
29/04/2025
Tidjane Thiam : Ivoirien… mais inéligible ?
La stratégie silencieuse du pouvoir ?
Alors que la question de la nationalité de Tidjane Thiam agite le débat politique ivoirien, la communication récente du ministère de la Justice laisse perplexe. Officiellement, l’ancien patron du Crédit Suisse serait bien Ivoirien. Mais dans les faits, tout semble organisé pour qu’il ne puisse pas prétendre à la présidence. Entre apaisement diplomatique et verrouillage administratif, une ligne rouge semble franchie.
La Direction des affaires pénales et civiles (DAPC), relevant du ministère de la Justice, a récemment pris la parole pour affirmer que Tidjane Thiam, ayant renoncé à sa nationalité française, est redevenu automatiquement Ivoirien. Une déclaration fondée sur l’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne, qui prévoit la perte automatique de la nationalité pour tout Ivoirien acquérant une autre nationalité… mais également la possibilité de recouvrer cette nationalité d’origine en cas de renonciation.
Sur le papier, la lecture est claire. Dans la pratique, c’est une toute autre histoire.
Car si Thiam est bel et bien considéré comme Ivoirien selon le ministère, il ne dispose toujours pas du certificat de nationalité ivoirienne, ce document indispensable pour prouver légalement sa citoyenneté. Or, en Côte d’Ivoire, sans ce sésame, impossible de s’inscrire sur les listes électorales, de déposer une candidature ou de participer pleinement à la vie civique. L’État reconnaît donc sa nationalité… tout en refusant de lui en donner la preuve.
Un piège juridique savamment orchestré ? C’est ce que dénoncent de nombreux observateurs. La déclaration de la DAPC n’est pas une reconnaissance administrative : c’est une manœuvre politique d’apaisement, visant à calmer les tensions internes et à répondre aux critiques venues de la communauté internationale. En ne s’exprimant que sur le principe juridique et non sur la situation concrète de Thiam devant les institutions le pouvoir entretient une confusion qui lui est utile.
Ivoirien, mais pas candidat. Intègre, mais pas certifié. Présent, mais neutralisé. La stratégie n’est pas nouvelle : faire mine d’ouvrir la porte, tout en gardant les clés. Une manière pour le système d’afficher une façade de légalité et de respect des droits, tout en exerçant un contrôle strict sur le jeu politique.
Au fond, cette affaire pose une question bien plus large : qui décide de qui est vraiment Ivoirien ? Et selon quels critères ? Si la nationalité est réduite à un document qu’on peut accorder ou retirer selon les intérêts politiques, alors c’est l’essence même de l’État de droit qui vacille.
À six mois de l’élection présidentielle, l’affaire Thiam est bien plus qu’un simple débat juridique : elle est le révélateur d’un système où l’éligibilité ne dépend pas seulement du peuple, mais d’un filtre opaque entre le droit et le pouvoir.
Intrépide Coulibaly