18/08/2025
La Justice mise au pas : Fin du premier acte ?
(Quotidien L’Enquêteur du Lundi 18 août 2025, article hors parution)
La stratégie de la rupture du SAMAN
Face à la dissolution jugée illégale de leur syndicat, les magistrats, via le communiqué du 13 août 2025, ont opté pour une double offensive :
Une offensive juridique et institutionnelle, en invoquant la violation des conventions internationales et des lois nationales pour asseoir leur légitimité.
Une offensive ad hominem, en attaquant frontalement et de manière très personnelle le Garde des Sceaux. En exhumant un passé controversé, le SAMAN a cherché à discréditer son adversaire direct et à déplacer le débat du terrain purement administratif vers celui de la morale et de l'éthique.
Cette stratégie de la confrontation maximale, bien qu'efficace pour mobiliser le corps judiciaire et attirer l'attention du public, était une tactique à haut risque. Elle a personnalisé le conflit, le présentant non plus seulement comme une défense de l'État de droit, mais aussi comme un règlement de comptes.
La réponse asymétrique du pouvoir Exécutif
La réaction du Président de la République a été immédiate, radicale et asymétrique. Au lieu de répondre sur le terrain du droit ou de la communication, le pouvoir Exécutif a utilisé son attribut régalien le plus direct : le pouvoir de nomination et de révocation.
En radiant successivement les deux principaux leaders du mouvement (le SG, puis le SG/A du SAMAN), le gouvernement a envoyé un message sans équivoque :
Le refus du dialogue sous la contrainte : Toute contestation frontale sera sanctionnée individuellement et sévèrement.
La démonstration de force : Le pouvoir Exécutif a démontré qu'il avait les moyens de décapiter le mouvement syndical aussi souvent que nécessaire, rendant la stratégie de la "justice morte" coûteuse pour les magistrats eux-mêmes.
La désescalade : pragmatisme et médiation
La reprise du travail par les magistrats le lundi 18 août 2025, après seulement un jour de grève effective, peut s'interpréter comme un acte de pragmatisme face à un rapport de force défavorable. La poursuite de la grève aurait probablement entraîné d'autres radiations, menaçant l'intégrité du corps judiciaire dans son ensemble.
L'intervention du "groupe de bonne volonté" a été cruciale. Elle a offert une porte de sortie honorable aux magistrats, leur permettant de reprendre le travail non pas en signe de soumission directe à l'Exécutif, mais en réponse à l'appel de médiateurs respectés (Bâtonnier, membres de la société civile, etc.). Cette médiation a permis de sauver la face des deux côtés : les magistrats ont évité de nouvelles sanctions et le gouvernement a obtenu la fin de la grève sans avoir à céder sur le fond (la réintégration des magistrats radiés).
Conclusion : Un compromis précaire
En apparence, l'Exécutif a remporté la bataille de l'autorité : Le SAMAN reste dissout et ses leaders radiés. Toutefois, cette victoire a un coût : une crise de confiance profonde avec une institution clé de l'État. Les magistrats, de leur côté, ont perdu la confrontation directe mais ont, par le sacrifice de leurs leaders, posé la question de l'indépendance de la justice et des libertés syndicales avec une acuité nouvelle et dramatique.
Cette crise laisse donc des cicatrices et une question en suspens : s'agissait-il d'une mise au pas définitive de la justice ? Une chose est sûre : la reprise du travail s'apparente à un compromis tacite et précaire.
La Rédaction