
24/04/2025
Épisode 1 : Les apparences du bonheur
Je me suis réveillée seule. Encore.
Le côté gauche du lit est froid. Vide.
Je n’ai même plus besoin d’ouvrir les yeux pour le savoir. Je le sens dans ma peau, dans mes os. Altaïr est parti depuis longtemps. Il part toujours avant que je me réveille. Peut-être pour éviter mes silences. Peut-être parce que mes silences lui font plus peur que mes mots.
Je reste allongée un moment, les yeux ouverts, à fixer le plafond.
Y’a plus d’amour dans cette chambre. Juste une tension qui colle aux murs, comme une odeur qu’on n’arrive plus à faire partir.
Je finis par me lever. Mes pieds touchent le sol froid.
Dans la salle de bain, je regarde mon reflet.
Je suis belle, paraît-il. C’est ce qu’on me dit. Mais je ne vois plus rien. Je vois juste une femme fatiguée. Une femme qui s’efface un peu plus chaque jour. Une femme qui ne reconnaît plus la fille souriante qu’elle était quand elle a dit “oui” à cet homme.
J’ai cru que l’amour suffisait. Qu’il suffisait d’aimer pour être aimée en retour.
J’ai cru qu’en l’aidant à atteindre les étoiles, il ne me laisserait jamais tomber.
Je me suis trompée.
Altaïr est devenu célèbre. Trop célèbre.
Et moi, je suis restée la femme de l’ombre. Celle qu’on oublie de présenter en interview. Celle qui ne poste pas assez de photos, qui ne se maquille pas assez, qui ne sait pas “vendre son image”.
C’est lui qui me l’a dit hier soir. Juste avant de claquer la porte.
— Tu fais honte à mon image, Monique. T’es invisible. On dirait une prof de lettres.
J’ai rien répondu. Parce que je savais que ça servirait à rien.
J’ai juste éteint la lumière. Et j’ai pleuré en silence. Comme d’habitude.
Ce matin, j’ai reçu le message de la production :
“Vol confirmé pour Paris. Stage validé.”
Je devrais être heureuse. C’est une belle opportunité. Un nouveau départ.
Mais pourquoi j’ai l’impression de trahir quelque chose ? Peut-être moi-même.
Peut-être ce qu’il reste de nous.
Je regarde ma valise vide au pied du lit. Je devrais la remplir.
Je devrais fuir, respirer, recommencer ailleurs.
Mais je reste là, immobile. À regarder cette photo de nous deux, posée sur la table de chevet. On sourit dessus. Un sourire de façade. Un mensonge figé.
Je retourne la photo. Je ne veux plus la voir.
Je ne veux plus me voir comme ça : une femme qui s’accroche à un amour qui l’abîme.
Et pendant que je range les premières affaires, j’entends sa voix à la radio.
Sa chanson passe partout maintenant.
Mais cette fois, elle sonne différemment.
“Même les reines, quand elles s’oublient, finissent dans l’ombre des groupies…”
Je souris. Un sourire amer.
Parce que cette fois, ce ne sera pas moi.
Je refuse de finir dans l’ombre.
Fin de l’épisode 1