30/06/2025
Le Sénégal devra rembourser 11 639,38 milliards FCFA de dette publique entre 2026 et 2028
L’analyse du service prévisionnel de la dette publique de l’administration centrale du Sénégal pour la période 2026-2028, exprimée en milliards de francs CFA, met en lumière une dynamique budgétaire marquée par un alourdissement significatif de la charge de la dette, tant au titre du remboursement du principal que des intérêts, avec des implications directes sur la soutenabilité budgétaire à moyen terme. Le tableau fourni par la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCTP) ainsi que la Direction de la Dette Publique (DDP) révèle une structure duale de l’endettement, articulée entre dette extérieure et dette intérieure, chacune contribuant de manière différenciée à la pression sur les finances publiques.
En 2026, le total du service de la dette s’élève à 4 922,21 milliards FCFA, dont 3 911,30 milliards pour le remboursement du principal et 1 010,91 milliards pour les intérêts. Cette année-là, la dette intérieure représente un poids presque équivalent à celui de la dette extérieure, avec un service total de 2 370,04 milliards FCFA pour la première contre 2 552,17 milliards FCFA pour la seconde. Ce partage équilibré entre dette domestique et dette extérieure traduit une stratégie d’endettement diversifiée, mais soulève également des interrogations sur la capacité de l’État à gérer simultanément les pressions de refinancement internes et les obligations contractées auprès des créanciers extérieurs, notamment dans un contexte de vulnérabilité aux fluctuations des taux de change et aux conditions des marchés internationaux.
L’année 2027 marque une baisse apparente du service de la dette, avec un total prévisionnel de 3 367,19 milliards FCFA, dont 2 627,45 milliards pour le principal et 739,74 milliards pour les intérêts. Cette diminution, bien qu’en apparence rassurante, dissimule des tendances préoccupantes. La baisse significative de la composante extérieure (1 998,61 milliards) pourrait être interprétée comme un étalement ou un rééchelonnement des remboursements, mais elle coïncide avec une réduction de la dette intérieure à 1 368,58 milliards. Ce repli, qui pourrait résulter d’une stratégie de consolidation budgétaire, doit être confronté aux effets de court terme sur l’investissement public et la dynamique de croissance.
En 2028, une nouvelle stabilisation du service de la dette est attendue, à hauteur de 3 349,98 milliards FCFA. Toutefois, la composante intérieure connaît une légère hausse à 1 454,72 milliards FCFA, tandis que le service de la dette extérieure s’établit à 1 895,26 milliards. Cette évolution témoigne d’un maintien d’une pression structurelle sur les finances publiques, notamment à travers le poids croissant des intérêts, qui s’élèvent à 613,9 milliards cette année-là. Le ratio intérêts/principal reste particulièrement élevé, signalant une détérioration du coût de l’endettement et une exposition accrue à des conditions de financement potentiellement défavorables.
Ces trajectoires font apparaître plusieurs risques majeurs. D’une part, la soutenabilité de la dette publique pourrait être menacée en l’absence d’une croissance économique robuste et inclusive. D’autre part, la hausse des paiements d’intérêts réduit l’espace budgétaire disponible pour les dépenses sociales et les investissements structurants, compromettant les objectifs de développement à moyen terme. En outre, la part importante de la dette extérieure expose le Sénégal à des aléas exogènes, tels que les hausses des taux directeurs des banques centrales des pays créanciers ou la dépréciation du franc CFA face aux devises de libellé de la dette.
Il en résulte une nécessité urgente de reconsidérer la stratégie d’endettement public. Celle-ci devra conjuguer discipline budgétaire, efficacité de la dépense publique et diversification des sources de financement. La mobilisation accrue des ressources fiscales intérieures, à travers un élargissement de l’assiette et une meilleure administration de l’impôt, représente également un levier fondamental pour réduire la dépendance à l’endettement. Par ailleurs, la soutenabilité de la dette ne saurait être appréciée uniquement en termes de ratios quantitatifs : elle doit également intégrer les finalités de l’endettement, sa contribution au développement durable et son articulation avec les priorités stratégiques du pays.
En conclusion, le profil du service de la dette publique sénégalaise pour la période 2026-2028 suggère une situation de fragilité croissante, nécessitant des mesures correctives immédiates et une gouvernance rigoureuse des finances publiques. La maîtrise de l’endettement, loin d’être une fin en soi, doit s’inscrire dans une stratégie de croissance inclusive, équitable et résiliente, capable de préserver la stabilité macroéconomique tout en répondant aux aspirations sociales du pays.
Modou N’DIAYE
Dakar, le 30 juin 2025