07/11/2025
*RAPPEL n°3*
Téra-Meeting : la révolution confisquée
À la veille du très attendu Téra-meeting du 8 novembre, le Sénégal s’apprête à assister à ce que le Premier ministre et leader du PASTEF, Ousmane Sonko, annonce comme « un tournant historique ».
Mais derrière la ferveur populaire et la rhétorique enflammée, se dessine une autre réalité : la continuité d’un système que Sonko prétendait combattre, celui du spectacle politique, du culte du chef et de la confusion entre État et parti.
De l’opposant incorruptible au stratège du pouvoir
Il y a à peine quelques années, Ousmane Sonko incarnait la rupture absolue.
Ancien inspecteur des impôts radié pour avoir dénoncé des pratiques fiscales douteuses, il était devenu le symbole d’une génération en quête d’éthique, d’équité et de transparence.
Son discours de 2016 à 2023 était clair :
« Le pouvoir doit servir le peuple, pas servir le parti. »
« Les meetings de propagande sont la marque des régimes en fin de souffle. »
Ces phrases, prononcées avec assurance à la Place de la Nation ou sur les plateaux de télévision, résonnaient comme une promesse : celle d’un Sénégal débarrassé des mascarades politiques.
Sonko dénonçait alors les mobilisations orchestrées par Macky Sall, les rassemblements à grand renfort de moyens publics et les « shows politiques » où les discours creux remplaçaient les actes.
Le même scénario, avec de nouveaux acteurs
Aujourd’hui, l’histoire semble se rejouer… à l’envers.
Le Téra-meeting, annoncé comme un “rendez-vous citoyen”, emprunte les mêmes codes que ceux d’hier : slogans grandiloquents, affiches omniprésentes, appels à la “mobilisation historique”, et une mise en scène savamment orchestrée.
Le tout au moment même où le pays traverse une crise économique, sociale et morale profonde : flambée des prix, chômage endémique, désenchantement politique.
Le paradoxe saute aux yeux : le même homme qui dénonçait l’ivresse du pouvoir en abuse aujourd’hui avec aplomb.
Ce meeting, censé marquer “l’unité nationale”, se transforme en vitrine personnelle.
L’expression “Il y aura un avant et un après 8 novembre” trahit moins un projet politique qu’une logique messianique, celle du chef qui se prend pour le destin de la nation.
Entre duplicité et confusion institutionnelle
Le problème n’est pas le meeting en soi ; c’est le rôle de celui qui l’organise.
Ousmane Sonko n’est plus un opposant. Il est Premier ministre d’un gouvernement censé travailler à la cohésion, à la production et à la gouvernance.
Qu’il organise une démonstration de force politique pendant qu’il détient le pouvoir d’État pose un vrai problème de cohérence républicaine :
Peut-on mobiliser les masses contre un système… quand on en est devenu le centre ?
Cette confusion entre l’appareil d’État et l’appareil partisan est exactement ce que Sonko reprochait à Macky Sall : l’usage des moyens publics pour nourrir une base politique, la récupération des symboles de l’État pour galvaniser les militants.
Le miroir du pouvoir
Le Téra-meeting devient alors un miroir cruel.
Ce qu’il devait symboliser, la rupture, la sincérité, le changement, s’y dilue dans le bruit et la foule.
Sonko voulait rompre avec le “système”, il en adopte désormais les rituels :
Communication hyper-centralisée autour du chef ;
Rassemblement de masse à portée symbolique mais faible contenu politique ;
Glissement du discours révolutionnaire vers une rhétorique populiste ;
Fascination pour le charisme individuel au détriment du travail collectif.
C’est une mise en scène où le peuple est spectateur plus qu’acteur, où le slogan remplace la réforme, et où l’énergie du changement se perd dans la ferveur du culte.
De la promesse à la reproduction du système
Ce Téra-meeting marque peut-être la mort symbolique du “sonkisme originel”, celui de l’éthique, du travail et de la fraternité.
Car à force de jouer les mêmes partitions que ses prédécesseurs, Ousmane Sonko risque de devenir ce qu’il a toujours juré de combattre : un produit du système politique qu’il dénonçait.
Les Sénégalais attendaient des actes, des réformes, des solutions.
Ils auront un spectacle, un discours, une ovation.
Mais l’histoire retiendra que le 8 novembre 2025, le champion de la rupture a rejoint le club des dirigeants qu’il accusait d’avoir trahi la République.
"LOBSERVATEUR "
Un Citoyen sénégalais