22/03/2024
Exploration de la région autour de la forêt de Nessissa, Berbour, Aïn Beïda et Doui Thabet (Wilaya de Saïda)
En ce mercredi 20 mars 2024, en compagnie de mon ami, Lagha Abdelkader, nous avons entrepris une exploration complète de la zone englobant la forêt de Nessissa, Berbour, Aïn El Béïda et Doui Thabet.
Dès notre arrivée, nous avons été frappés par la sécheresse omniprésente qui sévissait sur tous les cours d'eau de la région, à commencer par l'Oued Berbour, autrefois réputé pour ses carpes de qualité. En matière agricole, la situation n'était guère plus réjouissante : la plupart des champs entre Aïn El Béïda, Doui Thabet et Berbour étaient en piteux état. Les épis de blé et d'orge, au lieu d'atteindre une hauteur minimale de 50 cm, ne dépassaient guère les 10 à 15 cm, comme figés dans un interminable stade d'épiaison. Seules quelques rares parcelles semblaient prospérer grâce à un arrosage régulier. Malgré les assauts ardents du soleil de Ramadan, la végétation caractéristique de ces régions semi-arides continuait de revêtir son manteau de verdure, impassible. Jujubiers, lentisques, tamaris et doums s'épanouissaient, égayant le paysage. Les asphodèles bourgeonnaient, tandis que les boutons d'or, rafraîchis par la rosée matinale, ponctuaient les bords de la route de campagne d'éclats lumineux. Une tortue d'Hermann (Testudo hermanni) s'aventura à traverser, mais notre vigilance lui permit d'éviter tout danger, laissant ainsi la voie libre à son intrépidité.
Chaque pas résonnait sur un sol craquelé, tandis que de jeunes pins d'Alep, en proie à une agonie silencieuse, voisinaient avec leurs congénères déjà morts, victimes de l'attente vaine d'une pluie salvatrice. Pendant ce temps, les chenilles processionnaires poursuivaient leur œuvre destructrice, consumant silencieusement les dernières aiguilles vertes. Face au réchauffement climatique et à la défoliation, que pouvait faire la forêt ? La triste réalité se répétait saison après saison, jusqu'à ce que les arbres, affaiblis, perdent leur capacité à photosynthétiser. Bien que le point de non-retour ne soit pas encore atteint, nous avions la nette impression de nous en approcher, au vu de ce que nous observions.
Les rapaces demeuraient les témoins aériens de cette lutte pour la survie. Nous avons eu la chance d'apercevoir un jeune gypaète, glissant avec grâce dans les airs, certainement à la recherche d'une proie imprudente. Malheureusement, sa tentative de capture se solda par un échec, signe sans doute de son apprentissage encore en cours.
À l'entrée d'Aïn El Béïda, notre périple nous mena chez Hadj Larbi, un vétérinaire retraité, propriétaire d'une ferme autrefois florissante, aujourd'hui en déclin. L'abaissement de la nappe phréatique avait laissé les puits à sec, illustrant de manière tragique l'impact dévastateur de la sécheresse sur les terres agricoles, réduisant les rendements et compromettant la viabilité économique des exploitations.
Le hameau des Maata évoquait ces villages mexicains, baignés de soleil, où aucun arbre ne pouvait offrir une ombre salvatrice. Les vestiges du Lime romain, tentant autrefois de séparer les civilisations, étaient là, témoins d'un passé révolu.
Mais le spectacle le plus désolant restait celui des fermes coloniales abandonnées. Leurs ruines ocre se fondaient dans un paysage tout aussi morne et aride. Aucun signe de vie ne se manifestait sous les murs effondrés. Les figuiers, autrefois vigoureux, gisaient désormais, morts sur pied, comme un symbole de l'incapacité de la terre à accueillir à nouveau la vie. Pourquoi cette stérilité persistante ?
La traversée de Doui Thabet ne nous offrit aucun répit, aucun émerveillement. Seulement un paysage morose, teinté d'ocre et de poussière. Même les modestes villages mexicains de notre imaginaire cinématographique semblaient revêtir un charme et une beauté par comparaison, avec leurs façades blanchies à la chaux et leurs rares géraniums écarlates.
Cette absence de fleurs dans nos villages était révélatrice d'un problème plus profond. Les habitants semblaient refléter leur environnement : ternes et apathiques.
Cette excursion matinale en ce mois de Ramadan nous a offert une leçon précieuse. Nous avons désormais quelques pistes pour redynamiser ces contrées en léthargie. Les ressources naturelles abondantes, comme le Doum et l'Alfa, pourraient être exploitées dans des ateliers d'artisanat local. Les circuits de randonnée que nous avons identifiés pourraient être associés à des gîtes ruraux, dans une optique de tourisme durable. Il existe un potentiel économique latent dans cette région, qui ne demande qu'à être exploité.
Nous allons étudier cela de près et espérons que nos efforts serviront de catalyseur à une véritable renaissance. Nous prévoyons de rédiger un rapport détaillé de nos observations, propositions et idées, dans l'espoir qu'il puisse inspirer des actions concrètes pour revitaliser cette région qui regorge de potentiel. Ensemble, avec une approche réfléchie et engagée, nous sommes convaincus qu'il est possible de transformer ces contrées en des terres prospères, où la nature et l'homme cohabitent harmonieusement.
Les concepts de l'agroécologie et de la permaculture pourraient certainement apporter des solutions prometteuses à la situation que nous avons observée. L'intégration de pratiques agroécologiques, telles que la diversification des cultures, l'agroforesterie et la conservation de l'eau, pourrait aider à restaurer la fertilité des sols et à renforcer la résilience des exploitations agricoles face aux conditions climatiques difficiles.
De même, la permaculture offre des principes et des techniques qui favorisent la création d'écosystèmes agricoles durables et autonomes. En concevant des systèmes agricoles inspirés des modèles naturels, la permaculture vise à maximiser les interactions bénéfiques entre les plantes, les animaux et les éléments naturels, tout en minimisant les intrants externes.
Introduire ces approches innovantes dans la région que nous avons explorée pourrait non seulement contribuer à restaurer la santé des écosystèmes locaux, mais aussi à renforcer la sécurité alimentaire des communautés locales et à promouvoir une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Il est crucial d'inclure ces concepts dans nos réflexions et nos actions pour élaborer des solutions durables et résilientes à long terme.
Par Hassen Ksantini, M.Sc. Biol.
Chargé de l'Environnement à l'AZTET