
24/07/2025
Comprendre la fonction du juge d’instruction
Le juge d’instruction est un magistrat du siège, c’est-à-dire qu’il exerce ses fonctions au sein d’un tribunal et rend des décisions de justice. C’est aussi un officier supérieur de police judiciaire, chargé de diriger l’information judiciaire, c’est-à-dire l’enquête en cas d’infraction complexe (crimes ou délits nécessitant des investigations approfondies).
1. Son institution
Le juge d’instruction est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Dans un tribunal où plusieurs juges d’instruction sont en poste, le Président du tribunal désigne celui qui traitera une affaire, sur réquisitoire du Procureur de la République (article 296 du Code de procédure pénale - CPP).
Dans un tribunal où il n’y a qu’un seul juge d’instruction, ce dernier est automatiquement chargé de l’enquête.
Si aucun juge d’instruction n’est en poste, le Président du tribunal assume cette fonction.
2. Comment est-il saisi ?
Le juge d’instruction ne peut jamais se saisir lui-même d’une affaire. Il est saisi :
Par le Procureur de la République, à travers un réquisitoire introductif, dans les cas de crimes ou de délits complexes ;
Par la victime, à travers une plainte avec constitution de partie civile, notamment lorsque le procureur a classé l’affaire sans suite (en langage facile: genre quand le procureur décide de ne pas traduire le mise en cause devant les tribunaux (article 298 CPP).
La procédure peut viser une personne identifiée ou contre X (auteur inconnu).
3. Ses compétences
a) Compétence matérielle
Le juge d’instruction :
Dirige l’enquête, en recherchant les preuves à charge et à décharge ; c’est à dire que le juge d'instruction doit mener l'enquête en recherchant à la fois les éléments qui prouvent la culpabilité d'une personne et les éléments qui prouvent son innocence.
Peut délivrer des commissions rogatoires à d’autres magistrats ou officiers de police judiciaire . C'est à dire que le juge d'instruction délègue ses pouvoirs à un autre juge ou un officier de police judiciaire pour effectuer des actes d'enquête quand il ne peut les accomplir lui-même.
Peut délivrer des mandats (de dépôt, d’amener, de comparution) et y mettre fin ;
Peut effectuer un transport sur les lieux, convoquer témoins, experts, parties civiles (article 300 CPP).
b) Compétence territoriale
Selon l’article 25 CPP, il est compétent dans le ressort du Tribunal où :
L’infraction a été commise ;
La personne poursuivie réside ;
L’auteur est arrêté ou détenu, même pour une autre infraction.
c) Compétence personnelle
Le juge instruit uniquement contre les personnes directement impliquées dans l’infraction : auteur, co-auteur ou complice. On ne peut poursuivre un tiers pour les actes d’un autre (article 298 Code pénal).
4. La procédure devant le juge d’instruction
L’instruction suit un déroulement précis en quatre étapes principales :
1. Première comparution
Le juge vérifie l’identité de l’inculpé, lui expose les faits reprochés et l’informe de son droit à un avocat (article 52 CPP). Il peut décider de le placer sous mandat de dépôt ou le laisser en liberté sous conditions.
2. Interrogatoire au fond
Le juge entend l’inculpé sur le fond de l’affaire, recueille les témoignages, confronte les parties et instruit le dossier dans le respect du contradictoire.
3. Clôture de l’information
Lorsque l’enquête est complète, le juge transmet le dossier au Procureur pour réquisitoire définitif (non-lieu, renvoi, transmission à la chambre d’accusation). Le procureur doit répondre dans un délai d’un mois (si l’inculpé est détenu) ou trois mois (s’il est libre), faute de quoi l’inculpé est remis en liberté (article 335 CPP).
4. Règlement de l’affaire
Le juge prend l’une des décisions suivantes :
Ordonnance de non-lieu : si les faits ne sont pas constitutifs d’infraction ou si les preuves sont insuffisantes (article 338 CPP) ;
Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police : en cas de délit ou contravention (article 339 CPP) ;
Ordonnance de transmission à la chambre d'accusation en cas de crime.
5. Les limites de son pouvoir
Bien que puissant, le juge d’instruction reste soumis à plusieurs limites :
Il ne peut s’auto-saisir : il agit uniquement sur réquisitoire du procureur ou plainte avec constitution de partie civile (article 298 CPP) ;
Ses décisions peuvent être contestées : devant la chambre d’accusation par les parties concernées (articles 344 à 348 CPP) ;
Il ne peut siéger au jugement d’une affaire qu’il a instruite, par respect du principe d’impartialité (article 8 du Code de l’organisation judiciaire) ;
Les délais de détention sont encadrés :
En matière de délit : 6 mois renouvelable une fois, par décision motivée.
En matière criminelle : maximum 2 ans (1 an renouvelable deux fois pour 6 mois, par décision motivée).
Le non-respect de ces règles peut entraîner la nullité de la procédure, voire des sanctions disciplinaires ou pénales.
On-guiba Fidèle, Magistrat