24/11/2017
Quelle sont les meilleures écoles de journalisme ?
Aujourd’hui encore 80% des journalistes en France n’ont pas de formation. Un scandale ? Pas vraiment. Tout dépend du média où vous travaillez.
1. École ou pas école ?
La formation des journalistes est un concept récent qui s’est développé après 1945. Des écrivains comme Albert Londres, Gaston Leroux et Joseph Kessel n’ont jamais fréquenté une école de journalisme ce qui ne les a pas empêché de devenir d’illustres reporters. Et bien que le prix « Albert Londres » récompense chaque année depuis 1933 le meilleur « Grand Reporter de la presse écrite », Albert Londres n’a jamais eu de carte de presse. Ceci démontre que la formation n’est pas indispensable au métier. Elle vous permet toutefois de maîtriser les bases rédactionnelles, de connaître les règles du métier et de crédibiliser votre candidature auprès des employeurs. Mais au final, tout dépend du média. Un magazine comme Sciences et Vie est essentiellement rédigé par des scientifiques et des professeurs d’université, tout comme Tennis Magazine est écrit par des sportifs. La presse spécialisée s’adresse à des passionnés. Leur travail consiste davantage à creuser un sujet de niche qu’à commenter un événement. Il ne vous sera donc pas indispensable d’intégrer une école pour rejoindre la rédaction d’un magazine spécialisé. Votre passion et vos connaissances pointues du domaine feront mieux l’affaire.
La presse généraliste, elle, est plus regardante sur les diplômes. Des médias comme TF1, Radio France ou L’Express ont besoin de journalistes parfaitement opérationnels pour couvrir une actualité très vaste (politique, international, économie). Les candidats doivent donc posséder une excellente culture générale, un bon esprit d’analyse et une forte réactivité.
2. Les meilleures écoles
L’école supérieure de journalisme de Lille (ESJ) et le Centre de formation des journalistes (CFJ) sont de loin les plus reconnues et constituent une excellente carte de visite dans la profession. Les rédactions des télévisions, des radios et des grands journaux nationaux recrutent volontiers les élèves de l’ESJ Lille et du CFJ Paris car la plupart en sont eux-mêmes issus et connaissent parfaitement leur qualification. Pour y accéder, vous devez passer un concours de niveau Bac+2 minimum puis vous acquitter des frais de scolarité annuels qui s’élèvent à 3900 euros pour le CFJ Lille et 4960 euros pour le CFJ Paris. Au final : une soixantaine de places pour des centaines de candidats. Une fois admis, vous bénéficiez d’une solide formation théorique et pratique du journalisme sur un cursus de deux ans (audiovisuel, radio, presse écrite, web, multimédia). Vous pourrez aussi effectuer des stages dans certains médias et créer les bases de votre réseau (le meilleur atout du journaliste).
Voici la liste complète des 14 établissements reconnus qui répondent aux critères de la convention collective des journalistes en ce qui concerne les méthodes pédagogiques et l’association du corps enseignant à la profession :
École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille)
Centre de formation des journalistes (CFJ Paris)
École de journalisme de Sciences Po Paris
Centre universitaire d’enseignement du journalisme, CUEJ-Strasbourg
École des hautes études en sciences de l’information et de la communication, Celsa-Paris IV
École de journalisme et de communication de Marseille, EJCM
École de journalisme de Toulouse, EJT
École de journalisme de Grenoble, EJDG
Institut Français de Presse (IFP-Paris II)
Institut pratique de journalisme (IPJ-Paris)
L’Institut de journalisme Bordeaux-Aquitaine (IJBA)
IUT de Lannion département « Information Communication »
IUT de Tours département « Information Communication » (EPJT)
IUT de Nice Cennes (EDC)
3. Le CFPJ : pour se former en entreprise
Le groupe CFPJ est le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes. Créé en 1972 il intègre l’école du CFJ mais aussi deux autres centres : le CPJ (Centre de perfectionnement des journalistes) et le CIM (Centre d’information sur les médias). Le CPJ et le CIM proposent des modules de formation aux salariés d’entreprises grâce à des horaires adaptés.
La formation peut être continue en s’étalant sur deux ans à raison d’une journée par semaine. Pour des sessions rapides, le centre envoie un formateur durant quelques jours directement dans l’entreprise pour dispenser la formation aux salariés . La formation est certes un peu light bien qu’elle coûte cher (3000 euros l’année) mais elle donne quelques bases pour apprendre le métier.
4. Les autres écoles
À l’instar des écoles de cinéma, les écoles de journalisme privées (qui sont parfois les mêmes) se bousculent pour attirer les jeunes candidats et surtout leur portefeuille. Comptez de 6000 à 8000 euros de frais scolaires pour une seule année (le cursus dure généralement 1 ou 2 ans). Si vous avez la chance d’être financé par votre employeur, cela vous enlève une sérieuse épine du pied. Sinon, un crédit bancaire est à prévoir. La formation, elle, est parfois moyenne. Écrire un article de temps en temps, raccourcir des articles piochés dans la presse pour en faire des brèves, apprendre à utiliser un Mac ou un PC pour maquetter des articles, connaître le jargon de base du rédactionnel (chemin de fer, feuillet, chapeau, titre, encadré) et rechercher des infos sur Internet ou faire du micro-trottoir. Les professeurs ? Des pigistes ou des journalistes en rédaction dont les horaires décalés permettent d’arrondir leur fin de mois. Ces écoles sollicitent aussi des intervenants « prestigieux » (des animateurs télé) pour dispenser des conseils aux élèves lors de conférences et de séminaires.
5. À quoi sert la carte de presse ?
Créée par la loi de 1935, la carte de presse n’est pas délivrée par une école de journalisme mais par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP). Pour l’obtenir il faut travailler trois mois consécutifs (comme salarié ou pigiste) dans une société de presse souscrivant à la convention collective des journalistes. Les deux premières années cette carte vous est délivrée en tant que stagiaire (1 an si vous êtes diplômé d’une école reconnue par le SNJ). La carte de presse n’est pas obligatoire pour exercer la profession de journaliste mais elle certifie votre statut et vous permet d’accéder (souvent gratuitement) à la plupart des événements (salons, musées, châteaux, expositions, événements sportifs). Elle sert également de justificatif aux impôts pour bénéficier de « l’allocation de frais pour l’emploi » autrement dit la déduction fiscale de 7650 euros. Vous avez donc tout intérêt à la demander chaque année, moyennant un petit chèque annuel d’environ 25 euros à l’ordre du CCIJP.
6. Le marché du travail
Comme d’habitude, on vous dira que le marché est bouché et que dénicher un poste est très difficile. C’est vrai, car le journalisme est un métier de réseau. Rencontrer les gens, discuter avec eux, proposer des piges aidera à vous constituer ce fameux carnet d’adresses. Les rédacteurs en chef étant des gens souvent pressés, envoyez leur un sujet plutôt qu’un CV. Les débuts sont difficiles et passent parfois par des années de piges avant d’intégrer une rédaction. Ce n’est pas forcément une tare. Être pigiste est un bon moyen de se former au métier.
Sur le plan économique, la presse connaît de profondes mutations pour ne pas dire une vraie crise. Malgré des subventions importantes, la presse papier souffre le plus notamment avec le développement d’Internet qui propose souvent les mêmes informations gratuitement et plus rapidement. Les rachats de journaux par des groupes financiers se succèdent avec à leur tête des dirigeants d’entreprise qui considèrent avant tout les médias comme un produit. Les plans sociaux réduisent les équipes rédactionnelles et l’on assiste à un changement des conditions de travail. Du côté de la radio et de la télévision, les emplois ne se bousculent pas non plus, bien que la TNT ouvre de nouvelles perspectives d’embauches. Au final, c’est surtout Internet qui créé des emplois de journalistes. Le problème est que ces postes sont souvent précaires ou peu rémunérés tout en réclamant des compétences très larges (rédaction, mise en ligne, recherche de photos). Les secrétaires de rédaction (qui corrigent les articles des journalistes) sont d’ailleurs en voie de disparition sur les sites d’information. Cela engendre des fautes d’orthographes à répétition dans les articles, et pas seulement sur les blogs mais aussi sur les sites de grands quotidiens nationaux comme ici avec lefigaro.fr.
Bref, toute la profession doit aujourd’hui reconsidérer son modèle économique dans un monde où l’information est omniprésente et gratuite.
Un article publié dans Télérama en février 2009 décrit les conditions de travail assez inquiétantes (hélas de plus en plus banales) des journalistes de NextradioTV (BFM, BFMTV, RMC, 01net.com, La Tribune). Le système dit « low cost » consiste à mutualiser l’information sur différents pôles (loisirs, sport, politique) et à la répartir ensuite vers les médias en adaptant l’angle. Du coup, les journalistes ne sont plus attachés à un support mais à une entreprise, une sorte d’usine à infos.
La désaffection du public pour les médias traditionnels
Internet a multiplié les sources d’information mais en a aussi profondément bouleversé la culture. Jusqu’en 2000, la population française s’informait exclusivement via les médias traditionnels (télévision, radio, presse écrite) qui avaient le monopole des sources et de la diffusion. Aujourd’hui, une part croissante de la population française s’informe partiellement, voire exclusivement, par des sites d’information indépendants (blogs, WebTV) qui proposent un autre traitement de l’information et de façon parfois très professionnelle tout en étant gratuit. La baisse régulière des ventes de la presse papier – qui survit grâce aux subventions publiques – n’est qu’un symptôme de cette tendance. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. D’une part, on constate une perte de confiance progressive des lecteurs dans les médias de masse qui se focalisent trop sur le sensationnel, le symbolique et l’anecdotique (relations conjugales du président, affaire Cahuzac) au lieu de privilégier les sujets plus impactants sur la vie des citoyens comme les directives de l’Union Européenne. Cette « mal-information » entraîne un décalage entre la presse et l’opinion publique. Le traitement de l’information sur la crise en Syrie et en Ukraine sont des exemples où une majorité de la population désapprouvait l’ingérence occidentale alors que les médias la souhaitait ouvertement.
Les Médiacrates
Véritable plaidoyer pour l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance totale de la presse, Les Médiacrates est un ouvrage de Jean Nouailhac, ancien grand reporter à L’Aurore. Pourquoi les journalistes ne disent-ils pas la vérité ? Pourquoi n’exercent-ils plus leur rôle de contre-pouvoir ? Parce que le « quatrième pouvoir » est malade. Une lecture vivement recommandée aux étudiants en journalisme et à ceux en exercice (éditions L’Archipel).