29/07/2025
« J’ai dû faire semblant que ça ne me faisait pas mal… quand mon propre fils est passé devant moi sans même me saluer. »
Monsieur René avait 67 ans et une chaise en plastique devant sa maison, où il passait ses après-midis. Non pas par plaisir… par habitude. Sa femme, Gisèle, était décédée trois ans plus tôt, et depuis, sa seule raison de sortir était d’espérer qu’on le reconnaisse.
Son fils, Julien, était parti vivre en ville. Il avait promis de venir. De l’appeler. D’envoyer quelque chose. Mais seules arrivaient des factures… et le silence.
Un vendredi comme les autres, René se rendit au centre du village pour toucher sa pension. Alors qu’il faisait la queue à la banque, il le vit. Julien. Plus grand maintenant, vêtu comme un homme de bureau, le visage pressé. Il le reconnut aussitôt. Ses jambes tremblèrent. Il sourit et leva la main… mais Julien le regarda droit dans les yeux, fronça les sourcils… et continua son chemin.
Comme s’il ne le connaissait pas.
Comme si l’homme qui l’avait élevé n’était qu’un inconnu parmi d’autres.
René ne le suivit pas. Il ne cria pas. Il baissa simplement la main. Ses yeux le brûlaient, mais il ne pleura pas.
À la place, il acheta un sachet de pain, rentra chez lui et s’assit sur sa chaise.
Ce soir-là, il ne mangea pas. Il pensa. Il pensa aux nuits où Julien était malade et lui ne dormait pas. Aux fois où il avait marché des kilomètres pour lui acheter des cahiers. Aux chaussures qu’il avait recollées à la colle. Et à tout ce qu’il n’avait jamais demandé en retour… sauf une seule chose : ne pas être oublié.
Depuis ce jour, quand les gens lui demandent s’il a des enfants, il répond :
« J’en ai eu. »
Pas par rancune. Mais par vérité.
Car il avait compris qu’il existe des abandons pires que de laisser quelqu’un dans la rue : le laisser vivant… mais sans présence.
Et même s’il l’attend encore, ce n’est plus avec espoir.
Juste avec la certitude qu’il l’a élevé pour qu’il prenne son envol…
pas pour qu’il disparaisse.
« Il y a des enfants qui grandissent tant… qu’ils n’ont plus de place pour le souvenir de ceux qui les ont portés avec les mains vides. »