18/08/2024
Abdoulaye Wade est une figure centrale de l'histoire politique sénégalaise et africaine, dont l'influence s'étend bien au-delà de ses mandats présidentiels. Voici une version plus développée de son portrait :
Né le 29 mai 1926 à Kébémer, Abdoulaye Wade appartient à une génération d'intellectuels africains formés dans le système éducatif français durant la période coloniale. Il poursuit des études brillantes à l'étranger, d'abord à l'Université de Besançon puis à l'Université de Grenoble, où il obtient un doctorat en droit et en sciences économiques. Son parcours universitaire lui permet d'acquérir une connaissance approfondie des systèmes économiques et juridiques, et il devient professeur à la faculté de droit de l’Université de Dakar après son retour au Sénégal.
Wade fait son entrée en politique en 1974 lorsqu'il fonde le Parti Démocratique Sénégalais (PDS), un parti libéral qui s'oppose au régime socialiste alors dirigé par Léopold Sédar Senghor et, plus t**d, par Abdou Diouf. Bien qu’il soit resté dans l’opposition pendant plus de 25 ans, Wade est parvenu à maintenir son parti comme une force majeure sur la scène politique sénégalaise. Surnommé "le vieux", il s'est forgé une réputation de combattant tenace pour la démocratie et la liberté politique dans un contexte où le pouvoir était largement centralisé.
Sa persévérance politique finit par payer en 2000 lorsqu'il remporte l'élection présidentielle contre Abdou Diouf. Cette victoire marque un tournant dans l'histoire politique du Sénégal en tant qu'alternance démocratique sans effusion de sang, un modèle salué à l'échelle internationale. Wade devient ainsi le troisième président de la République du Sénégal, après Senghor et Diouf.
Durant ses années au pouvoir, Wade se lance dans un ambitieux programme de développement visant à moderniser les infrastructures du Sénégal. L’un de ses projets phares est l’autoroute à péage reliant Dakar à Diamniadio, facilitant ainsi la circulation dans la capitale et ses environs. En 2010, il inaugure le Monument de la Renaissance Africaine, une gigantesque statue en bronze située sur l'une des collines de Dakar, destinée à symboliser l'émergence du continent africain. Ce monument, bien que controversé en raison de son coût et de son style, reflète la vision grandiose de Wade pour l’Afrique.
Wade s’est aussi distingué par sa capacité à proposer des solutions à l’échelle continentale. En 2001, il lance le "Plan Omega", une initiative visant à mobiliser des ressources pour les infrastructures, l’éducation, et la santé en Afrique. Ce projet, bien que critiqué pour son caractère irréaliste, témoigne de son engagement pour le développement du continent africain dans son ensemble. De plus, Abdoulaye Wade joue un rôle crucial dans la création du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD), une initiative continentale visant à accélérer la croissance économique et à renforcer l'intégration africaine.
Sur le plan économique, Wade a entrepris de nombreuses réformes pour attirer les investissements étrangers et stimuler la croissance du secteur privé. Cependant, ses politiques économiques ont parfois été critiquées pour avoir accru les inégalités sociales. Malgré les défis économiques, son gouvernement a maintenu un taux de croissance stable pendant une grande partie de son mandat.
Sur le plan politique, la fin de son second mandat est marquée par des controverses. En 2011, Wade propose une réforme constitutionnelle visant à abaisser le seuil nécessaire pour remporter une élection présidentielle dès le premier tour, de 50 % à 25 %, une mesure perçue par beaucoup comme une tentative de sécuriser sa réélection. Cette proposition, combinée à son désir de briguer un troisième mandat malgré les limitations constitutionnelles, provoque une vague de manifestations à travers le pays, connues sous le nom de "mouvement du 23 juin". La pression populaire et internationale force Wade à retirer sa proposition, mais les tensions persistent.
En 2012, lors de l'élection présidentielle, Wade est battu par son ancien allié, Macky Sall, qui avait quitté son gouvernement pour se présenter contre lui. Sa défaite, bien qu'amère pour lui, renforce la réputation du Sénégal comme l’une des démocraties les plus stables d'Afrique. Après son départ du pouvoir, Wade reste actif dans la politique sénégalaise, souvent en tant que mentor et conseiller au sein du PDS. Son fils, Karim Wade, est également devenu une figure politique importante, bien qu'il ait été condamné pour enrichissement illicite, une affaire qui a affecté l'héritage politique de son père.
Abdoulaye Wade, malgré son âge avancé, continue d’incarner la résilience politique au Sénégal. Son héritage est complexe : d'une part, il est vu comme un pionnier du changement démocratique et un bâtisseur du Sénégal moderne ; d'autre part, ses dernières années au pouvoir sont associées à des dérives autoritaires et à une gestion controversée des ressources publiques. Toutefois, il reste une figure incontournable de la politique sénégalaise, tant pour ses contributions à l’histoire du pays que pour ses visions parfois audacieuses pour l’avenir de l’Afrique.