03/11/2025
✍️ Entre les tranchées de la DINEPA, les câbles de la Digicel et l’inaction du gouvernement haïtien, la circulation à travers la Ville du Cap-Haïtien est devenue un véritable cauchemar en 2025
Auteur : Marc-Donald Vincent, 21 octobre 2025.
Alors que Cap-Haïtien devient de fait la capitale d’Haïti suite à la prise de contrôle de Port-au-Prince par les gangs et de l’arrivée d'un nombre inestimable de déplacés métropolitains dans la ville capoise, la deuxième ville du pays peine à supporter cette pression démographique et urbaine à cause du manque de services publics (routes, marchés, eau potable, électricité, etc.) ?
« La ville du Cap-Haïtien se dégrade à vue d’œil », déplore un enseignant du quartier de Madeline, obligé de partir chaque matin avec deux heures d’avance pour arriver à temps à son travail au centre-ville. Il est à rappeler que Madeline est à 6 minutes du centre-ville du Cap-Haïtien en conditions normales.
Partout au Cap-Haïtien, les signes d’abandon sautent aux yeux : routes défoncées à Madeline et à Barrière Bouteille, ordures amoncelées dans les rues faute de service municipal de collecte, absence d’asphaltage des routes nationales #1 et #3 et absence de bétonnage des rues et ruelles de Lòt bò Pon et Lòt bò baryè.
Cette situation compromet gravement la ponctualité des élèves et travailleurs au Cap-Haïtien. Elle traduit surtout, selon les habitants, « une ville sans gouvernance ». Car, les élèves et les travailleurs arrivent à leur destination presque chaque jour en re**rd à cause des problèmes routiers envenimés par les travaux sans mesures de mitigation des risques et des effets défavorables des projets de la DINEPA/OREPA et de la DIGICEL dans le Nord.
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🚧 Des routes éventrées et jamais réparées au Cap-Haïtien
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, les routes du Cap-Haïtien se dégradent à un rythme alarmant. À Madeline comme à Barrière Bouteille, les nids-de-poule se multiplient, transformant chaque trajet en parcours du combattant.
Les causes s'expliquent par des travaux répétés et mal coordonnés. Selon plusieurs riverains, cette situation découle des interventions incessantes de la DINEPA/OREPA et de la DIGICEL, qui creusent régulièrement la chaussée pour installer ou réparer des conduites d’eau et des câbles de communication.
« Ils viennent, creusent, posent leurs tuyaux, rebouchent mal… et la route s’effondre à la première pluie », explique un chauffeur de transport public à Barrière Bouteille.
Les infrastructures souterraines, posées directement sous les voies asphaltées, sont vulnérables aux fuites et ruptures. À chaque nouvelle défaillance, il faut rouvrir la route, aggravant les dégâts et paralysant la circulation.
Face à ce cercle vicieux, les habitants dénoncent une « complicité passive » entre la DINEPA, la DIGICEL et les autorités publiques, incapables de coordonner leurs travaux pour assurer la durabilité des infrastructures.
🗑️ Cap-Haïtien: une gestion municipale en panne
Le gouvernement haïtien, à travers le Ministère des Travaux publics (TPTC), n’a annoncé aucun projet d’asphaltage ni de bétonnage pour les routes principales et secondaires du Cap-Haïtien. Ce constat est pareil du côté de la Mairie dont l’absence de politique d’aménagement est flagrante.
« Contrairement à la Mairie de Delmas, qui bétonne et asphalte régulièrement ses rues en Haïti, la Mairie du Cap-Haïtien reste inactive », observe un urbaniste local. Selon lui, aucune ligne budgétaire municipale n’est dédiée au bétonnage des rues ou à l’entretien des routes communales.
Au Cap-Haïtien, les conséquences sanitaires sont également graves. Face à l'inoculation de la poussière et à la mauvaise gestion municipale des ordures, les habitants adoptent des formes de résilience de résignation en portant des masques, lunettes et foulards pour se protéger des poussières et de la boue sans échapper toutefois aux risques de pneumopathie et de pneumoconiose.
🌊 Cap-Haïtien : une ville envahie par les ordures
Partout, les déchets jonchent les rues des trois sections communales du Cap-Haïtien jusque dans les canaux et les ravines. L’odeur pestilentielle de l’abattoir départemental de Petit-Anse sature quotidiennement l’air du quartier. La route pour y accéder n'est jamais aménagé alors que le service d'abattage municipal n'est pas gratuit. À qui profiteraient les redevances collectées au sein de cet abattoir municipal ?
La petite rivière Abattoir (Ti Rivyè), obstruée par les ordures, illustre l’échec total du service public de gestion des déchets. « Chaque pluie charrie les ordures dans les canaux, et tout revient dans les rues », témoigne des commerçantes de Nan Gatab et Abattoir.
⚙️ Des actions urgentes pour sauver le Cap-Haïtien
Pour sortir de cette impasse, plusieurs actions concrètes s’imposent au Cap-Haïtien :
1. Achever le site de décharge de Limonade pour desservir Cap-Haïtien, Quartier-Morin, Limonade et Milot ;
2. Relocaliser et reconstruire l’abattoir de Petit-Anse dans une zone proche de Cap-Haïtien (Milot ou Quartier-Morin ou Plaine du Nord) ;
3. Étendre le marché de Petit-Anse sur l’espace libéré par la relocalisation de l’abattoir ;
4. Asphalter la route intercommunale de Galmant à Madeline pour désengorger la circulation sur la Route nationale #3 ;
5. Bétonner et canaliser plusieurs tronçons (Madeline, Guy Malary, Nan Gatab, Abattoir, Petit-Anse, Carrefour La Chaux, Aviation, Kraze Zo, Fort Saint-Michel, Haut du Cap, Breda, Vertières, Blue Hills, Kiteyo, Ruelle Capoise, Rue du Fort, Ruelle Patience, Ruelle Ebenezer, route Bel-Air, San Rezon, Ste Philomène, limitrophes de Village SOS, etc.) ;
6. Ouvrir la route Bel-Air jusqu’à Vaudreuil pour désengorger la Route nationale #1 ;
7. Poursuivre l’asphaltage de la route Aviation–Rue 5 Boulevard ;
8. Relocaliser le Commissariat de Lòt Bò Pon, facteur d’embouteillage, avec l’appui du secteur privé et de la diaspora dans l'espace réservé à cet effet ;
9. Renforcer la collecte fiscale municipale (CFPB) dans les trois sections communales pour que la Mairie du Cap-Haïtien possède l'autonomie administrative pour conduire des projets de développement ;
10. Recruter et former du personnel technique pour le contrôle urbain et la délivrance de permis de construire ;
11. Augmenter le personnel de voirie pour assurer un nettoyage régulier et un transport des déchets vers la décharge provisoire ;
12. Élargir à court terme la route de l’aéroport jusqu’au carrefour Village SOS Madeline à deux voies (un aller, un retour) ;
13. Mener des travaux de canalisation et de curage des canaux pour une meilleure évacuation des eaux pluviales et ménagères. Car, aucune route n'est durable sans un bon drainage.
🧩 Conclusion : un sursaut nécessaire pour Cap-Haïtien
Si rien n’est fait, le Cap-Haïtien risque de s’effondrer sous le poids de sa propre croissance.
Ville d’histoire, de culture et de résistance, Cap-Haïtien mérite mieux que l’indifférence et les improvisations.
Bien que les habitants continuent de s’accrocher, mais comme le dit un chauffeur de taxi-moto, le regard fatigué :
« Nou pa bezwen pale anpil. Fè wout yo, netwaye vil la, epi nap fè rès la. » (Nous n’avons pas besoin de grands discours. Réparez les routes, nettoyez la ville, et nous ferons le reste.)
Que disent la DINEPA/OREPA et la DIGICEL ? Sont-elles confortables dans cette situation ?
Que disent les bailleurs de fonds du projet d'assainissement et d'eau potable mis en œuvre par la DINEPA/OREPA ?
Le projet avait-il un plan de mitigation des risques, un plan de gestion environnementale et sociale, un plan de communication et de gestion des plaintes ?
Pourquoi les tuyaux sont placés directement sous la route principale mais non dans des canaux situés aux alentours des routes, soit à trois mètres des routes principales ? Pourquoi la Mairie du Cap-Haïtien et le TPTC ne supervise pas correctement ces travaux au profit de la population et dans une approche de développement durable ?
Ces projets-là tiennent-ils compte des objectifs du développement durable (ODD) ?
📚 © Le Scientifique, 2025.