16/10/2025
Pipeline Niger-Bénin
NIAMEY POSE SES CONDITIONS AUX CHINOIS : "RENÉGOCIEZ OU ON COUPE TOUT !"
(Quotidien L’Enquêteur du Jeudi 16 Octobre 2025)
Le ton monte drastiquement entre le Niger et ses partenaires chinois sur l'exploitation de l'or noir. Jugeant les conditions du contrat de transport du pétrole brut via le pipeline Niger-Bénin léonines et préjudiciables à ses intérêts, le gouvernement nigérien, sous l'impulsion du général d’armée Abdourahamane Tiani, a posé un ultimatum. Face à ce que les autorités qualifient de marché de dupes, la China National Petroleum Corporation (CNPC) a jusqu'au 30 octobre 2025 pour revoir sa copie, faute de quoi le Niger pourrait prendre la décision radicale de suspendre toute production pétrolière.
Des tarifs de transport jugés excessifs
La fermeté de l'Exécutif nigérien s'est d'abord matérialisée par le décret du 29 juillet 2025, créant des comités de négociation chargés de réévaluer les partenariats stratégiques du pays. Le comité dédié aux mines et au pétrole a rapidement mis en lumière plusieurs points de friction dont le coût de transport du pétrole brut.
Selon les révélations du comité, la société WAPCo (West African Oil Pipeline Company), filiale de la CNPC, facture au Niger le transport d'un baril de brut à un tarif variant entre 25 et 51 dollars américains. Un montant largement supérieur aux standards internationaux, où le coût normal pour un oléoduc de cette envergure (1.980 km) oscillerait entre 3 et 7 dollars seulement.
Cette surfacturation a des conséquences dramatiques sur les finances publiques. Avec un prix du baril de Brent s'élevant actuellement à 62,45 dollars US sur le marché international, si l'on applique le tarif maximal de 51 dollars facturé par WAPCo, le Niger ne perçoit en réalité que 11,45 dollars de marge brute par baril. Un déséquilibre qui réduit fortement la rentabilité de la filière et fragilise les capacités de remboursement du prêt de 400 millions de dollars US accordé par la CNPC, assorti d'un taux d'intérêt de 7%, et remboursable en pétrole.
Un audit exigé, mais refusé par la partie chinoise et une souveraineté technologique bafouée
Le second point de tension majeur concerne le manque de transparence et la dépendance technologique totale du pays. Le comité de négociation a exigé la tenue d'un audit indépendant du pipeline Niger-Benin, dont la construction a été facturée par la CNPC à un coût global de 2,3 milliards de dollars US. Cette requête, pourtant standard pour un projet d'une telle ampleur, se heurte à un refus catégorique du partenaire chinois.
Le pipeline, livré "clés en main", place de fait le Niger dans une position de vassalité. L'État ne maîtrise absolument rien du projet : ni sa conception, ni le suivi des opérations, ni la maintenance, et encore moins les coûts réels et la qualité des matériaux utilisés pour sa construction. Cette opacité et l'absence de transfert de compétences empêchent le Niger de développer son propre savoir-faire, le condamnant à rester un spectateur de l'exploitation de ses propres richesses, sans aucun espoir de devenir autonome à moyen terme.
Face à ces multiples blocages, le Niger a décidé de montrer les muscles. L’Exécutif a adressé un ultimatum à la partie chinoise, lui donnant jusqu’au 30 octobre 2025, délai de rigueur, pour trouver un accord à “l’amiable” sur les griefs soulevés. Faute de réponse satisfaisante, le Niger menace d’arrêter sa production pétrolière, ce qui représenterait un coup dur pour les deux partenaires, et un signal très fort dans le bras de fer en cours.
Commentaire
Ce conflit dépasse le simple cadre d'un litige commercial. Il est le symbole d'une quête de souveraineté et d'une volonté de rééquilibrer les rapports de force entre les nations africaines et leurs partenaires économiques internationaux. En défiant un géant comme la Chine, le Niger envoie un signal fort : l'ère des contrats déséquilibrés, où l'opacité et le manque de transfert de technologie profitent à une seule partie, est peut-être révolue. La menace de suspendre la production est une arme à double tranchant qui comporte des risques économiques et diplomatiques. Cependant, elle témoigne d'une prise de conscience que le véritable coût de la dépendance est parfois bien plus lourd que celui d'une crise économique temporaire. C'est un pari risqué, mais qui pourrait redéfinir les règles du jeu pour la défense des intérêts de notre pays. Ce bras de fer avec Pékin sera un test de crédibilité, aussi bien pour le Niger que pour le projet de souveraineté économique voulu par la Refondation. Affaire à suivre…
La Rédaction