04/08/2025
🚨Tchad🇷🇴 : Les lauréats des écoles professionnelles livrés au chômage, une urgence nationale
N'Djamena, 5 Août 2025 — Depuis plus d'une décennie, le Tchad multiplie les concours d'entrée dans les grandes écoles professionnelles : École Normale Supérieure (ENS), École Nationale Supérieure des Travaux Publics (ENSTP), et l'École Normale d'Enseignement Technique. Ces institutions forment chaque année des enseignants, techniciens et cadres administratifs destinés à servir dans la fonction publique. Pourtant, des milliers de lauréats se retrouvent abandonnés à la merci du chômage.
Malgré des besoins criants en personnels qualifiés, notamment dans le secteur de l'éducation, le gouvernement peine à intégrer ces jeunes formés. Depuis 2010, plus de 25 000 diplômés issus des ENS et de l'ENSTP n'ont toujours pas été recrutés. En septembre 2024, la Plateforme des Diplômés de la Faculté des Sciences de l’Éducation a dénoncé l’exclusion de près de 14 000 jeunes lauréats, formés mais laissés sans emploi.
La suspension du recrutement dans la fonction publique, justifiée par des restrictions budgétaires, alimente la colère sociale. Découragés, beaucoup de ces enseignants formés sont contraints de se tourner vers des écoles privées où ils sont exploités avec des salaires dérisoires, souvent inférieurs à 50 000 FCFA par mois. « Nous sommes formés pour être des bâtisseurs de l'éducation, mais l'État nous abandonne. Notre avenir est sacrifié, » s'indigne Mahamat Hassan, lauréat de l'ENS depuis 2019.
Un paradoxe face aux défis éducatifs du Tchad
Le paradoxe est d'autant plus criant que le pays fait face à un déficit alarmant d’enseignants, surtout dans les zones rurales. Dans certaines régions, un seul instituteur doit prendre en charge plus de 100 élèves, dans des salles de classe surchargées, souvent sous des paillotes. Le ministère de l'Éducation Nationale reconnaît officiellement un manque de plus de 12 000 enseignants dans le primaire et le secondaire.
« L'État investit dans la formation de ces jeunes mais ne les utilise pas. C’est une perte énorme de ressources humaines et financières. Cela pénalise la qualité de l’enseignement et compromet l’avenir de nos enfants, » déplore une inspectrice d’éducation à N'Djamena.
Vers une crise sociale latente ?
Face à cette situation, les diplômés laissés pour compte multiplient les sit-in et marches pacifiques devant les ministères et institutions publiques. Leurs revendications : l’ouverture d’un plan de recrutement exceptionnel et la mise en place d’une politique d’intégration progressive. Mais jusqu’ici, les autorités se montrent sourdes à leurs appels.
L’inaction de l’État risque d’amplifier le phénomène de chômage de masse et de nourrir un sentiment d’exclusion chez cette jeunesse qualifiée. Déjà , certains diplômés envisagent l’exil vers des pays voisins, ou se reconvertissent dans des métiers précaires sans rapport avec leurs qualifications.
Un appel pressant Ă des solutions durables
Les observateurs et syndicats appellent à un sursaut politique. « Le gouvernement doit impérativement repenser sa stratégie de gestion des ressources humaines. Il est temps d’adopter une politique de recrutement réaliste, progressive, et adaptée aux besoins réels du pays, » affirme Abakar Youssouf, analyste socio-économique.
À défaut, le Tchad pourrait voir émerger une génération sacrifiée, celle de jeunes formés mais condamnés à l'inactivité, un luxe que le pays ne peut se permettre.
Rédaction: IKD|Chad Times