30/07/2025
De l'intime au Tribunal
3 ans de prison requis contre un couple de lesbiennes à Niamey
(Quotidien L’Enquêteur du Mercredi 30 Juillet 2025)
Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Audience des flagrants délits du mardi 29 juillet 2025. Un couple de jeunes lesbiennes, la vingtaine, est à la barre pour répondre d’outrage public à la pudeur. Il faut tout de suite savoir qu’une lesbienne est une femme qui éprouve une attirance physique, sexuelle, affective ou romantique pour d'autres femmes. Ce terme peut également inclure des personnes non-binaires qui s'identifient comme lesbiennes. En d'autres termes, une lesbienne est une femme dont le désir sexuel est orienté principalement ou exclusivement vers des personnes de son même sexe. Quant aux faits d’outrage public à la pudeur, ils sont prévus et punis par le code pénal en ses articles 275 (“Constitue un outrage public à la pudeur tout acte matériel contraire aux bonnes mœurs commis dans des conditions telles qu’il ait été aperçu ou pu l’être par des tiers dont il était susceptible de blesser la pudeur”) et 276 (“Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur sera punie d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 francs”).
Dès l’entame de l’examen du dossier, le président de l’audience informe le tribunal de ce que la défense des deux prévenues a introduit une requête aux fins de statuer à huis clos afin de protéger les intérêts privés de ses clientes, c’est-à-dire leur intimité. La robe noire avait pour cela invoqué l’article 386 du code de procédure pénale qui dispose : “Les audiences sont publiques. Néanmoins, le tribunal peut, en constatant dans son jugement que la publicité est dangereuse pour l’ordre ou les mœurs, ordonner, par jugement rendu en audience publique, que les débats auront lieu à huis clos. Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s’applique au prononcé des jugements séparés qui peuvent intervenir sur des incidents ou exceptions ainsi qu’il est dit à l’article 445, alinéa 4. Le jugement sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique”. Mais pour le ministère public, il n’y a pas péril en la demeure. Dans l’intérêt de la société, les débats doivent être publics, estime-t-il. Le président de l’audience statue sur le siège : il rejette la requête de la défense, optant ainsi pour une “audience publique, à titre pédagogique”.
Il ressort du dossier que les deux prévenues, l’une étant le “mari”, l’autre l’”épouse”, ont commis courant année 2025 des actes explicites contraires aux bonnes mœurs. Le 16 juillet 2025, elles sont placées sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Niamey. Comment elles en sont arrivées-là ? L’une des prévenues a un copain (un policier), qui lui-même à une autre copine, une gendarmette. Cette dernière n’ignorant pas l’existence de sa rivale, va mener des investigations sur celle-ci. C’est ainsi que sera découvert la “double vie” des deux jeunes lesbiennes. Leurs portables ont “parlé”, dévoilant des scènes obscènes. A la barre, elles diront s’être rencontrées à une cérémonie de mariage, au cours de laquelle elles ont échangé leurs numéros de téléphone. Depuis lors, elles ne se sont plus quittées.
- Qu’est-ce qui vous lie exactement, de l’amitié ou de l’amour ? demande le juge à l’une des prévenues.
- De l’amour, répond-elle en toute sincérité.
- Êtes-vous mariées ?
- Non.
- Pourtant les audios en notre possession, versés au dossier, confirment bien votre union, fait observer le juge. Ce dernier fait remarquer aussi que le couple si particulier avait pris un toit en location.
Gênée aux entournures, la prévenue se mure dans un silence assourdissant. L’autre prévenue va reconnaitre totalement les faits qui leur sont reprochés.
Pour le ministère public, visiblement choqué, “on ne peut pas concevoir un mariage de deux sexes identiques dans une société telle que la nôtre”. Et il ajoute : “Vous êtes bien en couple et vous le dites vous-mêmes dans vos vidéos”. Dans ses réquisitions, le ministère public va tenter de démontrer que les faits d’outrage public à la pudeur sont bien constitués à l’égard des prévenues. “Où allons-nous avec de telles pratiques qui jurent d’avoir nos us et coutumes ainsi que de notre religion”, s’est interrogé le représentant du parquet. C’est ainsi qu’il va demander au tribunal de déclarer les deux prévenues coupables des faits à elles reprochés et, en répression, de les condamner chacune, pour l’exemple, à 3 ans d’emprisonnement fermes et à 100.000 francs d’amende.
Dans sa plaidoirie, le conseil des prévenues tente de convaincre le tribunal de ce que ses clientes n’étaient pas conscientes de la gravité des actes posés par elles. “L’intention n’était pas d’outrager publiquement la pudeur. Leur comportement, certes déviant, est à mettre sur le compte de l’erreur de jeunesse et leurs vidéos n’étaient pas destinés à être partagés. L’une des prévenues était sur le point de convoler en justes noces. Je demande au tribunal de leur donner une chance de se racheter, de se reconstruire. Accordez-leur de larges circonstances atténuantes”. L’avocat sera-t-il entendu par le tribunal ? Les deux jeunes prévenues se sont excusées et ont demandé la clémence du tribunal. Le jugement est mis en délibéré pour le 05 août prochain.
M.H.