16/11/2025
« Et si notre véritable adversaire n’était pas celui qui se tient en face de nous…
mais celui qui, dans l’ombre, secoue le bocal ? »
Imagine, non pas un simple bocal, mais une petite Iberia en miniature.
À l’intérieur, cent « fourmis rouges », cent « fourmis noires » : peuples, croyances, drapeaux, ordres militaires… Au repos, tout ce monde cohabite tant bien que mal. Chacun suit son sentier, comme jadis les trois grands ordres chevaleresques d’Occident traçaient leurs propres voies : soigner, protéger les routes, défendre les frontières.
Rien ne se passe… jusqu’à ce que quelqu’un secoue le bocal.
Dans l’histoire de la péninsule Ibérique, on a souvent secoué très fort : rois inquiets de leur trône, empires affamés de terres, marchands obsédés par l’or et le poivre, idéologues convaincus d’avoir Dieu ou la Raison de leur côté. Alors, comme les fourmis, les communautés se jettent les unes contre les autres : provinces contre provinces, ordres contre ordres, voisins contre voisins. Chacun croit que l’ennemi porte une autre croix, une autre langue, une autre couleur… et oublie de se demander : qui a donné le premier coup sur le verre ?
Les anciens ordres guerriers d’Iberia, avec leurs capes, leurs règles et leurs serments, n’étaient pas seulement des soldats : ils étaient aussi des instruments. Selon l’époque, on les opposait, on les montait en première ligne, on les sacrifiait même, pour des jeux de pouvoir qui les dépassaient. La main qui secoue ne se montre presque jamais : elle se cache dans un sceau de cire sur un parchemin, dans une décision de cour, dans un édit venu de très loin.
C’est là que la petite fable des fourmis devient une leçon pour nous, voyageurs du XXIᵉ siècle :
avant de nous jeter les uns sur les autres – gauche contre droite, nord contre sud, « eux » contre « nous » – prenons un temps de recul, comme un chevalier qui, au sommet des remparts, observe le champ de bataille en entier. Posons-nous la seule question qui compte vraiment :
Et si notre véritable adversaire n’était pas celui qui se tient en face de nous…
mais celui qui, dans l’ombre, secoue le bocal ?
À nous, désormais, de garder la lucidité des vieux maîtres d’ordres : regarder au-delà des couleurs, des étiquettes, des bannières, et refuser d’être les fourmis que l’on lance les unes contre les autres pour divertir ou servir ceux qui tiennent le verre entre leurs doigts.