02/07/2025
🟣🟣🟣Interview
Bello Bouba Maïgari : « L’UNDP est ouvert à toutes les forces du changement pour une coalition »
Le président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) s’exprime pour la première fois depuis l’annonce surprise de sa candidature à la prochaine présidentielle au Cameroun. Il revient en exclusivité pour Jeune Afrique sur les circonstances de son choix et sa relation avec Paul Biya.
Par Yves Plumey Bobo (Envoyé spécial au Cameroun)
Publié le 2 juillet 2025
À 76 ans, Bello Bouba Maigari fait un retour inattendu sur le devant de la scène politique au Cameroun. Plus de trente ans après sa première candidature à la magistrature suprême, l’ancien Premier ministre et président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) a annoncé le 28 juin qu’il briguera à nouveau la présidence lors du scrutin prévu en octobre 2025.
Rompant avec l’alliance historique entre son parti et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de Paul Biya, il dit vouloir offrir une alternative à un système qu’il a pourtant longtemps soutenu de l’intérieur. Dans cet entretien exclusif recueilli à Yaoundé, il revient sur les raisons de sa candidature, ses ambitions pour le pays et sa vision de l’avenir du Cameroun.
Jeune Afrique : Vous avez déclaré votre candidature à la présidentielle. Pour quelle raison avoir fait ce choix ?
Bello Bouba Maïgari : Nous venons de tenir une réunion importante du comité central de l’UNDP, notre organe dirigeant. Nous avions également convié d’autres structures du parti, comme le conseil national et les secrétariats permanents des organes annexes, notamment ceux des jeunes et des femmes. L’agenda politique des neuf prochains mois est particulièrement chargé. Nous avons quatre échéances électorales majeures à venir : la présidentielle en octobre, les régionales en décembre, et les législatives et municipales au premier trimestre 2026.
En tant que président national de l’UNDP, j’ai convoqué ces organes pour consulter nos cadres, dont plusieurs sont élus ou candidats potentiels. À l’issue des débats du 28 juin, les représentants des jeunes, des femmes et de la base militante m’ont demandé avec insistance d’être candidat à la prochaine présidentielle. Ce n’est pas nouveau : depuis l’année dernière, nombre de camarades m’ont interpellé à ce sujet. J’ai toujours répondu qu’il fallait attendre le bon moment et respecter nos statuts. Aujourd’hui, je peux donc confirmer que j’ai accepté d’être candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025.
Cela signifie-t-il que vous avez d’ores et déjà démissionné du gouvernement ?
Non. Ma démission, si elle doit intervenir, sera adressée au président de la République, Paul Biya, qui est le seul habilité à nommer et démettre les membres du gouvernement. Si je décide de quitter mes fonctions, ce sera par une correspondance officielle adressée à qui de droit. Ce qui est certain, c’est que pour mener une campagne efficace, il me faudra m’y consacrer pleinement.
Votre candidature à la présidentielle est-elle uniquement motivée par la pression de la base du parti ? Ou d’autres facteurs sont-ils entrés en jeu ?
Elle découle d’un processus strictement conforme à nos statuts. Depuis 1992, chaque fois que mes camarades m’ont honoré de leur confiance, j’ai répondu à l’appel, dans le respect des procédures internes. Cette fois-ci ne fait pas exception.
De nombreuses voix camerounaises appellent à un rassemblement de l’opposition face au candidat du RDPC. Pourriez-vous y être sensible et participer à une coalition ?
L’UNDP est ouvert à toutes les forces du changement pour une coalition.
Certaines rumeurs évoquent des tensions entre vous et d’autres membres du gouvernement, ainsi qu’avec la présidence. Confirmez-vous ces frictions ?
Personnellement, je n’en ai pas connaissance. Je continue de participer aux réunions du conseil de cabinet, et je n’ai perçu aucun signe de tension particulière au sein de l’exécutif.
Vous avez passé plusieurs décennies au sein du gouvernement. Quel bilan tirez-vous de votre participation à l’action publique ?
Notre participation au gouvernement repose sur un document fondamental : la plateforme d’action gouvernementale. Elle fixe un cadre clair, loin des logiques politiciennes. L’UNDP estime avoir rempli son rôle en contribuant à la démocratie, à la paix, à la concorde nationale et au progrès économique et social. Nous avons œuvré avec loyauté dans l’application des engagements de cette plateforme.
Avez-vous des regrets ?
Plus que de mes regrets, je parlerais plutôt de nos engagements. Avec notre partenaire, nous avons toujours insisté sur la promotion d’une véritable démocratie : la liberté d’expression, le respect du suffrage universel et l’équité dans les résultats électoraux. Ce sont des principes auxquels nous tenons fermement.
Quelle est votre lecture du climat politique actuel au Cameroun ?
De manière générale, le climat politique est serein. Il n’y a pas de guerre civile, même si certains défis sécuritaires subsistent, notamment dans les régions dites anglophones. Mais globalement, les Camerounais peuvent circuler librement, et c’est déjà une grande chance dans le contexte africain.
La question de la succession du chef de l’État revient avec insistance. Comment l’analysez-vous ?
Je souhaite que cette transition se fasse dans la paix. Nous devons éviter les tragédies que certains pays ont connues. L’UNDP s’engagera toujours dans l’éducation citoyenne pour que cette paix, même relative, soit préservée.
Le multipartisme est-il encore vivant au Cameroun ou a-t-il été étouffé ?
Il est vivant. Il y a une pluralité de partis, et leur participation aux consultations électorales le prouve. Le multipartisme se pratique encore, et notre récente réunion du comité central en est une preuve : elle s’est déroulée librement et dans le respect des règles internes.
L’UNDP peut-il survivre sans vous ?
Je l’espère vivement. Ce serait regrettable qu’un parti repose uniquement sur une seule personne. Je fais confiance à mes camarades, notamment aux jeunes, pour continuer à porter les valeurs de l’UNDP : démocratie, progrès et patriotisme. Je suis convaincu qu’ils sauront assurer la relève quand notre génération se retirera.
Si vous deviez adresser un message aux Camerounais, lequel serait-ce ?
Un appel à la paix et à la concorde nationale, avant, pendant et après les élections. L’intérêt du pays doit primer sur toute autre considération. Le patriotisme, pour nous, est un devoir permanent. C’est sur cette base que nous devons continuer à construire l’avenir du Cameroun.
https://www.jeuneafrique.com/1702802/politique/bello-bouba-maigari-lundp-est-ouvert-a-toutes-les-forces-du-changement-pour-une-coalition/