25/03/2025
CEUX QUI ONT MARQUE LE CAMEROUN
MONGO BETI : LA PLUME ACERBE QUI DENONCE LE COLONIALISME
Akometan, centre-Cameroun, an 1932. Un garçon vient de naitre dans une petite famille paisible. La coloration du ciel n’arborait aucun artifice qui eut laissé percevoir un éclat quelconque présage d’une grandeur scellée pour ce nouveau-né.
Pourtant, Mongo Béti, de son vrai nom Alexandre Biyidi Awala allait appartenir à la catégorie restreinte de ce qui ont vécu en conformité d’avec l’exhortation de Franz Fanon qui disait ce qui suit : >
Et la génération des années 30 est marquée par la domination coloniale. Les habitants des colonies subissent l’impérialisme multidimensionnel fait d’humiliations, de travaux forcés, de corruption psychologique, d’exploitation. Et le petit Alexandre, fin observateur des travers de la société coloniale, va ronger son frein tout en ruminant. Il fallait s’abreuver des connaissances essentielles, il lui fait conquérir l’autonomie intellectuelle pour s’engager et impacter son temps.
En 1945, Mongo Béti entre au Lycée Leclerc de Yaoundé après des études primaires à l’Ecole des Missionnaires de Mbalmayo. Après son baccalauréat en 1951, il s’installe en France pour y poursuivre des études supérieures de lettres à Aix-en-Provence, puis à la Sorbonne à Paris. Il amorce parallèlement sa carrière d’écrivain avec une première nouvelle intitulée > publiée dans la r***e Présence Africaine, dirigée par Alioune Diop, en 1953. Le début d’une grande carrière littéraire !
Son premier Roman est publié par les éditions Présence Africaine en 1954 sous le pseudonyme de Eza Boto et est intitulé > qui met en lumière la brutalité coloniale, la ségrégation, l’exploitation économique, la manipulation de des consciences par l’Eglise Catholique. Un écrivain résolument anticolonialiste était né !
Mais c’est véritablement deux ans plus t**d en 1956 que Mongo Beti va marquer les consciences avec un roman qui a largement été relayé et qui a fait scandale. > était en effet une description satirique des travers du monde missionnaire qui se pare d’habits prétendument nobles au moment même où ses représentants se livrent à toutes formes de forfaits aux antipodes des enseignements qu’ils sont censés incarner.
L’écrivain titille la société et dérange. Il est devenu l’homme à abattre et cela se manifestera par la haine que lui vouent les autorités Camerounaises qui exigent des autorités françaises et obtiennent l’interdiction de son brulot > publié en 1972. Il faudra attendre 4 ans, 1976 en l’occurrence pour que cette interdiction soit levée.
Le projet littéraire de Mongo est d’abord de dénoncer le colonialisme mais aussi le néocolonialisme. Mais l’auteur ne se limite pas simplement à une dénonciation stérile. Fidele à ce que disait alors Aime Césaire dans Cahier d’un Retour au Pays Natal, je cite >, Mongo Beti va aussi proposer. Car un acte de dénonciation des tares de la société porte aussi en lui les germes de cette lueur d’espoir qu’on veut semer.
Après avoir travaillé comme maître auxiliaire au lycée de Rambouillet, il est nommé professeur certifié au lycée Henri Avril à Lamballe en 1959. Il passe l’agrégation de Lettres classiques en 1966 et enseigne au lycée Corneille deRouen de cette date jusqu’en 1994, date de sa retraite.
En 1991, Mongo Beti rentre au Cameroun, son pays natal, après 32 années d’exil. Il est hospitalisé à Yaoundé le 1er octobre 2001 pour une insuffisance hépatique et rénale aiguë qui reste sans soin faute de dialyse. Transporté à l’hôpital deDouala le 6 octobre, il y meurt le 7 octobre 2001.
Œuvres
• Sans haine et sans amour, 1953.
• Ville cruelle (publié sous le pseudonyme Eza Boto), 1954
• Le Pauvre Christ de Bomba, 1956.
• Mission terminée, 1957.
• Le Roi miraculé : chronique des Essazam, 1958.
• Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation, 1972
• Perpétue et l’habitude du malheur, 1974.
• Remember Ruben, 1974.
• Peuples noirs, peuples africains, 1978 - 1991
• La Ruine presque cocasse d’un polichinelle : Remember Ruben 2, 1979.
• Les Deux Mères de Guillaume Ismaël Dzewatama, futur camionneur, 1983.
• La Revanche de Guillaume Ismael Dzewatama, 1984.
• Lettre ouverte aux Camerounais, ou, La deuxième mort de Ruben Um Nyobé, 1986
• Dictionnaire de la négritude avec Odile Tobner et la participation de collab. de la r***e Peuples noirs - Peuples africains, 1989
• La France contre l’Afrique : retour au Cameroun, 1993 (ISBN 2707149780)
• L’Histoire du fou, 1994.
• Trop de soleil tue l’amour, 1999
• Branle-bas en noir et blanc, 2000.
• Mongo Beti à Yaoundé, textes réunis et présentés par Philippe Bissek, 2005
• Africains si vous parliez, 2005
• Mongo Beti parle : Testament d'un esprit rebelle, 2006
Hervé B. Menguele