26/11/2025
Les comportements alimentaires impactés
Un modèle alimentaire en crise
Nos pratiques alimentaires ont évolué avec les transformations sociétales. Au XXe siècle, l’industrialisation nous a fait passer d’une société agricole à une société d’abondance proposant de nombreux produits transformés. Ce modèle, initialement porteur de sécurité alimentaire, est aujourd’hui remis en cause pour ses effets néfastes sur la santé, l’environnement, le bien-être animal et la cohésion sociale. Face à cette crise, des aspirations à « mieux manger » (pour la santé, l’éthique et la durabilité) ont émergé. Mais cette dynamique est freinée par la crise économique actuelle, marquée par une inflation qui accentue la précarité, en particulier des ménages modestes. Ceci a pour conséquences de nouveaux arbitrages, des pratiques d’achat et de consommation transformées, et un regain d’attention au gaspillage. Paradoxalement, la recherche de praticité (télétravail, livraisons, repas devant les écrans) coexiste avec une survalorisation du « fait maison », sur fond d’injonctions nutritionnelles générant une confusion croissante.
Plaisir et quête de santé
À la question de ce qu’est « bien manger », les participants de l’enquête placent au premier plan l’équilibre alimentaire (+ 4 points par rapport à 2021) suivi du plaisir des sens (+ 1 point) et enfin la convivialité (+ 3 points). La perception du lien entre alimentation et prévention des maladies est renforcée : 60 % des Français estiment que l’alimentation joue un rôle clé dans les maladies cardiovasculaires, 48 % dans les cancers et 36 % dans les troubles du sommeil. Cette montée de la dimension sanitaire se traduit dans les représentations associées à un produit de qualité. Celui-ci doit d’abord être bon pour la santé puis avoir bon goût, puis ne faire « courir aucun risque ». Les dimensions environnementales et celles sur la rémunération des agriculteurs perdent des points.
Tensions et contraintes
Entre pressions financières, manque de temps et surcharge d’informations, l’acte de se nourrir ne relève plus uniquement du choix ou du désir, mais aussi, pour une partie croissante de la population, d’une série de renoncements. Le plaisir de manger s’érode (16 points de moins depuis 2016), signe d’un rapport plus contraint à l’alimentation. De plus, 37 % déclarent devoir restreindre leurs dépenses alimentaires pour des raisons économiques dont 11 % évoquent des restrictions importantes. Les produits premiers prix ou les marques de distributeurs sont privilégiés par 40 % de ces personnes. Soixante pour cent des sujets se disent préoccupés par l’impact des aliments qu’ils consomment (+ 4 points par rapport à 2021). Pourtant, l’attention réellement portée à ces effets diminue révélant une dissonance entre intentions de manger mieux et contraintes. De même, les préoccupations environnementales sont bien présentes mais difficiles à traduire en actes avec la montée en puissance des arbitrages budgétaires. Au-delà des contraintes financières, le manque de temps constitue un autre facteur majeur dans le rapport à l’alimentation. Le poids du quotidien alimentaire continue de reposer massivement sur les femmes (70 % déclarent assumer seules les courses et la préparation des repas), révélant des inégalités genrées persistantes. Le temps du repas se comprime, sous l’effet du rythme quotidien et du manque de disponibilité : 53 % des Français passent moins de trente minutes à table, contre 38 % en 1999.
Une défiance croissante s’opère envers les acteurs de l’offre, nourrie par l’expérience d’une baisse de qualité (40 % estiment qu’elle s’est dégradée en cinq ans) et un sentiment de déclassement alimentaire. L’étude note un basculement silencieux, mais profond dans les repères de confiance et de qualité : 69 % estiment que les marques de distributeur offrent une qualité équivalente à celle des grandes marques.
Les comportements alimentaires impactés
Individualisation des repas, adoption de régimes spécifiques, diversification des sources de protéines et montée en puissance des alternatives alimentaires, l’alimentation des Français évolue profondément. Les arbitrages ne sont plus dictés par des normes collectives, mais par des considérations propres à chaque individu. Le repas partagé se dissout progressivement dans les pratiques individuelles. L’augmentation du nombre de personnes vivant seules joue aussi un rôle clé dans cette évolution : 43 % dînent seuls à la maison, contre 29 % vingt ans plus tôt. Au-delà de la manière de prendre ses repas, le contenu de l’assiette évolue considérablement. Un Français sur trois suit un régime alimentaire spécifique (sans viande, sans gluten, flexitarien…). Un consensus inédit pointe autour de l’idée de frugalité, entre choix volontaire, contrainte économique et quête de santé : 78 % estiment que « nous pourrions vivre en mangeant beaucoup moins ». Parallèlement, la restauration hors foyer progresse (+5,2 %) et la place des aliments ultra-transformés occupe une part croissante (30 % des apports énergétiques quotidiens), notamment chez les jeunes générations, pour des raisons de praticité et d’accessibilité.