24/09/2025
En janvier, Lucia Rossi vit surgir lâombre de la mĂ©nopause. Au dĂ©but, tout semblait paisible. Aucune bouffĂ©e de chaleur, pas de sueurs nocturnes ni d'accĂ©lĂ©rations cardiaques. Juste⊠la fin brutale de ses cycles. Elle haussa les Ă©paules : « VoilĂ la vieillesse. Bienvenue ! » Pas un mot au mĂ©decin. Elle avait tout lu, tout su. Et ses amies ne cessaient de sâĂ©tonner : « Lucia, quelle chance ! Tu traverses ça comme une plume ! »
Mais cette admiration sonna comme une malĂ©diction. Les troubles vinrent sans prĂ©venir. Sauts dâhumeur, vertiges, une fatigue sourde. Se pencher pour prendre sa petite-fille Beatrice devenait une Ă©preuve. LâappĂ©tit sâeffaça. Des douleurs inconnues prirent possession de son dos. Matin, visage bouffi. Soir, jambes lourdes comme le plomb. Lucia refusa de cĂ©der. JusquâĂ ce que ses belles-filles sâimposent : « Vous ĂȘtes vidĂ©e. Consultez ! »
Silencieuse, Lucia portait ses soupçons comme des chaĂźnes. Puis la brĂ»lure du sein, la tension au bas-ventre. La nuit, pendant que son mari Edoardo ronflait, elle fixait le plafond en pleurant. Mourir Ă cinquante-deux ans ? Impossible. Ils parlaient dâune maison Ă la campagne. Marco et Luca, ses fils, gravissaient des sommets professionnels. Sofia et Giulia, ses belles-filles, la chĂ©rissaient. Et Beatrice, petit ange au patinage artistique, commençait lâĂ©cole⊠savait dĂ©jĂ manier lâaiguille.
Le temps leur avait échappé. Lucia se sentait trahie, inachevée. Ses larmes creusaient des sillons sombres sous ses yeux.
Le printemps fut un calvaire, lâĂ©tĂ©, un supplice. Octobre arriva et tout bascula : souffle court, douleurs coupantes dans le dos et le ventre. Elle craqua. Edoardo apprit tout.
Le jour du rendez-vous, câĂ©tait toute la famille qui lâescortait. Edoardo et Marco restĂšrent dans la voiture, Sofia et Giulia patientaient dans le couloir.
FrigorifiĂ©e, tremblante, Lucia sâĂ©tendit sur la table dâexamen. La gynĂ©cologue, les sourcils froncĂ©s, saisit le tĂ©lĂ©phone : son ton changea. « Oncologie ? Ici le centre de santĂ©. Patiente grave. Il faut un transfert dâurgence ! Cinquante-deux ans, premier examen⊠Incroyable ! »
Lucia, vidĂ©e, sentait chaque muscle sâeffondrer. Une infirmiĂšre entra en trombe : « Qui accompagne Madame Rossi ? Entrez, vite ! »
Dans la voiture, le silence Ă©tait insoutenable. Edoardo sanglotait, Marco sâagrippait au volant. Sofia et Giulia soutenaient Lucia, qui hurlait, dĂ©figurĂ©e par la douleur. Par instants, derriĂšre ses larmes, elle contemplait les arbres dorĂ©s. Une adieu muet Ă sa tribu.
Ă lâhĂŽpital, la machine sâemballa. Les couloirs Ă©taient en mouvement, les brancards filaient. Quand Edoardo voulut sâapprocher, un vieux mĂ©decin lui barra le passage : « Elle est en plein travail ! La tĂȘte est presque sortie ! »
En salle de naissance, Lucia Ă©tait allongĂ©e prĂšs dâune jeune fille. Les cris, les odeurs, les palpitations. Le professeur, mĂ©fiant, posait des questions : « Et toi ? Pourquoi souffres-tu ? »
« à cause de ce fichu vin ! », rùla la jeune fille.
« Et vous ? », fit-il à Lucia, frÎlant sa jambe.
« Pour lâamour », murmura-t-elle. « Je fĂȘtais mes cinquante-deux ans avec mon mari⊠»
« SacrĂ© anniversaire ! » ricana-t-ilâŠ
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