07/11/2025
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NATIONALITÉ ET CITOYENNETÉ FRAGMENTÉES :
LES IMPASSES D’UNE MANIPULATION JURIDIQUE.
L’adoption de la Constitution du 30 août 2023 continue de soulever de vives polémiques. Outre la modification de la durée et du nombre du mandat présidentiel, elle cristallise le débat public avec un effet clivant avec ses dispositions relatives à la nationalité, inspirées du Code de la nationalité centrafricaine de 1961.
Elle instaure surtout une nationalité et une citoyenneté fragmentées. Désormais, il y a les Centrafricains d’origine, c’est-à-dire ceux nés de père et mère eux-mêmes centrafricains d’origine, et les autres. Les autres, ce sont ceux qui ont acquis la nationalité grâce à la naturalisation ou par le mariage, ceux qui sont nés sur le sol centrafricain de parents inconnus, mais aussi ceux qui sont nés d’un seul parent centrafricain –fut-il d’origine-, ou de parents centrafricains mais naturalisés. Tous ceux-là, ils n’ont désormais plus le droit d’exercer les plus hautes charges civiles ou militaires au sein de l’État, par voie élective ou nominative (président de la République, ministres, députés, magistrats, militaires de haut rang, diplomates, dirigeants d’organismes publics, etc…).
La polémique sur la nationalité prend corps dans un pays enclavé, partageant ses frontières avec six pays dont l’instabilité chronique alimente des mouvements de population, et donc des brassages, depuis sa création ex-nihilo le 13 août 1960. Sans oublier que la situation sécuritaire volatile qui y prévaut depuis la fin des années 90, entretient un environnement institutionnel factice où l’état civil a été plusieurs fois mis à sac.
Ce débat a posteriori, -puisque la rédaction du projet de la nouvelle loi fondamentale a été l’œuvre d’un comité clandestin-, invite les Centrafricains à revisiter leur passé, même le plus récent. A l’aune des nouvelles dispositions constitutionnelles, des personnages comme Jean- Bedel BOKASSA ou encore Catherine SAMBA PANZA, ne pourraient désormais prétendre à quelque légitimité pour présider aux destinées de la République centrafricaine.
En exhumant le Code de la nationalité de 1961 comme une sorte de retour aux sources, la Constitution de la VIIème République, contre toute attente, sape plutôt ses fondements et fait basculer la nationalité centrafricaine vers un droit du sang étranger à son élaboration. On est en droit de se demander, ce qui peut rester de ce Code, du fait de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fondamentale.
La vie après la mort, ou la curieuse destinée du code de la nationalité centrafricaine
Curieuse destinée que celle de la loi n° 61-212 du 20 avril 1961 portant Code de la nationalité centrafricaine. A l’instar de la quasi-totalité des lois adoptées depuis l’accession à l’indépendance ou héritées du colonisateur, elle a joui d’une grande stabilité. Amendée une première fois par la loi n° 64-54 du 2 décembre 1964 modifiant les articles 4,6,7 et 10, elle connaîtra deux autres modifications seulement : l’Ordonnance n° 66-64 du 30 août 1964 modifiant les articles 27, 28 et 91 de la loi n°61-212 du 20 avril 1961 portant Code de la nationalité, et l’Ordonnance n°84-022 du 12 avril 1984 abrogeant l’Ordonnance n°66-64 du 30 août 1964 précitée et complétant un article dudit Code.
La loi n° 64-54 du 2 décembre 1964 a corrigé quelques points de la loi originelle, sans toucher à son architecture d’ensemble et à sa cohérence interne, tandis que l’Ordonnance de 1964 a assoupli les conditions de naturalisation. La dernière Ordonnance, signée par le général André KOLINGBA, a annulé purement et simplement la précédente, en assouplissant notamment les conditions de naturalisation avec l’exigence d’investissements immobiliers.
Curieuse destinée disais-je, s’agissant d’une loi fondatrice de la nationalité et de la citoyenneté du nouvel Etat. En effet, la disposition pertinente qui sanctionne le principe d’une nationalité une et exclusive en son article 46 – « Perd la nationalité centrafricaine, toute personne qui acquiert volontairement une autre nationalité »-, n’a généré aucun flot contentieux en plus de 64 ans.
En effet, les pouvoirs publics –qu’il s’agisse des autorités administratives ou judiciaires- qui auraient pu s’alarmer de ce que certaines personnes ou des personnalités de premier plan (ministres, députés, hautes fonctionnaires civils et militaires, magistrats, militaires de haut rang), dont la pluri-nationalité notoire pouvait induire des doutes légitimes et raisonnables quant à leur allégeance envers l’État centrafricain, n’ont jugé nécessaire d’acter la perte de nationalité de ces derniers.
Rien d’étonnant ! A l’instar d’autres codes du droit centrafricain, aucun texte législatif ou réglementaire n’a jamais été pris afin de faciliter l’application de la disposition en question. Le législateur n’ayant pas prévu comment acter la perte (automatique) de la nationalité, de manière à la rendre opposable à tout centrafricain d’origine qui aurait choisi volontairement d’acquérir une autre nationalité. Par ce silence, il n’a pas anticipé non plus les modalités de réintégration de la nationalité pour les personnes qui auraient pu en être exclues du fait précisément des dispositions de l’article 46.
La loi étant générale et impersonnelle, resterait-elle encore la loi si d’aventure elle ne devait s’appliquer qu’en une circonstance particulière selon un procédé laissé à l’appréciation d’une quelconque autorité publique ? La question mérite d’être posée, avant d’entrer dans le débat juridico-judiciaire créé par les velléités du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bangui d’acter, à son niveau et par le truchement d’une simple ordonnance sur requête, la perte de nationalité de l’un des candidats déclarés à l’élection présidentielle à venir, sur le fondement de cet article.
D’autant plus qu’il me semble, très modestement, que la Constitution du 30 août 2023, à travers son article 10 aux alinéas 1 et 3, annihile purement et simplement les fondements mêmes de la nationalité centrafricaine telle que définie par le législateur en 1961. En voulant transposer dans le texte de la loi fondamentale, certaines dispositions du code de la nationalité, le constituant centrafricain, sans doute à son corps défendant, a opéré une véritable révolution juridique épistémique, en renversant le principe fondateur de la transmission de la nationalité et en permettant désormais une citoyenneté fractionnée.
Le Code de la nationalité centrafricaine est essentiellement une transposition du modèle français du jus soli (ou droit du sol). En cela, l’article 6 originel avant la modification de 1964 est formel : « est centrafricain tout individu né en République Centrafricaine ». En conséquence, le législateur a pris soin d’énumérer des cas où la nationalité d’origine est logiquement attribuée à un certain nombre d’individus du fait de leur naissance sur le sol centrafricain.
Après 1964, la nouvelle rédaction de l’article 6 énonce « (qu’)est centrafricain tout individu né d’un parent centrafricain quel que soit son lieu de naissance ». Pour autant, l’économie de la loi demeure articulée autour de ce principe de droit du sol, puisque la nationalité centrafricaine est toujours possible pour les enfants nés en territoire centrafricain de parents étrangers, voire de parents diplomates, à condition d’y avoir une résidence régulière au cours de leur minorité.
Le constituant, en 2023, semble vouloir s’inscrire dans la continuité du Code de la nationalité de 1961, tout en en bouleversant l’architecture. En effet, la Constitution de la VIIème République, en reprenant l’idée sous-jacente du refus de la bi-nationalité, dispose en son article 10 alinéa 1, que « la nationalité centrafricaine est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre, sauf les cas d’exception déterminés par la loi ». Plus de deux ans après la promulgation de la nouvelle Constitution, le législateur n’a toujours pas jugé opportun de définir les cas d’exception, pourtant bien connus en droit international privé (cas d’acquisition d’une nationalité étrangère du fait du mariage avec un étranger, cas de naissance à l’étranger d’enfants nés de parents centrafricains, etc…).
Jusque-là, rien d’anormal, sauf que le diable est (toujours) dans les détails. Après avoir rappelé que la nationalité centrafricaine se distingue selon qu’elle est attribuée à la naissance (nationalité d’origine) ou acquise ultérieurement, le constituant déclare à l’alinéa 3, « (qu’) est Centrafricain d’origine, toute personne dont les parents sont eux-mêmes Centrafricains d’origine ».
Il s’agit en fait et en droit, d’une véritable révolution dans la conception du fondement de la nationalité centrafricaine, car le constituant semble privilégier désormais le principe du jus sanguinis (ou droit du sang). Cela tranche violemment avec les dispositions de l’article 6 du Code de 1961, et subséquemment avec celles incidentes des articles 8 et 10 dudit Code. Alors que dans ce texte fondateur de la nationalité, la filiation établie à l’égard d’un seul parent suffit à attribuer la nationalité d’origine, désormais c’est la double filiation (père et mère) qui permet de revendiquer la qualité de Centrafricain d’origine, à condition également que les deux parents soient eux-mêmes Centrafricains d’origine, autrement dit, non naturalisés.
Jusqu’à présent, le constituant, lorsqu’il a voulu établir des critères restrictifs pour l’éligibilité à l’élection présidentielle, s’était contenté d’exiger des candidats de faire prévaloir leur nationalité centrafricaine d’origine. Jamais auparavant, il n’avait eu la prétention de redéfinir la nationalité d’origine elle-même, se contentant de renvoyer aux dispositions du Code de 1961.
Désormais, ne peut se réclamer de la nationalité centrafricaine d’origine que « toute personne dont les parents sont eux-mêmes centrafricains d’origine : c’est une négation de la nationalité d’origine selon le code de la nationalité de 1961, car la filiation établie avec un seul parent centrafricain ne suffit plus à vous conférer la qualité de centrafricain d’origine. Autrement dit, si les deux parents sont naturalisés ou un seul des deux parents est centrafricain d’origine, la personne sera centrafricaine sans avoir la qualité de centrafricain d’origine.
L’Etat gagnerait à créer un nouveau corps de métiers encore inconnu en République centrafricaine, afin de disposer de généalogistes qui aideraient au traçage des filiations afin que les hautes fonctions civiles et militaires soient pourvues effectivement par les seuls centrafricains d’origine au sens de la Constitution. La République centrafricaine, sur le terrain du droit, n’en finit donc pas de cultiver les paradoxes, à tel point que le défunt bâtonnier ZARAMBAUD ASSINGAMBI parlait de « records négatifs », pour singulariser notre pratique juridique et institutionnelle souvent originale.
La justice centrafricaine est aujourd’hui sommée par une partie de l’opinion, (de commencer) à appliquer des dispositions constitutionnelles et légales pour le moins alambiquées : la Constitution du 30 août 2023 définit une nouvelle nationalité, annonce des mesures législatives encore inexistantes à ce jour, comme le Code de la nationalité de 1961, plus de 64 ans après son adoption, est toujours orphelin des textes législatifs et réglementaires qui permettraient d’appliquer certaines de ses dispositions !
Hélas, c’est un fait sociologique établi que plus de 80% des lois votées dans notre pays ne sont suivies d’aucun texte réglementaire d’application. S’agissant par exemple des lois fiscales et douanières qui instaurent un régime déclaratif, le contribuable est confronté à la généralité des lois de Finances, avec difficilement des arrêtés du ministre en charge des Finances ou quelques fois des arrêtés interministériels, mais bien évidemment presque jamais de circulaires interprétatifs. L’Administration a bien souvent bon dos d’opérer des redressements vertigineux, qui exposent les entreprises à la faillite, souvent après avoir accepté des années durant, telle interprétation de certaines dispositions légales ou fiscalo-douanières, en sanctionnant subitement et brutalement de prétendues fausses déclarations, ce qui est de nature à banaliser
l’insécurité juridique.
Le Juge électoral, juge de paix des élections
Dans l’immédiat, le débat juridique est accaparé par l’actualité judiciaire. Le contentieux des candidatures aux élections présidentielle et législatives s’est imposé comme thème central de l’actualité politico-médiatique nationale. Si le Conseil Constitutionnel a déjà été saisi prématurément de recours en invalidation, un fait judiciaire récent est fort délicieux à évoquer ici, car il exprime les forts enjeux liés au débat sur la nationalité qui a motivé notre réflexion.
Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bangui, a cru pouvoir contester la nationalité centrafricaine d’un des candidats déclarés à l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, en obtenant du Président dudit Tribunal, une simple ordonnance sur requête afin d’annuler le certificat de nationalité de ce candidat.
Il y a lieu de rappeler ici que l’ordonnance sur requête, à l’instar de l’ordonnance de référé, relève d’une procédure extraordinaire, qui permet au juge de statuer par des mesures provisoires (et conservatoires), sans préjuger du fond du contentieux. Mais contrairement à l’ordonnance de référé, cette procédure n’est pas contradictoire. Elle déroge en cela à l’un des principes fondamentaux de notre organisation judiciaire, celui du contradictoire.
Dès lors, solliciter une simple ordonnance sur requête afin d’annuler un certificat de nationalité et rendre de facto, apatride, une personne ayant été centrafricain de naissance, est une procédure sujette à caution. En effet, selon les dispositions de l’article 75 du Code de la nationalité de 1961, « le Tribunal de Première Instance est seul compétent pour connaître des contestations sur la nationalité, qu’elles se produisent isolément ou à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif » ; de plus, le Tribunal territorialement compétent est celui du lieu de naissance de l’individu (article 78), celui de Bangui ayant compétence pour les litiges portant notamment sur la nationalité de personnes nées hors du territoire centrafricain. Le législateur dispose de surcroît que la procédure doit suivre la voie ordinaire, c’est-à-dire que la personne concernée doit être régulièrement assignée devant la juridiction compétente, ce qui n’est point le cas avec la procédure de l’ordonnance sur requête (article 79).
Enfin, le code de la nationalité de 1961 confère une compétence exclusive aux tribunaux de l’ordre judiciaire pour connaître des litiges relatifs à la nationalité. En d’autres termes, la contestation de nationalité, donc l’exception de nationalité ou d’extranéité, est une question préjudicielle qui peut être soulevée à tout moment et résolue exclusivement par la juridiction judiciaire (article 79).
C’est un point essentiel à retenir, s’agissant des échéances électorales à venir, relativement aux pouvoirs du juge électoral, qu’il s’agisse du juge administratif ou du juge constitutionnel qui ont reçu une compétence d’attribution pour le contentieux de la candidature. En effet, aux termes de l’article 144 tiret 4 de la Constitution. le Conseil Constitutionnel statue souverainement sur « les contentieux électoraux, à l’exception des contentieux des candidatures aux élections législatives et locales qui relèvent du juge administratif ».
Le juge électoral étant appelé à trancher les questions d’éligibilité relativement au critère de la nationalité, il y a lieu de s’interroger sur l’étendue du contrôle que la loi lui permet d’effectuer à l’occasion du contentieux des candidatures. Jusqu’à présent, la seule production d’un certificat de nationalité et de l’acte d’état civil des candidats permettait au juge du contentieux des candidatures de trancher la question de la recevabilité des candidatures aux élections présidentielle et législatives relativement au critère de la nationalité. Le visa de l’acte de naissance par le Président du Tribunal délivrant le certificat de nationalité suffisait à attester la nationalité d’origine dès lors que l’attribution de la nationalité d’origine résultait de la filiation (père ou mère centrafricain(e)) ; a contrario, un décret de naturalisation visé par l’auteur du certificat de nationalité établissait le caractère acquis de ladite nationalité.
Désormais, l’office du juge semble plus complexe. Le certificat de nationalité n’ayant pas été réformé pour tenir compte de la nouvelle législation, on peut s’interroger sur le type de contrôle que le juge électoral, fut-il juge constitutionnel ou juge administratif, doit opérer pour que les dossiers de candidature soient en conformité avec les dispositions pertinentes de l’article 10 alinéas 1, 3 et 4, de l’article 67 alinéa 2 tiret 7 et de l’article 183. En parcourant la Constitution de 2023, on note que l’article 99 tiret 1 contredit formellement les dispositions des articles 10 et 183, relativement à la condition de nationalité d’origine ! Néanmoins, il semblerait que l’Autorité nationale des élections a réclamé aux candidats à l’élection présidentielle, outre leur document personnel d’état civil, de produire également les actes de naissance de leurs deux parents.
En effet, la nationalité centrafricaine désormais fragmentée, ne devrait plus être attestée de la même manière puisque les droits politiques sont fortement différenciés. Si les nationaux d’origine sont seuls capables d’accéder à la fonction présidentielle, la réserve étendue plus généralement aux hautes fonctions civiles et militaires dans la nouvelle constitution oblige à établir une nomenclature des hauts emplois civils et militaires exigeant une double filiation centrafricaine d’origine.
Sur un plan pratique, le juge constitutionnel ou le juge administratif appelé à statuer sur le contentieux des candidatures aux élections présidentielle ou législatives peut-il réduire son contrôle à la seule et simple vérification de l’authenticité du certificat de nationalité produit par les candidats dans les dossiers déposés auprès de l’Autorité nationale des élections (ANE) ? Ou devrait-il s’assurer, par tous moyens, de la « centrafricanité » d’origine des candidats selon les dispositions de l’article 10 alinéa 3 de la Constitution ?
Le compatriote Ibrahim SAMORY, fin juriste et pourfendeur de la démocratie représentative, également connu sous le pseudonyme de KKpla Kongosur les réseaux sociaux, s’interrogeait sur la confusion créée par la Constitution de la VIIème République et le Code de la nationalité de 1961, au point de se déclarer victime d’une forme d’obsession à l’égard de ce dernier. En effet, l’article 46 qui établit la perte de la nationalité pour les personnes nées centrafricaines ayant acquis volontairement une autre nationalité, n’a jamais été appliqué. Et pour cause, aucune note circulaire ou instruction écrite disponible auprès des Administrations compétentes pour les questions de nationalité –ministère en charge de la Justice et ministère en charge de l’Intérieur ou de l’Administration du territoire. Malgré nos recherches auprès des greffes des Cours et Tribunaux à Bangui, nulle trace également d’une activité contentieuse notable, concernant la situation de nationaux ayant acquis volontairement une nationalité étrangère et qui auraient contesté en justice, des actes des pouvoirs publics sanctionnant la perte de nationalité automatique du fait de l’application du fameux article 46.
Si la loi semble n’avoir jamais été appliquée, il demeure qu’elle fait toujours partie de l’ordre juridique faute d’avoir été formellement abrogée. De fait, les usages établis par le non- respect de cette disposition depuis plus de 64 ans, sont valablement créateurs de droits acquis pour les personnes qui ont pu acquérir entre-temps une autre nationalité sans que jamais elles n’aient cessé de j***r de la possession d’état de centrafricain, au point que la République centrafricaine ait été dirigée et est aujourd’hui encore dirigée par des individus binationaux, à tous les échelons des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Les flottements observés dans la rédaction de la Constitution du 30 août 2023, relativement au critère de la nationalité (article 99 tiret 1 et article 183) pour l’éligibilité aux élections législatives, se retrouvent également dans les dispositions respectives de l’article 138 tiret 1 du Code électoral de la République centrafricaine, promulguée le 2 juillet 2024 : le législateur a repris les termes de l’article 99 tiret 1, en occultant manifestement les dispositions des articles 10 alinéa 4 et 183.
Le constituant, bizarrement, n’exige que la seule nationalité centrafricaine pour être candidat à l’élection législative (article 99 tiret 1), suivi en cela par le Législateur à travers le Code électoral (article 138 tiret 1 : « être de nationalité centrafricaine » sans que celle-ci soit d’origine), oubliant les dispositions spécifiques et transitoires (sic) de l’article 183.
Concernant l’élection présidentielle, le législateur règle la question de la bi-nationalité, en disposant, à l’article 106 tiret 7, qu’il faut « être Centrafricain d’origine et n’ayant que la seule nationalité centrafricaine ou ayant renoncé à sa double nationalité avant la date du dépôt de candidature ».
Le Code électoral étant postérieur à la Constitution, promulgué après la censure du Conseil Constitutionnel -qui a ainsi validé les dispositions susmentionnées-, règle de facto et de jure, la question de la candidature des binationaux ayant renoncé à la bi-nationalité. La loi électorale faisant écran aux règles constitutionnelles, la fièvre pré-électorale devrait retomber si le juge électoral, sous la double figure du juge constitutionnel ou du juge administratif, se contentait de remplir son office en appréciant notamment l’authenticité des actes d’état civil et des certificats de nationalité exigés dans les dossiers exigés par le Code électoral.
Les pressions, ainsi que la tentation de faire du Conseil Constitutionnel, juge de la régularité des opérations électorales, le juge des contentieux de la nationalité – au-delà des attributions de l’article 144 tiret 4-, résistent difficilement à l’analyse, compte tenu des éléments évoqués ci-haut. Les actions en contestation de nationalité relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire, selon les dispositions pertinentes du Code de la nationalité de 1961 qui, s’il est mis à mal par la définition proprement révolutionnaire de la nationalité centrafricaine d’origine qui résulte de la Constitution du 30 août 2023, n’en demeure pas moins, la seule source procédurale pour régler les contentieux relatifs à la nationalité.
Dès lors, le ciel judiciaire semble s’éclaircir en ce qui concerne les contentieux de la candidature liés à la nationalité, qu’il s’agisse de l’élection présidentielle ou des élections législatives, municipales et régionales à venir. Le législateur a exploité les incohérences du constituant (articles 67 et 183), pour élaborer un Code électoral qui n’intègre pas la double exigence de l’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution, et il semble avoir réglé pour l’instant, la question insidieuse de la perte automatique de la nationalité créée par l’article 46 du Code de la nationalité, qui n’a jamais prévu les modalités pour acter la perte de la nationalité, ni la réintégration de ceux qui l’auraient perdu, car le droit international porte en creux, le droit à la nationalité de telle sorte que l’apatridie soit toujours une exception.
La juridiction administrative, étant déjà appelée à statuer les contentieux de la candidature concernant les élections législatives, à travers le Tribunal Administratif de Bangui en première instance, nous seront édifiés très rapidement par sa jurisprudence sur ces enjeux juridico-politiques et judiciaires.
Bangui, le 05 novembre 2025
Dr Serge-Alain YABOUET-BAZOLY Avocat au Barreau de Centrafrique Politologue & Publiciste