21/11/2024
Changement de la constitution : passage en force ou sortie de crise ?
La constitution est reconnue comme la loi fondamentale d’un pays. C’est la pierre angulaire qui détermine la politique de la gestion de la respublica sous toutes ses formes. Tenez ! L’annonce officielle du projet sur le changement de la constitution par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi lors de son dernier passage dans la ville de la Tshopo, à kisangani, ne cesse de diviser l’opinion et continue de faire couler beaucoup d’encre et salive. Si les ténors du pouvoir jugent opportun de procéder à cette démarche illico presto, en vue d’avoir une constitution selon eux, adaptée aux us et coutumes de notre état, contrairement à celle promulguée le 18/02/2006, qu’ils accusent d’être taillée sur mesure au profit des intérêts du Rwanda et des impérialistes. Sous d’autres cieux, le camp de l’opposition par contre, s’oppose farouchement à cette démarche mesquine, jugée d’après eux, de fraude et d’un passage en force, devant favoriser le régime fatshiste, dont la tendance consisterait à prolonger malicieusement le mandat, dans l’intention de s’éterniser au pouvoir et de s’adjuger plusieurs portes feuilles de l’Etat en leur guise, montent au créneau les membres du Front Commun du Congo de l’ancien Président Joseph Kabila, qui taxent Félix Tshisekedi de dictateur. Et d’ajouter que c’est le même acte constitutif qui avait permis la toute première alternance pacifique avec la passation civilisée du pouvoir.
Déjà, cette problématique demeure complexe, au vue de la réalité sociale sur terrain, d’autant plus que, sans se voiler la face, le pays plonge de plus en plus dans un gouffre économique et sécuritaire ombrageux. Entre temps, le commun de mortel ne sait plus à quel saint se vouer pour juguler l’hémorragie de cette crise sociale qui bat son plein malgré des multiples cris de détresse…le gouvernement congolais pour sa part, semble être dépassé par les évènements. Depuis, l’équipe gouvernementale Sama I et II jusqu’à l’actuelle Première Ministre, la population est délaissée à son triste sort. Pourtant, lors de son investiture en juin dernier, la patronne du gouvernement, Judith Suminwa dans son programme d’action gouvernemental élevé à près de 93 milliards de dollars américains, devant les élus nationaux, s’était fixée des objectifs clairs, pour pallier à la problématique de la crise sécuritaire, sanitaire, économique, énergétique, alimentaire et éducative qui embrase l’ensemble du territoire national. Quatre mois plus t**d, cela demeure feuille morte. Quoi de plus normal d’observer, la prise de nombreuses localités de l’Est de la RDC sous contrôle du M23 jusqu’à ce jour, l’insécurité qui gangrène dans tous les coins du pays avec un taux de criminalité à armes à feu et blanches qui prend une proportion inquiétante, les inégalités salariales qui laissent à désirer, l’inflation du taux de change, une économie fortement extravertie et dépendante, le manque de desserte en eau et en électricité, la rareté des denrées alimentaires, l’inexistante des routes de desserte agricole, d’infrastructures routières, scolaires voire hospitalières. Malgré le
S.O.S. des gouvernés, les dirigeants font la sourde oreille jusqu’à présent. Pourtant, toutes les institutions sont bien mises en place, à savoir ; le Président de la république, le parlement, le gouvernement ainsi que les cours et tribunaux, lesquelles d’emblée, consomment à elles seules, selon l’ODEP, 75% du budget du trésor public de l’Etat.
D’où ; la question fondamentale qui taraude les esprits des congolais, c’est de savoir, qu’est-ce qui bloque réellement les protagonistes de l’Union sacrée aujourd’hui, pour prôner la bonne gouvernance dont l’UDPS a tant vanté jadis ? S’interrogent certains analystes. Alors qu’hier, parmi l’objet principal du blocage, à la connaissance de tous, à en croire le régime en place, c’était la coalition du (FCC-CACH), conjuguée déjà au passé mais dont l’ombre de Joseph Kabila continue de planer dans les esprits des membres du régime en place, en dépit du divorce ayant provoqué le renversement de la majorité parlementaire, en faveur des pro-Tshisekedi. Comme si cela ne suffisait pas, il y a eu ensuite la crise sanitaire mondiale de covid19 ainsi que la guerre russo-ukrainienne qui constituaient des éléments justificatifs du bilan. Qu’à cela ne tienne, l’on se souviendra pas plus t**d, que le 24 janvier de cette année, lors de sa prestation de serment devant la nation congolaise, grâce à la même constitution tant décriée présentement, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi avait promis de corriger les erreurs du passé, en améliorant les conditions socio-vitales de la population sur base des mêmes textes légaux qui lui ont de nouveau octroyé tous les moyens de sa politique. Et l’on notera que faire de la lutte contre la corruption, mettre fin à l’impunité, à la guerre dans l’Est de la RDC, favoriser l’emploi des jeunes, réajuster les salaires des agents et fonctionnaires de l’Etat, des militaires, policiers, magistrats, enseignants, médecins etc…font partie de son cheval de bataille. Notamment, son souhait de réduire également, le train de vie des institutions. Il sied de se demander si au stade actuel, serait-ce la constitution qui bloque la matérialisation de sa vision de faire de la RDC, l’Allemagne d’Afrique ? De promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes ? D’éradiquer le banditisme urbain ? De baisser le prix des produits de première nécessité sur le marché ? De pallier aux embouteillages monstres à Kinshasa ? De faire des jeunes millionnaires ? De relancer la compagnie aérienne Congo Airways, en faillite depuis un laps de temps ? De traquer tous les voleurs en cravate qui dilapident l’argent du contribuable congolais ? Est-ce encore la constitution qui empêche en vrai le chef de l’Etat avec son gouvernement de travailler pour l’intérêt général de toute la population ? Pourquoi, de nombreuses mesures prises pour faire développer le pays souffrent-elles d’applications à ce jour? Autant d’équivoques qui, certainement resteront sans réponse claire à cause de la divergence d’idées des uns et des autres teintée des intérêts partisans.
Pour de nombreux analystes, l’homme congolais est le véritable problème qui freine le développement du pays de par, sa mentalité. C’est-à-dire : ‘’l’on ne place pas l’homme qu’il faut à la place qu’il faut à cause d’exigence des critères liés au clivage politique. C’est ce qui cause l’absence même des technocrates imbibés de bonnes valeurs morales’’. D’autres par contre, soulignent un problème de volonté politique et non constitutionnel car ‘’toutes les dispositions sont bien élaborées sauf que le régime en place n’est pas respectueux des textes légaux pour les appliquer en toute équité’’.
Un juriste de surcroit estime : « qu’il n’existe aucune raison valable dans un contexte de crise sociale qui empêcherait le Président Felix Tshisekedi de concrétiser toutes les promesses faites au peuple qui lui a élu ». Précisant d’emblée, que l’intangibilité de l’article 220 de la constitution, stipule ce qui suit : « est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou effet de réduire les droits et libertés des citoyens ». Et actuellement, la démocratie peine à s’appliquer voyant les arrestations arbitraires manu militari des opposants, journalistes, personnes lambda, qui fustigent souvent la vie chère au pays et/ou, la liberté d’expression est vraisemblablement restreinte puis bafouée au détriment de ceux qui sont aux commandes. Pourtant, la nation reste confrontée à de nombreux problèmes sans issues dont les défis sont encore loin d’être relevés. Le comble, ce qu’il est constaté une forte recrudescence des détournements de fonds publics de l’Etat, des dépassements budgétaires sans poursuite judiciaire de la part des animateurs même du pouvoir qui sont disculpés, malgré le rapport de l’Inspection Générale des
Finances(IGF) ainsi que l’alerte de l’Observatoire des dépenses publiques(ODEP), où autant de millions de dollars continuent à être volatilisés pour des projets budgétivores dont les retombées sont néfastes sur le vécu quotidien de la population qui enregistre un seuil de pauvreté très élevé.
En soi, le changement de la constitution n’est pas une si mauvaise option mais l’intérêt et l’énergie qui sont en train d’être investis par les pro-pouvoirs sur la question laisse perplexe face aux tenants et aboutissants de cette décision, sachant que plusieurs résolutions importantes pour répondre aux attentes d’une population assoiffée de l’amélioration de ses conditions socio-vitales, sembleraient être jetées en pâtures. C’est ce qui cause de plus en plus de l’anxiété et la méfiance dans le chef d’un peuple nostalgique des souvenirs moroses antérieurs. Où, à chaque fois que les politiques décident de se réunir autour d’une table pour aplanir leurs divergences sur des questions d’intérêt général, au final cela aboutit qu’au saucissonnage des postes de grandes responsabilités.
Dans l’allure où vont les choses, il sied de se demander si la question du changement de la constitution qui reste d’actualité, sera approuvée par le peuple qui est le souverain primaire ou soit va-t-on vivre un spectacle de passage en force de la part du régime en cas du soulèvement populaire. Certains activistes de droit de l’homme, en l’occurrence l’ASADHO de Jean Claude KATENDE voit cela d’un mauvais œil, et promet de défendre cette constitution qui a doté au pays toute sa souveraineté, en appliquant l’article 64 qui reconnait que ‘’tout congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individu qui prend le pouvoir par force ou qui l’exerce en violation de la présente constitution’’. Et de qualifier cette démarche de ‘’subterfuge pour justifier l’échec du premier quinquennat et couvrir celui du deuxième quinquennat qui ne présage rien de bon’’ a-t-il conclu. Ironie de sort, quelques observateurs renchérissent que le régime de l’UDPS devrait se concentrer à assouvir aux besoins vitaux du peuple congolais longtemps meurtrie, à qui l’on aurait vendu illusion. Et qui à ce deuxième mandat, voudrait voir des actions palpables pour trouver gain de cause et non d’être victime des intérêts mesquins des politiques avec leurs proches.
En tout état de cause, le changement de la constitution ne fera jamais l’unanimité tant par voie référendaire que par voie de vote aussi longtemps que la vraie problématique pouvant remédier aux aléas sociaux de la population n’a pas été résolue…est-ce que faire tabula rasa de la présente constitution permettra de récupérer Bunagana des mains des rebelles du M23 ? Ça permettra de résoudre le problème des embouteillages monstres dans la capitale congolaise ? Cela mettra fin à l’ingérence de l’occident pour son soutien au Rwanda sur les massacres perpétrés dans l’Est de la RDC ? Le cas échéant, tout le monde suit de près cette affaire.
Nul n’ignore encore, les dessous de carte. Quand bien même, le chef de l’Etat affiche une attitude jusqu’auboutiste. Ce qui est sûr, l’année prochaine sera de tous les enjeux du côté de l’UDPS, parti au pouvoir. Qui d’ailleurs, évoque comme source de motivation du changement de la constitution, l’article 217 stipulant, ceci :
« la République Démocratique du Congo, peut conclure des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine » dont ils accuseraient de tailler sur mesure au profit du Rwanda. Au stade actuel, doit-on procéder à la modification et/ou révision de quelques dispositions constitutionnelles ou soit au changement intégral de la constitution ? Et à qui cela profiterait ? Ce qui sur, l’avenir nous en dira plus!
Pour rappel, depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo, la nation a été confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a pris une tournure particulière avec les guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003. D’où, en vue de mettre fin à cette crise de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique, de la société civile et forces vives de la Nation avaient convenu à un dialogue inter congolais dont l’accord global et inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud, le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle constitution démocratique sur base de laquelle, le peuple congolais s’était choisi au cours de premières élections, son président démocratiquement élu à la troisième république en 2006 à savoir, Joseph Kabila, qui avait promulgué la toute première constitution du pays afin de matérialiser la volonté politique de toutes les parties prenantes.
Rédaction Zermag