12/08/2025
Et si le vrai problème du vieillissement, ce n’était pas l’âge mais la façon dont on vit aujourd’hui
On croyait l’inflammation chronique liée à l’âge inévitable. Mais dans certaines populations reculées, elle ne suit pas du tout le même schéma. Une étude menée auprès de peuples vivant loin du confort moderne remet en question l’idée même de « vieillissement inflammatoire ». Il se pourrait que l'âge ne soit pas le seul problème.
L'inflammation chronique, souvent associée au vieillissement, est considérée comme un facteur de risque important pour le développement de nombreuses pathologies telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 ou encore Alzheimer. Ce phénomène, connu sous le terme « inflammaging », est largement documenté dans les populations des pays industrialisés.
Mais une étude récente publiée dans Nature Aging remet cette association en question. Les résultats suggèrent que l'inflammation liée à l'âge ne serait pas une caractéristique universelle du vieillissement humain, mais plutôt une réponse à un environnement, un mode de vie et une exposition aux agents infectieux.
Une inflammation qui dépend de l’environnement, pas seulement de l’âge
L'étude pilotée par la Columbia Mailman School of Public Health a comparé les profils inflammatoires de deux populations dites « industrialisées » (des personnes âgées vivant en Italie et à Singapour) avec deux populations autochtones non industrialisées : les Tsimane d'Amazonie bolivienne et les Orang Asli des forêts de Malaisie.
L'objectif était de vérifier si les marqueurs inflammatoires, comme la protéine C-réactive ou certaines cytokines, augmentent avec l'âge de la même manière dans tous les contextes. Les chercheurs ont analysé les échantillons sanguins de plus de 2 800 personnes.
Résultats ? Chez les Italiens et les Singapouriens, oui : plus on vieillit, plus l’inflammation monte, et plus le risque de maladie augmente.
Mais chez les Tsimane et les Orang Asli, non : le lien entre âge et inflammation n'est pas constant. Les marqueurs inflammatoires sont souvent élevés, mais leur origine semble davantage liée aux infections qu'au vieillissement. Et surtout, ils ne s'accompagnent pas des mêmes maladies chroniques.
Chez les Tsimane, par exemple, malgré un taux élevé d'infections parasitaires (66 % en ont au moins une), les maladies cardiaques, le diabète ou la démence sont rarissimes.
« Ces résultats mettent en évidence une inadéquation évolutive entre notre système immunitaire et l'environnement dans lequel nous vivons, explique Alan Cohen, chercheur principal de l'étude. L'inflammaging n'est peut-être pas une conséquence directe du vieillissement, mais plutôt une réponse aux conditions industrielles ».
En d'autres termes, ce que nous percevons comme des « signes normaux » de vieillissement dans les sociétés occidentales pourrait être en réalité... des symptômes d'un mode de vie mal adapté à notre biologie ancestrale.
L’âge ne fait pas tout : vers des stratégies de santé du vieillissement plus ciblées
Ce que cette étude change, ce n'est pas seulement notre compréhension de l'inflammation. C'est toute la manière dont nous définissons la santé du vieillissement. Les fameux biomarqueurs que l'on utilise pour dépister les maladies liées à l'âge dans les pays riches pourraient ne pas être pertinents ailleurs, et même chez certaines personnes vivant différemment au sein des sociétés industrialisées.
Plus largement, ces résultats appellent à :
• personnaliser les stratégies de prévention, en tenant compte du mode de vie et de l'environnement ;
• repenser les indicateurs de vieillissement, qui pourraient être culturellement ou écologiquement biaisés ;
• investir dans une recherche plus diversifiée, incluant des populations traditionnellement exclues des grandes études biomédicales.
En conclusion, l'inflammaging pourrait n'être ni inéluctable ni strictement lié à l'âge chronologique, mais plutôt le reflet d'un déséquilibre persistant entre nos modes de vie contemporains (sédentarité, alimentation ultra-transformée, isolement social) et les conditions pour lesquelles notre organisme est biologiquement préparé. Autrement dit, un dérèglement évitable, plus qu'une fatalité.
Algérie Black Liste | Christelle Cherrier - Futura-Sciences
Illustration : Sédentarité, alimentation transformée, isolement social : autant de facteurs du mode de vie moderne qui pourraient entretenir une inflammation chronique silencieuse, souvent confondue avec un vieillissement « normal ». Mais si ce n’était pas l’âge le problème, mais le contexte dans lequel on vieillit ? © Sumet, Adobe Stock (généré par IA)