Tychique, les contes et histoires.

Tychique, les contes et histoires. Raconter, c'est résister. Ici, chaque histoire défend une voix, un rêve, une dignité, pour que nul ne soit oublié.
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  La nuit venait de glisser doucement sur le village, enveloppant les cases d’un voile bleu sombre où les bruits se rete...
20/11/2025





La nuit venait de glisser doucement sur le village, enveloppant les cases d’un voile bleu sombre où les bruits se retenaient de courir. Jonas rentrait t**d. La journée avait été longue, plus lourde encore que les sacs de mil qu’il avait portés. Dans son esprit, une agitation sourde courait depuis plusieurs semaines : des décisions à prendre, des responsabilités qui s’empilaient, et cette impression étrange que le monde attendait de lui qu’il devienne quelqu’un qu’il n’était pas certain de connaître.

En poussant la petite porte en bois, il trouva sa mère assise près du foyer presque éteint. La flamme, réduite à un trait rouge, semblait hésiter entre mourir et renaître. L’odeur de fumée froide emplissait la pièce.
Elle ne leva pas immédiatement les yeux. Elle frottait lentement un morceau de tissu, comme si en le pressant, elle cherchait à en extraire le souvenir d’un autre temps.

Jonas comprit aussitôt.
Il avait appris, dans ses silences, ce que le père exprimait par ses gestes.

Il s’agenouilla près d’elle, sans bruit, prenant soin de ne pas brusquer ce moment fragile.
Alors seulement, sa mère releva le visage… et Jonas sentit son cœur se serrer.

Les larmes ne coulaient pas encore, mais elles gonflaient comme de l’eau derrière un barrage de retenue. Elles tremblaient au bord de ses yeux, prêtes à rompre. Et dans ses pupilles brillait cette ancienne douleur qu’elle avait si longtemps rangée derrière son courage quotidien : la douleur d’une femme qui avait aimé en silence un homme rude et digne, et qui, depuis son départ, portait seule le poids du monde.

« Maman… qu’est-ce qui te fait mal ? » murmura Jonas, d’une voix qu’il n’aurait pas reconnue la veille.

Il ne s’attendait pas à une réponse. Souvent, les mères ne parlent pas ; elles montrent. Et parfois, même montrer leur paraît trop lourd.

Elle posa sa main sur celle de Jonas. Une main ridée, fine, mais encore ferme, marquée par les années à tresser, à piler, à porter, à consoler. Une main qui contenait toute une vie.

« Mon fils… » dit-elle doucement, avec un souffle qui vacilla, « tu ressembles tant à ton père, maintenant. »

Jonas resta immobile. Ce n’était pas un compliment. Ni un reproche.
C’était un constat. Un miroir tendre et douloureux.

Et puis, la digue céda.

Les larmes glissèrent, lentes, longues, comme si chaque goutte avait dû traverser des années avant de trouver enfin le chemin de ses joues. Elles ne faisaient pas de bruit, mais elles résonnaient dans toute la pièce. Jonas sentit chacune d’elles comme des pierres tombant dans son propre cœur.

Alors il fit ce que son père, lui, n’avait jamais su faire : il entoura sa mère de ses bras.

Elle laissa son front tomber contre son épaule.
Ses sanglots étaient discrets, étouffés, dignes — des pleurs de femme forte qui n’ose se briser qu’une fois dans l’année. Jonas ne dit rien. Il resta simplement là, comme un arbre solide contre lequel elle pouvait s’appuyer.

Dans ce silence partagé, il comprit quelque chose que son père ne lui avait jamais expliqué, pas même par des gestes.

Il comprit que la force n’est pas seulement dans les bras qui portent, ni dans la voix qui ordonne, ni dans les décisions difficiles qu’on prend.
La force véritable se cache aussi dans la fragilité assumée, dans les larmes qu’on laisse enfin tomber, dans ce courage étrange qu’ont les mères lorsqu’elles acceptent de se montrer vulnérables devant ceux qu’elles aiment le plus.

La flamme du foyer, comme réveillée, reprit vie et cligna faiblement, éclairant le visage trempé de sa mère.

Jonas essuya doucement une larme sur sa joue.
Il ne lui dit pas « ne pleure pas ».
Parce qu’il avait compris que certaines larmes ne doivent pas être retenues. Elles sont nécessaires, comme les pluies d’août qui annoncent les bonnes récoltes.

Ce soir-là, il sentit un nouveau fil se tisser en lui : un fil invisible, mais solide, qui reliait désormais les gestes du père à la douceur silencieuse de la mère. Et pour la première fois, il se sentit vraiment héritier — pas seulement de la force brutale, mais également d’une tendresse profonde qu’il n’avait jamais su nommer.

Il sut alors que pour devenir un homme complet, il devait garder les deux héritages.
Les muscles du père.
Et les larmes de la mère.

Et cette découverte, plus que toutes les leçons apprises, le rapprocha de l’adulte qu’il était en train de devenir.

  La nuit venait de s’installer sur le village comme un voile de velours sombre. On disait que lorsque le monde devenait...
18/11/2025





La nuit venait de s’installer sur le village comme un voile de velours sombre. On disait que lorsque le monde devenait silencieux, c’était pour permettre aux pensées de parler plus fort. Jonas, lui, n’arrivait pas à fermer les yeux. Depuis l’histoire racontée par Mam’Demba, depuis le nom de son père prononcé avec une douceur nostalgique, quelque chose bougeait en lui.
Ce n’était pas une douleur.
Ce n’était pas un trouble.
C’était… un appel.

Il sortit devant la case, s’assit sur une pierre plate encore tiède du soleil de la journée, et leva les yeux vers le ciel. Là-bas, des milliers d’étoiles brillaient comme autant d’âmes anciennes veillant sur les vivants. « Chaque étoile est une mémoire qui refuse de mourir », disait un vieux proverbe du village.

Jonas inspira profondément.
Il pensa à ce père qu’il n’avait jamais vu, mais que tout le monde décrivait comme un homme droit, calme, juste, presque silencieux, mais dont la présence suffisait à imposer le respect. Jonas n’avait pas son visage, mais chaque histoire le rapprochait un peu plus de lui, comme si les mots tissaient un pont entre deux mondes.

C’est alors qu’un léger craquement se fit entendre derrière lui.
Il se retourna lentement.

Mam’Demba.

La vieille femme s’avança, s’assit à côté de lui sans un mot, son bâton posé à ses pieds. Elle avait ce don rare : elle savait reconnaître les nuits où une âme avait besoin d’être accompagnée, sans jamais en faire trop, sans jamais interférer. Juste sa présence suffisait.

Après un long silence, elle murmura :

— Tu portes ton père plus que tu ne le penses.

Jonas baissa les yeux.
— Je ne comprends pas, Mam’Demba… Comment peut-on porter quelqu’un qu’on n’a jamais connu ?

Elle sourit doucement. Ce sourire de ceux qui ont vu tant d’années qu’ils n’ont plus besoin de convaincre.

— On ne connaît pas un père seulement par son visage. On le connaît par la manière dont il vivait, par la trace qu’il a laissée dans le monde, par ce que les autres disent de lui… et surtout, par ce qu’il a laissé dans ton sang, dans ta manière de marcher, de respirer, de réfléchir.

Elle posa sa main sur l’épaule de Jonas.
— Le sang est parfois plus bavard que les souvenirs.

Jonas sentit un frisson. Et pour la première fois, il posa une question qui brûlait en lui depuis longtemps :

— Tu crois… que je lui ressemble ?

Mam’Demba se redressa lentement, comme si elle avait attendu que cette question arrive depuis des années.

— Va chercher de l’eau, dit-elle.

Jonas ne comprit pas, mais il obéit.

Il remplit une calebasse au puits, revint, et trouva Mam’Demba debout, devant une grande jarre en terre cuite. Elle lui fit signe de verser l’eau à l’intérieur.

— Regarde.

Jonas s’approcha.

L’eau se calma doucement…
Et son visage apparut dans le reflet.

Mais ce qu’il vit n’était pas vraiment lui.
Ou plutôt… pas seulement lui.

Il vit un visage plus ferme, un regard plus profond que celui dont il avait l’habitude. Une lueur intérieure, quelque chose d’ancien et de solide, presque comme une sagesse qui n’attendait qu’à s’éveiller.
Dans ce reflet, il y avait une force qu’il n’avait jamais remarquée.

Mam’Demba dit alors, d’une voix grave :

— Ton père te regarde à travers toi. Ce que tu vois dans cette eau, ce n’est pas seulement ton reflet. C’est l’ombre de l’homme qu’il a été et la lumière de l’homme que tu deviens.

Jonas ne bougea pas.
Les mots pénétraient en lui comme une pluie fine pénétrant la terre sèche.

— Un enfant n’est pas le miroir parfait de son père, poursuivit-elle,
— mais il est le miroir de ce que son père lui a laissé : un courage, une droiture, une manière de se tenir debout même quand le monde te pousse à tomber.

Elle posa ses deux mains ridées sur ses épaules.

— Souviens-toi de ceci :
Un père ne meurt jamais tant que son fils continue d’avancer.
Et tant que tu avanceras, Jonas, ton père marchera avec toi.

Jonas sentit ses yeux s’humidifier.
Non pas de tristesse, mais de révélation.

Ce soir-là, il comprit quelque chose de simple mais immense :
On ne rencontre pas toujours son père avec les yeux,
mais on peut le rencontrer avec le cœur,
avec les actes,
avec le chemin que l’on choisit de suivre.

Il ferma les yeux, respira lentement, et murmura :

— Papa… j’espère que tu serais fier de moi.

Le vent souffla légèrement, faisant frémir les feuilles du grand manguier derrière eux.
Comme une réponse.
Ou comme une bénédiction.

Jonas se leva enfin, transforma son regard vers l’horizon, et dans sa poitrine une certitude nouvelle venait de naître :

Il savait désormais où il allait.
Et il savait d’où il venait.

   🌬️Le matin s’était levé sans éclat, comme un feu qui hésite à prendre. L’air, plus frais qu’autrefois, glissait sur l...
02/11/2025



🌬️

Le matin s’était levé sans éclat, comme un feu qui hésite à prendre. L’air, plus frais qu’autrefois, glissait sur la peau de Jonas avec une douceur inhabituelle. Le vent, lui aussi, semblait marcher plus lentement, comme pour accompagner ses pas désormais mesurés.

Les champs s’étendaient toujours, vastes et fidèles, mais Jonas ne les voyait plus avec les mêmes yeux. Autrefois, il y lisait des promesses ; maintenant, il y voyait la mémoire du temps. Chaque motte de terre qu’il retournait, chaque plante qu’il arrosait, lui rappelait un jour ancien, une parole du père, une sueur versée, une erreur corrigée.

Mais ce matin-là, alors qu’il soulevait la houe, un souffle court le saisit. Il s’arrêta net, posa l’outil et resta immobile. Son cœur battait trop vite, comme un tambour malmené par le vent.
Il s’assit sur une pierre, reprit son souffle, et leva les yeux vers le ciel.
Le même ciel que celui de son enfance.
Le même, mais différent.

Une brise légère effleurait les feuilles de mil, et Jonas crut y entendre la voix de son père.
— Le corps vieillit, murmurait cette voix du souvenir, mais l’âme, elle, apprend à respirer autrement.

Alors il comprit : ce n’était pas seulement son souffle qui lui manquait, mais celui du temps qui s’écoulait trop vite. Les saisons avaient filé comme des rivières, emportant la vigueur, laissant la sagesse sur les berges.

Ce jour-là, il ne travailla pas beaucoup. Il passa l’après-midi à regarder les jeunes du village labourer à leur tour. Parmi eux, il y avait son propre fils, un garçon vif et têtu, au regard déjà fier. Jonas le vit manier la houe maladroitement et sourit.
Il s’avança, posa une main sur son épaule et dit :
— Ne lutte pas contre la terre. Accompagne-la. C’est elle qui te nourrira, si tu la respectes.

Le garçon hocha la tête sans vraiment comprendre. Mais Jonas savait que ces mots resteraient, comme les paroles de son propre père étaient restées en lui, plantées dans le silence jusqu’à ce qu’elles germent un jour.

Le soir, le souffle de Jonas s’était calmé. Assis près du feu, il écoutait les bruits du village, les rires, les chants, les cris des enfants courant dans la poussière.
Il sentit dans sa poitrine le poids de l’âge, mais aussi la légèreté d’une paix retrouvée.

Il murmura, presque pour lui-même :
— Le souffle du père vit encore, tant que le fils apprend à écouter le vent.

Et la flamme vacillante du feu éclaira son visage, creusé mais serein, comme celui d’un homme qui sait désormais que chaque respiration est une prière adressée à la vie.

   🐢Le soleil se couchait plus tôt, et dans le village, le vent du soir portait désormais des chants lointains que Jonas...
31/10/2025



🐢

Le soleil se couchait plus tôt, et dans le village, le vent du soir portait désormais des chants lointains que Jonas n’entendait plus comme avant. Autrefois, il courait pour rejoindre les enfants au bord de la rivière, ou pour rattraper la houe oubliée dans le champ. Mais désormais, son pas s’était alourdi — non pas de fatigue, mais de mémoire.
Chaque pas qu’il faisait semblait raconter une histoire, chaque regard vers la terre évoquait une saison passée.

Jonas n’était plus ce jeune garçon qui cherchait son père dans le silence des matins gris. Il était devenu un homme, respecté pour sa droiture et sa douceur. Ses mains portaient les traces de la houe, du travail, mais aussi du réconfort qu’elles donnaient. Autour de lui, les plus jeunes du village venaient souvent demander conseil.
Il ne parlait pas beaucoup, mais chaque mot qu’il prononçait tombait comme une graine dans la terre du cœur des enfants.

Un soir, alors qu’il revenait du champ, il aperçut au bord du chemin un vieil homme assis sur une pierre, peinant à se lever. Jonas posa sa houe et s’approcha doucement.
— Père, laissez-moi vous aider, dit-il.
Le vieil homme sourit et répondit :
— Tu as la voix d’un jeune homme, mais l’âme d’un ancien.

Jonas le prit par le bras et l’aida à se relever. Et sur le chemin du retour, le vieil homme murmura :
— Quand le fleuve ralentit, c’est qu’il porte beaucoup d’eau.
Jonas comprit. Il ne s’agissait pas de vieillesse, mais de plénitude. Celui qui marche lentement voit ce que le pressé ne regarde jamais : les herbes qui repoussent, les fourmis qui bâtissent, la lumière qui change.

Chez lui, sa mère l’attendait encore, assise à l’entrée de la maison, les cheveux blanchis par les ans. Elle aussi marchait plus lentement. Jonas l’aidait parfois à traverser la cour, comme elle l’avait aidé à faire ses premiers pas autrefois. Le temps semblait boucler sa boucle, comme une saison revenue.

— Maman, dit-il un soir en rangeant la houe, parfois j’ai l’impression que mes jambes me rappellent que tout passe.
Elle sourit faiblement et répondit :
— Oui, mon fils. Le corps se fatigue, mais le cœur, lui, ne vieillit pas. Ce qu’on a semé de bon en soi, on le porte jusqu’au bout du chemin.

Ces mots s’enfoncèrent dans l’âme de Jonas. Il se souvint alors des paroles de son père :

“L’homme sage n’est pas celui qui court vite, mais celui qui marche droit jusqu’à la fin.”

Les jours suivants, il continua à travailler, mais différemment. Il s’arrêtait parfois pour enseigner aux jeunes comment tailler la terre, comment sentir le vent, comment écouter la pluie avant qu’elle ne tombe.
Un jour, un garçon lui demanda :
— Jonas, pourquoi tu ne marches plus vite comme avant ?
Et Jonas répondit avec un sourire paisible :
— Parce que j’ai appris que courir derrière la vie, c’est la perdre ; mais marcher avec elle, c’est la comprendre.

Le soir venu, il s’assit au pied du grand arbre devant la maison. Le vent agitait doucement les feuilles, comme si la voix du père passait encore à travers elles. Jonas ferma les yeux. Il sentit le temps glisser lentement sur lui comme une main familière.

Et dans ce silence plein d’âme, il sut une chose : le pas qui ralentit n’est pas un signe de faiblesse, mais de sagesse. Car celui qui a beaucoup vécu n’a plus besoin de courir après la vie — il la porte déjà en lui, comme une saison qui ne finit jamais.

   🔥La nuit était tombée sur le village comme un grand pagne de velours. Le vent soufflait doucement à travers les branc...
29/10/2025



🔥

La nuit était tombée sur le village comme un grand pagne de velours. Le vent soufflait doucement à travers les branches du fromager, et dans la cour, le feu crépitait, lançant des étincelles qui montaient au ciel comme des lucioles perdues. Jonas s’assit près des flammes, la houe encore à portée de main, symbole des journées de labeur qui s’enchaînaient depuis des années.

Ce soir-là, il n’était pas seul. Autour du feu, les enfants du village s’étaient rassemblés, leurs visages illuminés par la lumière tremblante. On entendait au loin le bêlement des chèvres, le chant monotone des grillons, et, au-dessus de tout cela, la voix douce des anciens qui racontaient. Car, comme disait souvent son père, “un feu sans parole s’éteint plus vite qu’un cœur sans souvenir.”

Jonas regardait les enfants rire, parler, s’interrompre. Il se revit, lui, assis autrefois à la même place, écoutant la voix grave de son père raconter les épopées d’hommes courageux et de femmes sages. Il se souvint de ces nuits où le monde semblait petit, juste limité à la lueur du feu et au cercle des visages aimés. Il ferma les yeux un instant, et le passé revint comme un souffle chaud.

Alors, sans prévenir, il prit la parole. Sa voix, d’abord hésitante, s’éleva dans la nuit :
— Mes enfants, approchez-vous du feu. Le feu n’aime pas la distance, tout comme la sagesse n’aime pas le silence.

Les plus jeunes se rapprochèrent, curieux. Jonas jeta dans les flammes un petit morceau de bois sec, et une g***e d’étincelles s’envola.
— Mon père, dit-il, était un homme de peu de mots, mais de beaucoup de vérité. Il disait toujours : “L’enfant qui ne sait pas écouter les conseils finira par écouter les reproches.”

Les enfants écoutaient, captivés. La flamme projetait sur son visage les reflets du temps : un peu de fatigue, un peu de fierté, et beaucoup d’amour.
— J’étais comme vous, continua-t-il. Je croyais que les reproches étaient des pierres lancées contre moi. Mais plus t**d, j’ai compris que chaque parole dure était un mur qu’il bâtissait pour m’abriter du vent mauvais.

Un silence se fit. Puis, de l’autre côté du feu, la vieille M’bélé, voisine du quartier, hocha la tête :
— C’est vrai, mon fils. Le père qui corrige son enfant ne le déteste pas ; il le prépare à un monde où tout ne caresse pas.

Jonas sourit.
— Oui, maman M’bélé. Le monde m’a appris cela à sa manière. J’ai marché sur des routes longues, j’ai vendu au marché des choses sans valeur pour comprendre la valeur des choses. J’ai compris que l’éducation, c’est comme un feu de bois : quand il brûle bien, même les cendres réchauffent encore.

Les enfants rirent doucement, et Jonas leur raconta alors les histoires de son père : le jour où il avait réparé une charrue avec une simple corde, le soir où il avait calmé une querelle en offrant du sel à chacun, disant : “Goûtez le même sel avant de parler, vos mots seront moins amers.”

Au fil des mots, les étoiles s’étaient rapprochées du toit du monde. La mère de Jonas, assise un peu à l’écart, écoutait en silence. Elle vit dans les gestes de son fils la même façon d’agiter les mains que son mari avait. Dans ses mots, la même prudence, la même sagesse. Elle ferma les yeux, et une larme coula sur sa joue. Ce n’était pas une larme de tristesse, mais de continuité.

Jonas, sans la regarder, sentit pourtant cette émotion flotter dans l’air. Il se tut un instant, puis ajouta d’une voix plus grave :
— Il y a des pères qui meurent, mais dont les paroles ne savent pas mourir. Il y a des feux qui s’éteignent, mais dont la chaleur ne quitte jamais la terre.

Alors il prit un tambour posé près de lui, le frappa doucement. Le son profond résonna dans la cour. Les enfants reprirent le rythme, tapant des mains, chantant les refrains appris des anciens. C’était le chant du souvenir, le chant de la transmission.

Et cette nuit-là, tandis que la lune se levait lentement, le village tout entier semblait respirer d’un même souffle. Jonas savait que son père aurait été fier. Car il n’était plus seulement le fils du feu — il en était devenu le gardien.

   🔐La saison sèche s’étirait lentement. Les journées brûlaient la terre, mais les nuits, elles, devenaient des refuges....
27/10/2025



🔐

La saison sèche s’étirait lentement. Les journées brûlaient la terre, mais les nuits, elles, devenaient des refuges. Sous le ciel constellé, Jonas s’asseyait souvent près du feu, écoutant les murmures du vent dans les arbres. C’était l’heure où le village parlait moins, mais pensait plus.

Une nuit, alors qu’il réparait une vieille nasse de pêche, son jeune frère vint s’asseoir près de lui. L’enfant avait ce regard inquiet de ceux qui portent un secret trop lourd pour leur âge.

— Jonas, dit-il à voix basse, j’ai fait une bêtise.

— Dis-moi, répondit Jonas, mais parle doucement, la nuit écoute.

L’enfant raconta comment il avait cassé une jarre que leur mère aimait beaucoup, et qu’il avait laissé le chat en être accusé. Jonas ne le gronda pas. Il resta silencieux un moment, puis dit :

— Tu vois, la nuit ne juge pas, mais elle enseigne. Quand le jour reviendra, il te faudra dire la vérité. Sinon, ton cœur portera plus lourd qu’une jarre.

Le lendemain, le garçon avoua sa faute, et leur mère, au lieu de le punir, le serra dans ses bras. Jonas, en les regardant, comprit quelque chose que son père répétait souvent :

“L’homme sage ne dit pas tout ce qu’il sait, mais il sait quand parler.”

Depuis ce soir-là, Jonas apprit à garder les secrets comme on garde des graines : certains doivent être semés, d’autres, gardés dans le grenier du silence.

Et quand les anciens du village avaient besoin d’un avis discret, ils venaient souvent le voir. Jonas, l’homme du calme regard, celui dont la parole était rare mais juste, était devenu le gardien silencieux des vérités du village.

   📜Le soleil de midi tapait fort sur les toits de chaume, et les oiseaux, eux-mêmes, semblaient retenir leur souffle. D...
26/10/2025



📜

Le soleil de midi tapait fort sur les toits de chaume, et les oiseaux, eux-mêmes, semblaient retenir leur souffle. Dans la cour, Jonas, désormais jeune homme robuste, attachait les fa**ts de mil pendant que le vent soulevait des parfums de poussière et de feu de bois.
Ce jour-là, le chef du village avait convoqué tous les hommes : il fallait réparer la digue du marigot avant l’arrivée des grandes pluies. Chacun devait prêter main forte, donner un jour de travail. Jonas promit d’y être à l’aube.

Mais, le soir venu, un marchand venu de la ville s’arrêta chez lui. Il proposa à Jonas une affaire alléchante : un voyage rapide au marché voisin pour livrer du bois contre une belle somme.

— Viens demain à l’aube, dit le marchand. Tu seras revenu avant le soir avec de l’argent plein les mains.

Jonas resta silencieux. La tentation était grande. La digue, c’était pour le village ; le marché, c’était pour lui et sa mère, qui commençaient à manquer de tout.
Il passa une nuit agitée, le regard tourné vers le toit, écoutant les grillons chanter comme pour le juger.
Au petit matin, il prit la houe… puis la reposa.
Il saisit le f***t de bois… puis le reposa aussi.
Son cœur était un champ partagé entre deux saisons : celle de la promesse et celle du besoin.

Soudain, dans le souffle du vent, il crut entendre la voix de son père :

— « Mon fils, un homme sans parole est comme une calebasse trouée : il peut être belle dehors, mais elle ne retient rien dedans. »

Jonas ferma les yeux, et décida.
Quand le coq chanta, il était déjà sur le chemin du marigot.
Là-bas, les hommes s’activaient, les pieds dans la boue, les bras tendus vers les pierres. Certains furent surpris de le voir.

— Toi ici, Jonas ? On t’avait dit parti avec le marchand !
Il sourit simplement et répondit :

— J’ai donné ma parole. Et la parole, chez nous, c’est comme un souffle : quand on la perd, on ne la retrouve plus.

Toute la journée, il travailla en silence, la sueur coulant sur son front. La digue fut achevée avant la tombée de la nuit. Le chef du village, ému, posa sa main sur son épaule :

— Ton père serait fier. L’homme qui tient sa parole bâtit plus que des murs, il bâtit la confiance.

De retour chez lui, Jonas trouva le marchand qui l’attendait encore. L’homme secoua la tête avec un sourire amer.

— Tu as choisi l’honneur plutôt que le profit. Les gens comme toi sont rares.
Jonas répondit calmement :

— “L’argent finit toujours par s’enfuir, mais la parole d’un homme le précède et parle pour lui dans son absence.”

Ce soir-là, autour du feu, sa mère écouta son récit sans dire un mot. Puis elle dit doucement :

— Jonas, ton père avait raison. Le plus lourd des fardeaux, c’est une promesse non tenue.

Le vent passa dans les feuilles, et Jonas leva les yeux vers les étoiles.
Il comprit que la vraie richesse d’un homme, ce n’est ni le bétail ni la terre, mais la droiture invisible qui habite son cœur.

Et au loin, dans la nuit tranquille, il lui sembla entendre le murmure de la sagesse ancienne :

> “Quand la bouche promet, le cœur doit se préparer à payer le prix de la vérité.”

   👀Depuis son retour de la ville, Jonas n’était plus tout à fait le même. Ses pas semblaient plus sûrs, son regard plus...
24/10/2025



👀

Depuis son retour de la ville, Jonas n’était plus tout à fait le même. Ses pas semblaient plus sûrs, son regard plus profond. Mais dans le village, les langues aussi étaient devenues plus longues. Certains disaient qu’il avait « vu le monde », d’autres murmuraient qu’il reviendrait bientôt orgueilleux, comme tant d’autres jeunes que la ville avait changés.

Un soir, alors qu’il réparait le toit de la case de sa mère, deux hommes, assis sous le grand manguier, parlèrent assez fort pour qu’il entende :

— Le fils de Nambot commence à se croire grand. Il oublie que c’est dans la poussière qu’il est né.

— Oui, répondit l’autre, la ville gonfle le ventre de ceux qui y vont, mais souvent c’est le vent qu’ils ramènent.

Jonas baissa la tête, la gorge serrée. Ces mots, lancés comme des pierres, frappaient son cœur. Il repensa à la voix grave de son père, quelque part dans sa mémoire :

« Mon fils, le vent des paroles des autres ne déracine pas l’arbre qui a des racines profondes. »

Alors il continua son travail, en silence, laissant le soleil se coucher sur les rumeurs.
La nuit venue, près du feu, il en parla à sa mère :

— Maman, pourquoi les gens parlent-ils avec tant de facilité ? Je n’ai rien fait de mal, pourtant leurs mots me brûlent.
Sa mère, occupée à tourner le manioc dans le pot, répondit sans lever les yeux :

— Mon fils, les yeux des autres ne sont pas des juges, ce sont des miroirs. Ce que tu vois en eux dépend de la lumière que tu portes en toi.
Puis elle ajouta un proverbe que Jonas n’oublia jamais :

« Celui qui marche droit n’a pas besoin de se retourner quand les chiens aboient. »

Ces mots furent pour lui comme une eau claire versée sur une plaie. Il comprit alors que les gens regardent toujours, mais que tous ne voient pas avec la même intention. Certains cherchent à admirer, d’autres à rabaisser. Mais la vérité, elle, se tient dans la constance.

Les jours suivants, Jonas reprit ses activités sans broncher. Il aidait les anciens, réparait les clôtures, portait l’eau du puits pour les veuves. Et peu à peu, le murmure du village changea de ton.
Ceux qui l’observaient finirent par dire :

— Ce garçon-là, il n’a pas la bouche pleine, mais les mains pleines d’actes.
Et les plus sages ajoutaient :

— Le fils de Nambot a les yeux de son père, mais le cœur de sa mère.

Un soir, après une longue journée de travail, Jonas s’assit au bord du champ. Le soleil se couchait lentement derrière les collines, et il se sentit en paix.
Il murmura pour lui-même :

— Mon père disait vrai. Ce n’est pas le regard des autres qui te grandit, c’est la fidélité à ce que tu es.
Et dans le vent tiède du soir, il crut entendre la voix lointaine de son père :

« Quand tu marches avec droiture, ton ombre ne trahit jamais ta lumière. »

Alors Jonas ferma les yeux. Il ne craignait plus le jugement du monde, car il savait désormais que le vrai regard qui compte, c’est celui que l’on porte sur soi-même.

   🏙️Le matin s’était levé avec un vent nouveau, un vent de départ. Dans la cour, la poussière tourbillonnait doucement,...
22/10/2025



🏙️

Le matin s’était levé avec un vent nouveau, un vent de départ. Dans la cour, la poussière tourbillonnait doucement, comme si la terre elle-même savait qu’un pas important allait s’éloigner d’elle. Jonas, devenu grand adolescent, serrait entre ses mains un petit sac de toile : quelques provisions, un peu d’arachides, et surtout le collier tressé de cuir que son père portait jadis, souvenir d’un homme dont la voix résonnait encore dans son cœur.

Sa mère, debout près du seuil, ne disait rien. Les mots lui semblaient inutiles face à ce moment où un fils quitte le nid. Elle l’observait simplement, le regard noyé d’inquiétude et d’orgueil mêlés.

— Jonas, dit-elle enfin, la ville est comme une rivière en crue. Belle à regarder, mais dangereuse à traverser. N’oublie pas ce que ton père disait : “L’homme ne se mesure pas à la taille de son ombre, mais à la droiture de son pas.”

Jonas hocha la tête, le cœur lourd et courageux. Il avait entendu tant d’histoires sur la ville : les marchés qui bourdonnent comme des ruches, les maisons hautes comme des termitières, les gens qui courent sans se regarder. Mais il savait aussi que la ville n’est pas seulement un lieu, c’est une épreuve.

Le voyage dura des heures, puis des jours. La route, rouge et longue, serpentait entre les collines et les champs dorés. Jonas marchait, la houe accrochée à son épaule, et chaque pas résonnait comme un battement de tambour dans sa poitrine. Parfois, il s’arrêtait pour boire à une source, ou partager un morceau de pain avec d’autres voyageurs. Un vieillard lui dit un jour :

— Jeune homme, la ville apprend plus vite que le village, mais elle oublie plus vite aussi. Si tu veux y grandir sans t’y perdre, garde ton cœur attaché à la terre d’où tu viens.

Jonas grava ces mots dans sa mémoire.

Quand enfin il atteignit la grande ville, le vacarme le saisit comme une vague. Les cris des vendeurs, le hennissement des chevaux, les charrettes qui claquaient sur les pavés — tout semblait vouloir l’avaler. Il serra son sac contre lui, se frayant un chemin à travers la foule.

Au marché, il déposa ses paniers de mil sur une natte et appela les acheteurs d’une voix timide. Certains riaient de son accent de village, d’autres voulaient profiter de sa naïveté. Mais Jonas se rappela une autre phrase de son père :
“Le serpent qui dort dans la brousse ne craint pas le feu du chasseur, mais celui qui s’enflamme de colère brûle lui-même.”

Alors il resta calme, patient, observant, apprenant.

Le soir venu, un vieil homme aux yeux sages s’approcha. Il avait vu Jonas refuser de tricher sur le poids de sa marchandise, alors que tant d’autres l’auraient fait. L’homme lui dit :

— Toi, tu n’as pas la ruse de la ville, mais tu as l’honnêteté du champ. Et cela, jeune homme, vaut plus que l’or des marchés.

Jonas sourit. Ce soir-là, sous un ciel sans lune, il comprit que les leçons de son père voyageaient avec lui, invisibles mais solides comme des racines enfouies dans la terre.

Quand il rentra au village quelques jours plus t**d, les poches presque vides mais le cœur riche d’expériences, sa mère l’accueillit d’un sourire silencieux. Elle lut dans ses yeux une nouvelle lumière — celle de l’enfant devenu homme sans perdre son âme.

Jonas posa la houe contre le mur, s’assit près du feu, et murmura :
— Maman, le monde est vaste, mais le cœur d’un homme bien élevé est plus vaste encore.

Et dans la nuit calme, les étoiles semblaient écouter.

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