14/10/2024
_ -édito_
Haïti au bord du gouffre : Le temps des palabres est révolu.
Haïti, déjà aux prises avec une crise multidimensionnelle, semble plonger chaque jour un peu plus dans le chaos.
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), mis en place pour guider le pays vers une gouvernance stable,vacille encore, pendant que parrallèlement le Premier ministre Gary Conille semble impuissant à freiner la descente accélérée du pays dans les profondeurs de l’anarchie.
Les divisions internes au sein de l’appareil de l’État, la violence des gangs, et l’inaction des partenaires internationaux, ne font qu’aggraver une situation déjà critique.
Le pays est pris en otage par des gangs qui tuent, pillent, et incendient, et menacent d’étendre la terreur dans des régions jusqu’alors relativement épargnées, telles que Léogâne, l’Arcahaie et Saint-Marc. Le climat d’insécurité règne sans partage, affectant directement les structures vitales de l’État. La grève à la Direction Générale des Impôts (DGI) a paralysé plusieurs secteurs clés, dont l’immigration, compliquant beaucoup plus la vie des citoyens.
En parallèle, les tensions entre la ministre des Finances et le directeur général de la DGI révèlent un dysfonctionnement criant au sommet de l’État.
Cette querelle interne s’ajoute à une série de crises institutionnelles, notamment l’attaque de l’Administration Portuaire Nationale (APN) par des groupes armés, ce qui perturbe également les opérations douanières. Tout ceci se déroule dans un contexte où la République Dominicaine intensifie ses déportations massives, expulsant chaque semaine des milliers d’Haïtiens sur un territoire déjà submergé par la misère et l’insécurité.
Sur le plan humanitaire, la situation est tout aussi déplorable. Des milliers de personnes déplacées, bloquées dans des écoles et des camps temporaires, peinent à trouver une issue. Malgré l’urgence, les actions concrètes du gouvernement tardent à venir. L’approche de la rentrée scolaire aggrave les tensions sociales, avec des familles démunies n’ayant reçu aucune aide, alors que la crise humanitaire touche à tous les secteurs de la vie quotidienne.
Cette situation explique l'inéfficacité criante de ceux qui ont la charge de mener à bon port cette transition. Le Premier ministre semble déconnecté des réalités locales, tandis que les ministres se plaignent d’un blocage administratif qui entrave la mise en œuvre des réformes nécessaires. L’incapacité à constituer un Conseil Électoral Provisoire (CEP) accentue la méfiance envers la gouvernance actuelle, et renforce un sentiment d’abandon au sein de la population.
Il faut aussi parler de ce chaos économique sans précédent: l’inflation galopante pousse les produits de première nécessité à des niveaux inaccessibles pour une grande partie de la population. La misère augmente, la population est au bord de l’implosion, et la situation risque de dégénérer en un éclatement social sans précédent si des mesures urgentes ne sont pas prises.
Quelles solutions pour Haïti ?
Pour éviter cette catastrophe annoncée, plusieurs pistes de solutions doivent être explorées de toute urgence :
- Réorganisation de l’appareil d’État : Le CPT et la Primature doivent travailler de concert pour rétablir une gouvernance fonctionnelle. Une meilleure coordination et une réorganisation administrative sont indispensables pour surmonter les rivalités internes et débloquer les réformes essentielles.
- Renforcement de la sécurité : La lutte contre les gangs doit être une priorité absolue. La communauté internationale, bien que discrète pour le moment, doit être sollicitée de manière plus ferme pour appuyer une intervention sécuritaire et un soutien logistique afin de démanteler ces groupes armés qui prennent le pays en otage.
- Aide humanitaire : Une assistance humanitaire d’urgence est nécessaire pour répondre aux besoins des déplacés et des familles les plus vulnérables. Le gouvernement doit aussi rétablir des services sociaux de base pour soulager une population à bout de souffle.
- Dialogue politique inclusif : Il est crucial d’engager un dialogue national qui inclura toutes les forces vives de la nation, y compris les partis de l'opposition, la société civile, et les représentants des secteurs économiques. Cette concertation doit viser à rétablir un minimum de confiance et mettre en place un calendrier clair pour les élections.
- Partenariats internationaux stratégiques : Le soutien de la communauté internationale, particulièrement des pays amis et des institutions financières, est nécessaire pour débloquer des fonds et soutenir la reconstruction des infrastructures détruites. L’engagement de la République dominicaine dans le cadre des déportations doit également être mieux coordonné pour éviter une pression supplémentaire sur le pays.
Le temps presse
Haïti se trouve aujourd’hui à un carrefour dangereux. Le temps des hésitations n'est plus. Si des actions concrètes ne sont pas posées, le pays risque de sombrer dans une crise d’une ampleur encore plus dévastatrice. Il faut desserrer l’étau de la misère, restaurer la confiance dans les institutions, et mettre en œuvre des mesures d’urgence pour stabiliser la situation. Sans tout cela, l’explosion sociale pourrait emporter sur son passage tout ce qui reste encore debout, menaçant non seulement la survie de l’État, mais aussi celle du peuple haïtien.
Jephté BAZILE
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