance en juin 1960, lors de la Cns entre 1991 et 1992 et même au Dialogue intercongolais entre 2001 et 2003.
Aujourd’hui, le fédéralisme est escompté par la majorité des provinces, sinon toutes. Le Katanga y croit.
POUR LEUR CAUSE (LISEZ SURVIE), ILS SONT PRÊTS À SACRIFIER LES LEURS…
Pour terminer, (quatrième et dernière parenthèse à ouvrir et à refermer), on ne peut pas ne pas se prononcer sur la fronde katangaise à l’égard particulièrement des Kasaïens. Il faut l’admettre : si, sous la Transition conflictuelle Mobutu-Tshisekedi entre 1990 et 1997, le diamant du Kasaï avait servi à investir dans l'économie locale - comme cela se fait avec l’or, le coltan et la cassitérite en Ituri, au Kivu et au Tanganyika, au lieu d’être utilisé dans la jouissance à Kinshasa, Jo'bourg, Bruxelles ou Atlanta, Mbuji-Mayi et Kananga seraient de grandes villes attrayantes pour les investisseurs et les touristes.
Les populations kasaïennes ne se seraient pas déplacées en masses au Katanga !
Déjà, dans toutes les sociétés humaines, les déplacements en masses finissent par susciter des frustrations auprès des autochtones. Même dans nos propres familles, lorsqu'un parent ou une parente débarque avec conjoint et enfants, et se crée la promiscuité dans la maison, la bouderie s'installe, surtout quand les habitudes (coutumes) sont chamboulées. Le Katanga est dans cet état là.
Il a heureusement la réputation d’être une terre hospitalière.
Aussi, toutes les personnes de bonne volonté doivent l’encourager à la rester avec pour consigne de dissuader les Katangais de tomber dans le piège de la stigmatisation, surtout de la vendetta face à des « professionnels de la victimisation », race sans cœur pour qui «La fin justifie les moyens».
Conséquence : le Katanga, qui nous interpelle, doit réaliser ces évidences si sa volonté est de triompher de cette race.
A nous aussi de nous interpeller, avant de lui faire tout procès d'intention !
Omer Nsongo die Lema
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