26/06/2025
Le duo Sonko-Diomaye est-il notre sauveur comme le Président chinois Deng Xiao Ping (1976-1997), le père de la modernisation chinoise avec ses "Quatre modernisations" ?
Une analyse urbaine pour attirer les investissements étrangers. ( Par Maodo Ba Doba, Professeur en histoire militaire et Enseignant en géographie urbaine (Aménagement du territoire)
Le chef du gouvernement sénégalais, Ousmane SONKO en compagnie d'une forte délégation de ministres, effectue une visite officielle en Chine depuis le 21 juin axée sur un agenda diplomatique et économique ambitieux. L'Etat du Sénégal entreprend une rupture pour transformer le pays en une grande puissance diplomatique et économique en se libérant de la dépendance néocoloniale. Cependant, la Chine ou l'Empire du milieu est l'exemple parfait de rupture qui s'est libérée de plus de 100 ans d'impérialisme, des traités inégaux de 1842 issu de la guerre de l'opium, l'invasion japonaise 1937-1945 et l'ingérence occidentale durant la guerre civile 1947-1949. Ce géant aux "pieds d'argile" hier s'est transformé aujourd'hui en un géant aux "pieds d'acier".
Devant la presse le Premier ministre sénégalais Ousmane SONKO déclare: « L’histoire de Mao Zedong est pleine d’enseignements et de symboles pour ceux qui veulent transformer la vie de leur peuple », a déclaré Ousmane Sonko devant la presse. On vous rappelle que le Président Mao Zedong (1949-1976) est le père fondateur de la République populaire de Chine depuis 1949 en la libérant de plus d'un siècle d'humiliation et d'agressions extérieures .
Comment la Chine est-elle devenue aujourd'hui une grande puissance économique, militaire politique et culturelle qui doit inspirer le Sénégal en pleine expansion sous-régionale voire continentale? Tout cela remonte en 1976 avec la mort de Mao Zedong et son remplacement par le réformateur Deng Xiao Ping qui adopte une ligne pragmatique par rapport aux nouveaux partenaires de son pays en ces termes « Peu importe que le chat soit noir ou blanc, s’il attrape les souris, c’est un bon chat. ». On ne parle plus d'une Chine aux ordres de Moscou en pleine guerre froide, mais des investisseurs capables de financer les "Quatre modernisations ".
Deng appelle ses réformes économiques de "Quatre modernisations": agriculture, industrie, science et technologie et défense nationale. En effet, la matérialisation des réformes passent par l'importation de technologies étrangères, l'envoi d’étudiants à l’étranger et des réformes éducatives et scientifiques profondes. A cela s'ajoute la création de zones économiques spéciales (ZES) à partir de 1980 (Shenzhen, Zhuhai, Xiamen, Shantou) pour attirer les investissements étrangers en testant le capitalisme. Le pouvoir centrale encourage l’initiative privée dans les secteurs de artisanat, du services et du petit commerce. L'idéologie du parti n'a jamais changé malgré ses réformes, ce qui provoque les massacres des manifestants à place Tien'anmen à Pékin en 1989.
Les impacts de ces modernisations transforment aujourd'hui la Chine et qui pourrait inspirer la nouvelle dynamique de transformation systèmique du Sénégal ? En commençant par la modernisation urbaine, la Chine jalonnée d'un réseau de plus de 121 métropoles nationales, régionales et mondiales. La politique de décentralisation des années 1980 résoud les problèmes de forte concentration urbaine dans les grandes métropoles comme Shanghai, Pékin, Canton, Guangzhou, Tianjin, Wuhan... L'ensemble de ces métropoles est connecté au reste du pays, de l'Asie et du monde par un réseau de communications ferroviaires, routières, portières et aéroportières de dernières générations. Les conséquences de ces réformes économiques audacieuses en 2022 permet à l'Empire du milieu d'être la deuxième économie mondiale derrière les États-Unis, la troisième puissance militaire mondiale derrière les États-Unis et Russie. En outre, les dix mégapoles les plus dynamiques et les plus intégrées à la mondialisation, trois sont chinoises, Shanghai, Pékin et Hong-Kong, qui concentrent des fonctions de commandement économiques, politiques et socioculturelles. On rappelle qu'une mégapole est une grande agglomération de plus de 10 millions d'habitants concentrant des fonctions de commandement économiques, politiques et socioculturelles.
Les pôles urbains de la Vision2050 pourraient s'inspirer du modèle architecturale chinoise moderne permettant une compétitivité sous-régionale, continentale voire mondiale pour une dynamique urbaine moderne. Au Sénégal, nous notons une forte littoralisation malheureusement qui est une concentration des activités économiques, politiques et socioculturelles dans les villes côtières entre Saint-Louis, Dakar, Mbour, Ziguinchor, Cap-Skirring. À cela s'ajoute une politique d'aménagement urbain qui ne favorise que les grandes agglomérations sans une réelle politique de métropolisation en défavorisant la couronne périurbaine. Cela engendre l'exode rural dont les conséquences est la précarité des néo-citadins dans les grandes villes commes Dakar, Thiès, Mbour, Touba, Kaolack ou Ziguinchor... Les nouveaux pôles économiques (Pôle de Dakar, Pôle Diourbel-Louga, Pôle du Sud, Pôle du Sud-Est, Pôle du Nord, Pôle du Nord-Est, Pôle de Thiès, Pôle de Diourbel-Louga) de la Vision2050 doivent trouver une solution à ces problèmes de forte croissance et de concentration urbaine non soutenue par une croissance économique. C'est la décentralisation des fonctions de commandement à travers les 8 pôles de compétitivité qui trouve une solution aux défis urbains. Cela rime avec une construction horizontale pour freiner le phénomène de l'extension urbaine négatif à la préservation de notre environnement. Cette politique urbaine favorise le tourisme qui est un facteur non négligeable de la montée en puissance de la Chine avec un patrimoine historique et culturel comme la Grande muraille de Chine ou bien la cité interdite.
Un autre facteur géographique important est la division de la Chine administrativement en trois parties: la Chine littorale, la Chine du milieu et la Chine intérieure. La Chine intérieure et du milieu sont bien connectées par un réseau ferroviaire, routier et aéroportier. Cela permet une bonne mobilité des personnes et un dynamisme économique. C'est dans ce contexte que le modèle chinois doit encore nous inspirer pour valoriser les pôles économiques qui doivent progressivement se métropoliser pour donner un ensemble homogène relié par un réseau de communications moderne à l'image du TER, du port de Ndayane en eau profonde, et les autoroutes pour connecter l'ensemble du pays à la sous-région et au reste du monde. Cela permet au Sénégal d'être un noyau de la mondialisation et non une périphérie marginalisée fournisseuse de matières premières.
En somme, le Sénégal peut s’inspirer de la Chine, mais ne peut pas l’imiter dans la mesure où nous avons deux pays aux trajectoires différentes. C'est pourquoi le duo Sonko-Diomaye ne peut pas être Deng Xiaoping dans un copier-coller historique. Le Sénégal n’a ni la taille, ni le système politique, ni la structure sociale de la Chine. Mais ils peuvent s’inspirer du pragmatisme, de la planification territoriale, de l’investissement massif dans l’humain et l’infrastructure, et surtout du courage de la rupture.
Dailleurs, ce n’est pas l’imitation qui compte, mais l’inspiration intelligente.
Maodo Ba Doba
Professeur en histoire militaire.
Enseignant en géographie urbaine (Aménagement du territoire
Ministère de l'Education nationale du Sénégal Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens Ministère de l'Environnement et de la Transition écologique
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