08/09/2025
Adieu l'artiste !
Pour nous c'était Hamid Meddour , mais récemment nous avons découvert que le nom officiel ou le nom porté à l'État civil est Karim Meddour.
Peu importe, pour tous ceux qui l'ont connu, dans la mémoire collective, il restera sous le nom de Hamid Meddour.
La nouvelle de son décès est tombée à la mi-journée de ce lundi 8 septembre 2025.
Muhakli Meddour son cousin a tenté de me joindre par téléphone, mais ce dernier était déchargé.
Puis il a réussi à m'appeler par Messenger vers un autre téléphone.
Je m'attendais à une mauvaise nouvelle : " désolé ! Je t'annonce que Hamid a rendu l'âme à l'instant à l'hôpital de Tigzirt !"
Puis le silence ! Il n y a plus rien à dire, hormis réunir les forces pour avaler cette nouvelle amère.
On se sent impuissant et nous n'avons que les larmes pour s'exprimer et le cœur pour prier.
Muhakli m'avait déjà donné des signes pas très rassurants depuis trois jours. Également hier Hamid Sebai m'a également donné des nouvelles encore moins rassurantes :
" L'état de Hamid Meddour s'est aggravé. On ne peut même pas le transférer vers l'étranger ! Je tiens à t'informer, mais gardons cette information entre nous"!
Hamid Meddour avait 50 ans. Mourir à cet âge, c'est partir tôt.
Il est né dans une famille pauvre du village El Kelaa, Tigzirt.
Hamid était un beau garçon avec des yeux bleus.
Il était sympathique. Il a un verbe facile, doux, affectueux. Il ne prononce pas des vulgarités ou des insultes. Son langage est très diplomatique.
Peut-être la pauvreté a fait que Hamid n'ira pas loin dans les études. Jeune, il s'est retrouvé confronté à la vie active. C'était ainsi qu'il enchaîne des petits boulots de survie.
Cette même pauvreté avait renforcé en lui son âme d'artiste prolifique.
Pour anecdote, avec son cousin, ils travaillaient dans un chantier. À midi, c'est le moment de la pause. C'est le moment de sortir le maigre repas pris dans la gamelle et le manger au milieu des débris. Puis en train de manger, un passant leur a lancé : " Bon appétit !"
Hamid rétorque :
"C'est très gentil merci. Si tu veux te joindre à nous avec plaisir, mais je t'avertis qu'il n y a probablement pas place pour un bon appétit pour ce repas maigre composé de pommes de terre cuite à la vapeur, un peu de l'huile d'olive et des oignons !".
Puis éclat de rire !
Il luttait contre sa précarité par la force des bras.
Hamid fait partie de la grande famille des Meddour.
Un ami du village El Kelaa, qui a tenté difficilement de s'accrocher au vaisseau du monde artistique m'a dit un jour : " tu sais, parfois chaque famille à ses points forts, sa spécificité. Pour nous au village, les Meddour sont des artistes de naissance. C'est une histoire de famille. Dès qu'un Meddour est né, c'est la naissance d'un artiste potentiel.
Leurs gamins sans aucune instruction, sans formation à la musique prennent des bidons d'huile, fabriquent des instruments de musique et se mettent à chanter avec une facilité incroyable ".
Hamid portait en lui les gènes d'artiste.
Ses débuts étaient comme musicien . Il touchait à d'autres instruments, mais il s'est investi dans la percussion, Derbouka.
Il montait sur scène et accompagnait des artistes renommée de la région.
Lorsqu'il est sur scène, il vit pleinement ces moments d'art, de retrouvailles. On le voit très absorbé par son instrument et pour lui chaque frappe sur sa Derbouka est une note musicale avec laquelle il voulait contribuer avec beaucoup de coeur pour que la prestation soit meilleure.
Il savait comment percer et s'introduire dans ce milieu bien fermé du monde des artistes dans toute la kabylie.
Il s'est fait une place et il s'est fait connaître.
Lorsque vous discutez avec lui sur ce sujet, il s'étale à vous parler tel un expert. Il connaît le monde des artistes, presque dans toute la kabylie comme les moindres ruelles de son village.
Dans la région du Grand Ouaguenoun, Hamid était le percussionniste le plus professionnel.
Il était parmi les musiciens qui accompagnent les grands chanteurs de la région, tel que Ali Ferhati, Moh Oubelaid, Moh Hakkoum etc.
Nous connaissons Hamid le percussionniste, mais rares sont qui connaissent Hamid le poète. Oui il était un grand poète et prolifique.
Nous découvrons qu'il avait composé des textes pour des dizaines et des dizaines de chansons. Il lui arrive d'avoir composé les textes d'album complet pour les autres. Le plus beau qu'il le faisait à titre anonyme.
Hamid était très sage. Je ne l'ai jamais vu en colère, ni se laisser gagné par l'émotion ou être impulsif. Tu peux l'insulter et va te répondre avec un sourire et s'éloigner de toi.
Il était un véritable artiste avec une sensibilité à fleur de peau, humaniste et savait capter et comprendre les douleurs et les souffrances des autres.
Quant à ses souffrances à lui, il les enfouiait dans les coffres de sa sagesse et de la largeur de son esprit.
Pour lui, l'art est un burnous blanc, confortable par lequel il couvrait son existence et avançait contre vents et marées.
Il aimait l'art jusqu'à l'excès. Il a vécu plein dedans au point même de donner peu d'importance à sa vie sociale.
Vers 2016, il a décidé de s'investir dans la chanson. Il a produit deux albums.
Le public découvre ainsi après Hamid le musicien , Hamid le chanteur.
Sa meilleure carte visite pour la mémoire collective restera peut-être ce clip réalisé en 2016 chez Mizrana Production qui a pour titre " IMETTAWEN-IW" ( récit d'une longue histoire d'amour).
Ces dernières années, Hamid avait senti que ses forces diminuaient.
Le dernier album, il l'avait finalisé difficilement. " Je sens que mes forces sont en diminution continue. Je vais finir le plutôt possible cet album, car j'ai peur de ne plus pouvoir le faire après !", confiait t il à l'un de ses cousins.
Sa maladie remontait depuis en surface jusqu'à le clouer au lit.
Un grand élan de solidarité s'est constitué autour de lui afin de l'évacuer vers l'étranger. Mais sa maladie était plus forte et plus rapide !
En tant que croyants, on va attribuer cette réalité au destin.
Oui le destin d'un artiste et même d'un super artiste, né et grandit dans un village des artistes.
Depuis des décennies, ce village qui est El Kelaa qui veut dire la forteresse, l'art, la force de vivre la joie de vivre étaient une réalité.
C'est un village issu de l'arch des Ait Said. On retrouve les traces de la famille Meddour dans la toponymie du village Ait Said. Exemple : Tamazirt U Meddour situé au nord du village des At Said. Le dernier déplacement vers El Kelaa a eu lieu très probablement vers le milieu du 19e siècle.
Depuis des décennies, et depuis le village Ait Said, nous entendons la nuit des jeunes qui se donnaient à des soirées artistiques, particulièrement vers Ighil Issisnou. Si l'on entend rarement les voix ou les guitares, il y a un instrument qui déchire le silence à des kilomètres à la ronde. Il s'agit de la percussion, Derbouka, l'instrument préféré de Hamid.
Il nous quitte tôt sans laisser de progéniture.
Ses descendants sont ses fans, ses œuvres, son gros lot de poèmes, sa personnalité belle et sage, son image d'un artiste plein et entier !
À Dieu nous appartenons, à Lui nous retournons !
Reposes en Paix Hamid.
Felak Yaafu Rebbi !
Mourad Hammami/ Actualités Tigzirt