11/26/2025
Paul Watson : un visa français, un répit fragile dans la bataille mondiale pour les océans
AprĂšs une annĂ©e dâerrance administrative, dâincertitudes et de pressions diplomatiques, Paul Watson sâapprĂȘte enfin Ă recevoir un titre de sĂ©jour en France. Le 28 novembre, dans les bureaux de la prĂ©fecture de police de Paris, le fondateur de Sea Shepherd devrait se voir remettre un visa « visiteur », valable un an et renouvelable. Un document simple en apparence, mais qui reprĂ©sente pour lui, sa famille et ses soutiens une Ă©tape dĂ©cisive dans une lutte qui dĂ©passe largement le champ administratif : câest une bataille contre les Ătats et les lobbys qui veulent faire taire lâune des voix les plus connues de la dĂ©fense du vivant marin.
Une situation précaire depuis sa libération en décembre 2024
Depuis son retour en France aprĂšs sa libĂ©ration des geĂŽles groenlandaises en dĂ©cembre 2024, Watson vivait sans titre de sĂ©jour. Une situation Ă la fois inconfortable et dangereuse pour un homme qui, depuis des dĂ©cennies, est ciblĂ© par plusieurs pays en raison de son combat contre la chasse au phoque, la pĂȘche industrielle ou la chasse Ă la baleine. InstallĂ© Ă Marseille, il ne bĂ©nĂ©ficiait dâaucune protection officielle et demeurait vulnĂ©rable aux manoeuvres internationales destinĂ©es Ă entraver son action.
Cette vulnĂ©rabilitĂ© est dâautant plus problĂ©matique que Watson nâest pas un simple militant local : il voyage, rencontre, intervient, documente, interpelle. Sans cadre juridique clair, chaque dĂ©placement reprĂ©sentait une prise de risque.
Un visa qui rĂšgle la situation familiale mais pas la menace internationale
Pour son avocat, Emmanuel Ludot, la dĂ©cision de lâadministration française est « un soulagement ». Le visa « visiteur » stabilise au moins la situation quotidienne et familiale de Watson Ă Marseille. Cela signifie quâil peut vivre ici sans craindre une injonction de quitter le territoire, et quâil peut prĂ©parer ses actions dans un cadre lĂ©gal enfin clair.
Mais Ludot insiste : ce titre ne constitue en rien une protection lorsque Watson se rendra Ă lâĂ©tranger. Rien ne change sur ce front. Le militant reste exposĂ© aux dĂ©cisions dâĂtats qui, depuis longtemps, cherchent Ă entraver son travail. Le statut de rĂ©fugiĂ©, quâil avait demandĂ©, aurait Ă©tĂ© la seule garantie rĂ©elle. Il lui aurait permis de bĂ©nĂ©ficier dâune protection internationale robuste, en le mettant officiellement Ă lâabri des pays qui veulent lâarrĂȘter.
Le refus de lâOfpra : une dĂ©cision incomprise
LâOfpra a refusĂ© sa demande dâasile politique le 9 septembre, estimant que les Ătats-Unis et le Canada â dont il possĂšde la double nationalitĂ© â ne faisaient pas courir de risques Ă leurs ressortissants. Un argument que son avocat juge Ă©loignĂ© de la rĂ©alitĂ©. Selon lui, lâadministration amĂ©ricaine actuelle a clairement exprimĂ© son intention de livrer Watson au Japon si lâoccasion se prĂ©sentait. Le Canada, selon Me Ludot, partage la mĂȘme position.
Autrement dit : ces pays pourraient choisir les intĂ©rĂȘts de lâindustrie de la pĂȘche et de la chasse au phoque plutĂŽt que la protection dâun citoyen qui les dĂ©range. Pourtant, pour lâOfpra, ces Ătats nâapparaissent pas comme dangereux, ce qui a conduit Ă un refus sans appel de la demande de Watson.
Un Japon dĂ©terminĂ© Ă faire taire lâactiviste
La menace la plus constante reste celle du Japon. Tokyo nâa jamais renoncĂ© Ă son mandat international visant Watson. MĂȘme si Interpol a levĂ© la notice rouge qui pesait contre lui, rien nâempĂȘche sa remise en route. Le pays, selon lâavocat, nourrit une « vĂ©ritable haine » envers lâactiviste, en raison de ses actions contre la chasse Ă la baleine. Son influence diplomatique serait telle quâil aurait exercĂ© des pressions sur le BrĂ©sil lorsque Watson devait participer Ă la COP30.
Cette obsession dĂ©montre bien la place quâoccupe Watson dans le combat Ă©cologique mondial : il dĂ©range les Ătats qui prĂ©fĂšrent le silence aux dĂ©bats sur la destruction de la biodiversitĂ©.
Une intervention personnelle du président de la République
Si le militant obtient enfin un titre de sĂ©jour, ce nâest pas parce que lâadministration a rĂ©visĂ© sa position. Câest parce que le prĂ©sident de la RĂ©publique est intervenu personnellement. En juin, lors de la confĂ©rence sur les ocĂ©ans Ă Nice, Watson avait rencontrĂ© Emmanuel Macron et exposĂ© sa situation. Le chef de lâĂtat sâĂ©tait engagĂ© Ă agir, et sa conseillĂšre aux affaires intĂ©rieures a confirmĂ©, il y a un mois, que la promesse serait tenue.
Ce geste a permis de contourner le refus de lâOfpra. Il sâagit dâune mesure exceptionnelle, accordĂ©e en raison du profil international trĂšs particulier de Paul Watson. Sans cette intervention, il aurait pu rester durablement dans un vide administratif.
Une libertĂ© de mouvement limitĂ©e par les Ătats liĂ©s Ă la pĂȘche
Ce visa permettra Ă Watson de voyager comme un rĂ©sident français. Mais son avocat prĂ©vient : certains pays restent extrĂȘmement risquĂ©s pour lui. La NorvĂšge, le Danemark, le Groenland, les Ătats-Unis et le Canada sont citĂ©s parmi les nations oĂč les intĂ©rĂȘts de la pĂȘche et de la chasse maritime sont si puissants que Watson pourrait y ĂȘtre arrĂȘtĂ© ou inquiĂ©tĂ©. Dans ces cas, chaque dĂ©placement devra ĂȘtre soigneusement Ă©valuĂ©.
Ces pays ont en commun une chose : ils ne voient pas dâun bon Ćil ceux qui mettent en lumiĂšre les impacts de leurs industries sur la biodiversitĂ©.
Prochaine étape : une carte de séjour de dix ans
Lâobtention du visa nâest quâune premiĂšre Ă©tape. Pour garantir une stabilitĂ© durable Ă Watson, son avocat compte poursuivre les dĂ©marches afin dâobtenir une carte de sĂ©jour valable dix ans. Une perspective qui Ă©viterait d'avoir Ă renouveler chaque annĂ©e un titre aussi fragile et insuffisant.
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