11/12/2025
Soudan /Justice internationale : la chute brutale d’Ali Mohammad Ali, alias « Khosheyb », l’ancien maître de mort du Darfour
Sa simple silhouette suffisait jadis à glacer le sang dans l’Ouest soudanais. Ali Mohammad Ali, mieux connu sous le surnom de « Khosheyb », régna pendant les années noires du Darfour comme un seigneur de guerre intouchable, tenant littéralement entre ses mains la vie et la mort de milliers de civils. Commandant vedette des Janjawid, cette milice devenue synonyme d’horreur, il servait loyalement Omar El-Bashir, dans une alliance où la brutalité tenait lieu de doctrine politique.
En 2003, à la tête de régiments suréquipés, Khosheyb se permettait tout. Capable de mettre en échec des contingents de casques bleus, d’imposer sa loi dans les villages incendiés, de réduire au silence toute contestation. L’impunité était totale. Le pouvoir de Khartoum couvrait ses exactions, et les victimes n’avaient que leurs larmes pour pleurer.
Puis le château de sable s’est effondré. La chute d’El-Bashir a brisé son immunité comme un verre mal lavé. Conscient que sa carrière d’homme fort virait à la descente en enfer, Khosheyb a choisi la fuite. Direction la République centrafricaine, où il pensait s’offrir une retraite paisible, entouré de ses trois épouses, loin des radars et des comptes à rendre.
Le destin n’a pas la mémoire courte. Loin des regards mais pas des enquêtes, les investigations de la Cour pénale internationale (CPI) ont fini par le rattraper. Localisé, arrêté, transféré, le maître des plaines du Darfour est devenu un simple détenu. Et aujourd’hui, la justice internationale l’a cloué au banc des accusés, avant de le condamner à la perpétuité, la plus lourde peine que pouvait lui réserver l’institution.
Celui qui autrefois se tenait debout devant des colonnes d’hommes armés avance désormais courbé, épuisé, incapable de défendre son passé. Il quémande une grâce, comme un enfant pris en faute. Ironie de l’Histoire : l’homme qui n’en accordait aucune en demande désormais une.
Ses victimes, elles, n’ont jamais eu droit à l’oubli. Les villages brûlés, les viols, les massacres, les générations traumatisées… tout cela revient sur la scène internationale avec ce procès. Non pas pour raviver la douleur, mais pour rappeler que les crimes, même vieux de vingt ans, finissent par frapper à la porte de leurs auteurs.
La trajectoire de Khosheyb a des allures de parabole. Le pouvoir absolu n’est qu’une illusion, et la brutalité finit toujours par se retourner contre ses artisans. Ce dossier est un avertissement aux seigneurs de guerre de la région, un message limpide : la terre n’est pas un refuge pour les bourreaux.
Comme quoi, dans cette vie, tout se paie.
Eric Ngarlem Toldé, journaliste engagé pour la justice et la vérité.