25/10/2025
L’Église qui protège… ou qui couvre ?
Deux affaires récentes dans les Hautes-Alpes rappellent un malaise profond.
Deux histoires différentes, mais un même fil rouge : celui d’une institution qui se dit protectrice tout en entretenant des silences qui détruisent des vies.
D’un côté, Mgr Jean-Michel di Falco, ancien évêque de Gap-Embrun, visé par des révélations sur une relation équivoque avec un mineur dans les années 1980.
De l’autre, un enseignant du collège-lycée catholique Saint-Joseph de Gap, placé en garde à vue pour des faits présumés d’agressions sexuelles sur mineurs, commis sur plusieurs années.
Deux affaires, deux parcours, mais une même question : comment une institution censée incarner la morale et la protection peut-elle, encore aujourd’hui, laisser perdurer de tels drames ?
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L’Église, miroir brisé de sa mission
L’Église catholique se veut refuge, repère, gardienne de la foi et de l’éducation.
Dans un département comme les Hautes-Alpes, elle a longtemps été une puissance : présente dans les écoles, les associations, la culture locale, au cœur même des familles.
Mais derrière les discours de bienveillance, la réalité montre trop souvent un système où l’image de l’institution passe avant la souffrance des victimes.
Des prêtres déplacés, des enseignants maintenus en poste, des plaintes étouffées, des alertes ignorées.
Cette mécanique du silence, répétée au fil des années, a broyé des existences.
Derrière chaque silence, il y a un enfant blessé.
Derrière chaque justification, un adulte détruit, qui a dû grandir dans la honte, la culpabilité ou le déni.
Ce sont des vies volées, des identités fissurées, des familles dévastées.
Ce ne sont pas des faits divers : ce sont des tragédies humaines.
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Le paradoxe insupportable
Comment concilier le message de l’Évangile — “Laissez venir à moi les petits enfants” — avec le fait que certains de ces enfants aient été livrés à leurs agresseurs sous le regard de l’institution censée les protéger ?
Comment accepter qu’au nom de la foi, on ait protégé des coupables plutôt que des innocents ?
Le plus insupportable n’est pas seulement l’acte lui-même, mais le silence qui l’a entouré.
Ce silence a tué deux fois : d’abord l’innocence, ensuite la confiance.
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Les Hautes-Alpes, un cas emblématique
Ici, l’Église a longtemps été toute-puissante.
Elle enseignait, soignait, accompagnait, décidait.
Elle avait la main sur les structures éducatives, et sa parole faisait autorité.
Dans un tel climat, peu osaient dénoncer. La parole de l’enfant pesait peu face à celle du prêtre, du professeur, du chef d’établissement ou de l’évêque.
Ce rapport de force a enfermé des victimes dans le silence pendant des années.
Ce n’est qu’aujourd’hui, lorsque les murs se fissurent, que la vérité commence à sortir.
Et avec elle, toute la douleur contenue, tout ce que ces personnes ont dû affronter seules.
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L’heure des comptes
Ces affaires ne sont pas des exceptions : elles sont le symptôme d’un système malade.
Un système où la hiérarchie préfère préserver l’honneur de l’institution plutôt que d’affronter ses fautes.
Un système qui a confondu pardon avec impunité, compassion avec oubli.
L’Église ne peut plus se dire victime d’un acharnement médiatique.
Elle doit reconnaître les siens, entendre les victimes, s’ouvrir à la justice civile, et assumer pleinement la responsabilité de ce qu’elle a couvert, volontairement ou par lâcheté.
Car derrière chaque dossier judiciaire, il y a des personnes qui vivent avec les séquelles du silence : dépressions, ruptures familiales, difficultés à faire confiance, vies brisées par un traumatisme que l’on aurait pu empêcher.
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Ce qu’il reste à faire
La réparation passe par des actes, pas par des communiqués.
Il faut que la parole des victimes soit entendue sans condition, que la justice fasse son travail sans entrave, et que l’Église cesse définitivement de se protéger derrière ses murs et ses dogmes.
Elle ne regagnera la confiance qu’en regardant ses plaies en face.
Non pas pour se détruire, mais pour redevenir ce qu’elle prétend être : un lieu de vérité, de lumière et de justice.
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Ce n’est plus seulement une question de foi.
C’est une question de dignité humaine.
Protéger les enfants, c’est le premier des commandements.
Et c’est aussi le plus oublié.
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Et vous ? Pensez-vous que l’Église est encore capable de se réformer réellement ?
Ou a-t-elle définitivement perdu la légitimité morale qu’elle prétend incarner ?