09/03/2025
La grande famille des boula
La grande maison des boula comprend : Bayo, Kourouma ou Koroma, Fanè, Doumbouya ou Doumbia, Cissoko ou Sissoko, et Bakayoko ou Bagayoko. Ils sont un groupe de personnes, un clan dont les ancêtres étaient réputés pour leur maîtrise parfaite du feu et du fer.
Forgerons doublés de guerriers, ils seraient, à l’origine, des Soninké. Soumaoro Kanté, le roi de l’Empire Sosso, viendrait de ce clan. Leur ancêtre commun, serait Fakoli, différent de ‘’Fakoli koumba’’ Fakoli ‘’à la grosse tête’’ ou ‘’Fakoli dâ bâ !’’ Fakoli ‘’à la grande bouche’’. Ce dernier
fut un personnage important sous l’ère de Soundjata, l’un des grands généraux de l’Empire du Manden.
1. Kourouma ou Koroma
La tradition raconte que ce nom de famille existe depuis que les Mandenka parlaient encore l’ancien maninka : Woudouma. Prononcé pour la première fois pendant l’hégémonie de l’Empire du Manden, il serait l’un des plus récents des noms de famille.
Un homme de petite taille que d’aucuns qualifiaient de nain, se fit une grande réputation dans la sorcellerie. Il était passé maître dans les sciences occultes, les fétiches ou dans
l’usage de la magie noire. Ni les hommes ni aucun dieu ne pouvait l’atteindre. Il était immunisé contre les mauvais esprits, les mauvais sorts et les armes de toutes natures. Des gens essayaient par tous les moyens imaginables de le nuire, en vain.
Chaque fois, ce bout d’homme, comme les autres aimaient l’appeler, triomphait toujours, parvenait à esquiver les pièges qu’on lui tendait. Même doté d’un pouvoir surnaturel, personne ne pouvait lui créer le moindre souci dans la contrée. Cela fit que tout le monde l’appelait
kori ma, qui signifie en maninkakan ‘’l’invincible, contre qui les fétiches ne peuvent rien’’. Fakoli affrontait les épreuves difficiles avec le sourire aux lèvres.
Au fil des années, ce petit homme s’accommoda avec le surnom kori ma, qui serait devenu plus t**d Kourouma, et Koroma dans certaines localités.
La même tradition raconte que Kori ma eut un fils qui avait également de puissants pouvoirs, des pouvoirs mystiques comme ceux de son père. C’est lui qui est le
premier à porter le nom de famille Doumbouya.
2. Doumbouya ou Doumbia
La tradition nous enseigne que Doumbouya est Fakoli, donc Kourouma. Premier au monde à porter le nom de famille Doumbouya, il serait l’un des fils de Korima, l’ancêtre des Kourouma.
En effet, Doumbouya au départ n’est pas un nom de famille, mais un laudatif. C’est au fil des
ans qu’il l’est devenu.
Les anciens racontent que ce fils de Kori ma, tout comme son père, faisait des choses extraordinaires, incroyables. Ses pouvoirs mystiques lui permettaient de comprendre des choses que nulle autre personne de son époque ne pouvait appréhender. Doté d’impressionnants pouvoirs, ni les fétiches ni les armes ne l’effrayaient. Rien ne pouvait
l’atteindre. Il était invulnérable, protégé contre les mauvais sorts et contre les armes de toutes natures.
Souvent consulté sur le fonctionnement du royaume, il prédisait l’avenir du pays, du roi, des personnes. Il faisait ces consultations dans une case sacrée, dans la plus grande
confidentialité. Pour désigner cet endroit sacré de consultations du fils de Kori ma, les gens disaient ‘’doumbou dia ou doumbou ya’’, qui veut dire ‘’lieu sacré
de la consultation’’.
Doumbou dia, ou doumbou ya constitué de deux vocables : Doumbou, qui désigne en maninkakan ‘’entretien confidentiel’’ et dia ou ya, indiquant ‘’le lieu ou l’endroit’’. Avec le temps, le fils de Kori ma finit par être désigné par cette expression qui se serait muée en un seul mot : Doumbouya. Selon les griots, cela fait que les Kourouma se font souvent appeler Doumbouya et vice-versa. Ils sont du même lignage.
Une autre version raconte que Doumbouya vient de ‘’doumbou doumbou kan !’’, qui signifie en ‘’ murmurer à l’oreille ! ’’.
Selon cette version, l’ancêtre des Doumbouya fut si respecté et si craint que personne n’osait s’adresser directement à lui à distance, par peur de provoquer sa colère. Pour lui parler, les citoyens viendraient tout prêt et lui murmuraient à l’oreille ce qu’ils avaient à lui dire. Cet acte en maninkakan s’appelle ‘’doumbou doumbou kan !’’ Ce qui, au fil du temps, donnerait Doumbouya, qui veut dire ‘’là où on murmure à l’oreille’’.
D’autres racontent que les Doumbouya seraient descendants des trois frères originaires de Farakoba à savoir, Koliyoro, Tamba et Fotigui. Ces trois seraient les fondateurs de Karatabougou.
Les Kourouma et les Doumbouya sont, à l’origine, de véritables guerriers, des hommes d’honneur dans l’histoire du Manden.
3. Bayo
La tradition orale maninka fait remonter l’origine du nom de famille Bayo à Ouly. Il serait, à l’origine, de la même lignée que les Fané et les Ballo, tous de la caste des forgerons. Il serait le benjamin des trois, Fanè l’aîné et Ballo le cadet.
Ces trois consanguins seraient tous de la grande lignée ou de la grande famille des Kourouma ou boula, devenus, en grande partie, des forgerons, du fait de leur grand et passionnant attachement au métier de la forge.
Intouchables, les Bayo fabriquaient des fusils, des instruments agricoles et autres. Des outils de première nécessité à l’époque pour la société au Manden, les Mandenka les appelaient ‘’bâ léyé gnou lou di’’, qui veut dire ‘’ces gens sont intouchables’’. Dans cette expression, Bâ désigne un arbre très toxique, intouchable et ‘’léyé gnou lou di’’, signifie ‘’ces gens-là ou ceux-là’’.
Partout où le jeune Ouly passait, les gens l’indexaient en s’exclamant : ‘’Bâ alou dô ! Bâ alou dô ! ’’ : En effet, Bâ ‘’intouchable’’, Alou ‘’eux’’ et Dô veut dire ‘’petit frère’’. Accolé, ces mots signifient ‘’le petit frère des intouchables, ou le benjamin des frères Fanè et Ballo’’. Le phénomène de la contraction donnerait ‘’bâ alou dô’’ et finalement Bayo.
4. Fanè
Les Fanè seraient, avec les Bayo et les Ballo, les premiers forgerons du Manden. Les autres noms de famille forgerons mandenka auraient embrassé ce métier par imitation. En effet, ce nom de famille viendrait de deux monèmes : fan et nè. Fan, qui veut dire ‘’forge’’ et nè désignant ‘’le fer’’. ‘’Fan nè’’ signifie ainsi ‘’celui qui travaille le fer ou le forgeron’’. Avec le temps, l’expression aurait subi des mutations pour devenir Fanè.
Les djéli relatent que lors que Soundjata Keïta décida de leur retirer le contrôle de ce métier pour le confier à Fakoli et à sa descendance, les Fanè décidèrent de quitter le
Manden et partirent vers l’est. Ils n’y revinrent plus jamais.
5. Cissoko ou Sissoko
Les djéli racontent que pendant les batailles, Fakoli koumba était toujours en première ligne, devant les sofas ou la troupe. Un jour, il est resté en re**rd pendant que sa troupe avait une grande bataille à livrer, emporté par le sommeil. À son réveil, il trouva que les sofas étaient déjà loin, très loin.
Surpris par ce re**rd inhabituel de Manden Fakoli, son djéli le secoua en lui disant : ‘’Ah ! Kèlè mansa, i ti ben bi ta mâ, bi mâ sofa den lou wou li’’ qui peut se traduire par : ‘’Ah ! Chef de guerre, aujourd’hui, tu es en re**rd. Les sofas sont déjà si loin que tu ne peux les rattraper’’. Fakoli s’étira bruyamment et répondit : ‘’a li ya fè hun dissé nâ so sôla, so sô kôla, hun di ben amâ’’, qui veut dire : ‘’Je peux encore faire paitre mon cheval, avant de me mettre en route. Je sais que je peux bien rattraper mes hommes’’.
Comme promis, Fakoli fit paitre son cheval avant de le monter. Il prit la route. Son cheval galopait à toute vitesse. L’élan était tel qu’il put rejoindre les sofas avant le début de l’affrontement. Fakoli écrasa ses ennemis et retourna triomphalement avec ses hommes. Son djéli qui n’espérait plus un tel exploit, le couvrit d’éloges : ‘’So sôkô ! So sôkô ! So sôkô ! ’’, qui veut dire : ‘’Après avoir fait paitre le cheval ! Après avoir fait paitre le cheval ! ’’ La tradition raconte que cette expression fut ainsi ajoutée au nom de Fakoli koumba.
Au fil des années, So sô kô !, serait devenu, par déformation linguistique, Cissoko ou Sissoko. Certains des descendants de Fakoli le prirent comme nom de famille.
C’est pourquoi, les djéli disent souvent que Kourouma, Doumbouya ou Doumbia, Sissoko ou Cissoko sont de la même descendance. Fakoli eut trois fils : Kéléya Moussa, Nôya Moussa et
Baliya Moussa. Kéléya Moussa eut quatre fils : Maribomba, Maridôma, Fodé Diarra et Fassara. Il serait l’ancêtre des Bakayoko.
6. Bakayoko ou Bagayoko
Deux versions populaires expliquent l’origine du nom de l’ancêtre des Bakayoko. La première raconte qu’il s’appelait Bakaken. Il serait venu de Madina et épousa une femme Soninké. Selon cette version, il portait toujours des boubous de couleur bleue, dont viendraient les deux premières syllabes de son nom. Baga ou baka, qui signifie en Soninké ‘’boubou bleu’’. Yoko ou yiko, désigne ‘’l’homme, le porteur’’. Bakayoko ou Bagayoko donc, signifie en Soninké ‘’l’homme au boubou bleu’’.
La deuxième version raconte que l’ancêtre des Bakayoko serait Kéléya Moussa, premier fils de Fakoli, qui, tout comme son père, avait de puissants pouvoirs surnaturels, qu’il hérita de son père. Quand les gens venaient voir les enfants de Fakoli pour des consultations mystiques, les autres enfants les orientaient vers Kéléya Moussa, en leur disant : ‘’ni nô baba tagnô di ! ’’, qui veut dire : ‘’c’est lui le remplaçant de notre père’’. Ainsi, ‘’ni nô baba tagnô di ! ’’, serait devenu, au fil du temps, et par déformation linguistique, Bakayoko.
Du livre "Manden Siou les noms de famille du Manden
et autres traditions des mandenkas
Sens, significations et origines", de Sayon MARA