28/03/2025
Levée de fonds en monnaie locale : un exploit financier qui cache une réalité inquiétante
Par Dr Jean Cardino, PhD
Abidjan, le 28 mars 2025- Le gouvernement ivoirien jubile : la Côte d’Ivoire est devenue le premier pays africain à lever des fonds en monnaie locale sur le marché financier international. Un exploit que le pouvoir présente comme une preuve de la confiance des investisseurs et de la solidité de l’économie nationale. Pourtant, derrière cet enthousiasme officiel, une autre réalité se dessine : un pays où la pauvreté ne cesse de croître et où l’endettement atteint des niveaux alarmants.
Un succès financier qui ne profite pas aux Ivoiriens
Lever des fonds en monnaie locale est certes une première sur le continent, mais cela ne signifie pas pour autant que la population en ressentira les bienfaits. Depuis des années, les gouvernements successifs accumulent les succès macroéconomiques, vantant une croissance soutenue et des performances financières impressionnantes. Pourtant, cette croissance reste largement inégalitaire, et la majorité des Ivoiriens peinent à joindre les deux bouts.
Le coût de la vie a explosé ces dernières années. Les denrées alimentaires de base deviennent de plus en plus inaccessibles pour de nombreux ménages. Le chômage, notamment chez les jeunes, reste un problème majeur. L’accès aux soins de santé et à l’éducation de qualité demeure un privilège pour une minorité. Face à cette situation, il est légitime de se demander : à quoi sert cette levée de fonds si elle ne contribue pas à améliorer le quotidien des citoyens ?
Un endettement préoccupant
Un autre point d’inquiétude réside dans l’augmentation constante de la dette publique. Depuis plusieurs décennies et chaque année, la Côte d’Ivoire emprunte des milliards pour financer des projets d’infrastructures ou maintenir son équilibre budgétaire. Le pays s’endette à un rythme soutenu, et le remboursement de ces dettes pèse de plus en plus lourd sur l’économie.
Cette nouvelle levée de fonds en monnaie locale, bien que présentée comme une alternative aux prêts en devises étrangères, ne change en rien le problème de fond : il s’agit encore d’un endettement supplémentaire, qui devra être remboursé tôt ou t**d. Si ces fonds ne sont pas judicieusement utilisés, le pays risque de s’enfoncer davantage dans une spirale où l’État devra sans cesse contracter de nouveaux emprunts pour rembourser les anciens.
Un mérite contestable
Les autorités veulent faire de cette levée de fonds un motif de fierté nationale. Pourtant, ce succès financier ne peut être célébré tant que l’impact sur la population reste inexistant. Un véritable exploit économique serait une réduction significative de la pauvreté, une baisse du chômage, un meilleur accès aux services publics et une amélioration du niveau de vie des Ivoiriens.
Au lieu de se réjouir d’avoir séduit des investisseurs internationaux, le gouvernement devrait se concentrer sur l’utilisation efficace de ces fonds et s’assurer qu’ils profitent directement aux citoyens. Car au final, ce n’est pas la capacité d’un État à emprunter qui fait sa force, mais bien sa capacité à transformer ces ressources en opportunités pour son peuple.
Si la Côte d’Ivoire veut vraiment être un modèle économique en Afrique, elle doit aller au-delà des annonces triomphantes et s’attaquer aux vrais défis : réduire les inégalités, améliorer la gouvernance et garantir un développement qui bénéficie à tous. Sinon, cette levée de fonds ne restera qu’un exploit technique sans réel impact sur la vie des Ivoiriens.