
30/08/2025
« Lettre ouverte au Préfet du Diamaré
Monsieur le Préfet du Diamaré,
C'est avec un profond regret, mais surtout avec la ferme détermination de faire valoir nos droits et de rétablir la vérité, que nous, fils et filles de Meskine, vous adressons cette missive. Notre intention est d'exprimer notre profond mécontentement face aux événements récents et d'attirer votre haute attention sur la situation critique que traverse notre localité.
Il est, à notre sens, un préalable indispensable que nous soyons tous collectivement conscients que l'incident survenu à Meskine le 27 août 2025 n'est que la manifestation éclatante d'un ras-le-bol populaire, né de la captivité d'un peuple face à un régime perçu comme particulièrement insensible, voire sadique.
Il nous semble fondamental, dans le cadre de nos droits et devoirs civiques, de vous rappeler un principe cardinal du droit : la responsabilité pénale est strictement individuelle. Les populations de Meskine, libres et indépendantes, ont exercé leur droit fondamental à la liberté d'expression. Cette manifestation spontanée s'est déroulée sans aucune influence, sans instrumentalisation, et a été le fruit d'une initiative propre de nos concitoyens, dénuée de toute manipulation de la part d'un quelconque responsable politique ou chef traditionnel.
Enfin, et c'est un point sur lequel nous souhaitons insister avec la plus grande vigueur, il est impératif de ne pas occulter les causes profondes qui ont conduit nos populations à exprimer leur mécontentement par la grève.
Meskine, qui fut historiquement un bastion du RDPC, a toujours fait preuve d'une loyauté indéfectible envers ce parti, le soutenant activement depuis des années. Malheureusement, cette fidélité n'a jamais été concrétisée par des avancées significatives pour Meskine et ses habitants. Nous déplorons aujourd'hui la présence de plus de mille (1000) diplômés sans emploi dans notre localité, l'absence criante d'infrastructures routières adéquates, et le manque d'accès à l'eau potable. Meskine est, de fait, une localité abandonnée, dépourvue d'élites capables de porter efficacement ses doléances auprès des instances dirigeantes.
La raison intrinsèque de la mobilisation de nos populations est limpide : dans un effort désespéré pour démontrer au Ministre Louise Paul Motazé et à sa délégation que Meskine demeure un fief du RDPC, le Lamido a rassemblé tous les fils et filles de notre communauté. Certains sont même venus de Yaoundé et de Douala pour accueillir cette délégation ministérielle, engageant des dépenses considérables, notamment pour l'acquisition de gandouras de luxe et de montures. Dans sa volonté de prouver l'attachement indéfectible des populations de Meskine au Président Paul Biya et au RDPC, il a été décidé de fermer le marché et d'exiger la mobilisation générale pour l'accueil du Ministre. Plus de quinze mille (15000) personnes étaient ainsi mobilisées ce jour-là. Hélas, nos concitoyens, à qui l'on a empêché de vendre leurs marchandises, sacrifiant ainsi la préparation de la rentrée scolaire de leurs enfants, ont attendu longuement, épuisés, sans que le Ministre ne daigne se présenter. C'est dans ce contexte de déception et d'épuisement que la colère des populations a monté, devenant incontrôlable. Il est donc clair qu'aucune personne n'a incité ou organisé les populations à manifester et à chasser le Gouverneur, le Préfet, les Sous-préfets et le Maire de Maroua 1er.
Monsieur le Préfet, nous tenons à vous informer que nous, populations de Meskine, nous réservons le droit de porter plainte pour diffamation. Nous n'étions nullement sous l'effet de substances alcoolisées, et il ne s'agissait pas d'enfants qui manifestaient, mais bien d'un mouvement populaire généralisé, exprimant un profond ras-le-bol. Vous ne pouvez, sans conséquences juridiques, qualifier nos concitoyens de drogués. Une telle assertion constitue un manque de respect flagrant envers notre communauté et une atteinte à notre dignité.
Dans l'attente d'une prise en compte sérieuse de nos revendications et dans l'espoir que cette lettre vous trouve en bonne santé, veuillez être assuré de notre détermination inébranlable à défendre nos droits et à obtenir justice.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de notre haute considération.
Hamadou HABIBOU, président de l'association Meskine sey Wo'ota (porte parole des Meskinois).
V.P SOLIJ »
N’ZUI MANTO