24/10/2020
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Le samedi 28 septembre 2018, des coups de feu ont Ă©tĂ© perçus Ă Keur Massar sur le site de la CoopĂ©rative dâhabitat des travailleurs de lâUniversitĂ© Cheikh Anta Diop (Ucad), communĂ©ment appelĂ© Ucad 4 Keur Massar. Cette fois encore comme en 2016 sur le mĂȘme site, câest un enseignant dâuniversitĂ© excĂ©dĂ© qui a fait usage de son arme pour donner des coups de sommation Ă des individus qui exploitaient son terrain malgrĂ© lâexistence des cinq tonnes de briques quâil y a empilĂ©es.
En effet, cet enseignant, comme le prĂ©cĂ©dent, a voulu sauver son terrain de ces prĂ©dateurs. Ce terrain a Ă©tĂ© acquis dans le cadre de la CoopĂ©rative des travailleurs de lâUcad comme lâatteste, du reste, le dĂ©cret dont les rĂ©fĂ©rences sont rappelĂ©es dans la Lettre ouverte que jâai adressĂ©e Ă Monsieur le prĂ©sident de la RĂ©publique Ă ce sujet et qui a Ă©tĂ© publiĂ©e et mise en ligne par le journal Le Quotidien. Dans cette lettre, jâai tenu Ă rappeler que le site dont il est question a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă la coopĂ©rative par dĂ©cret n° 2006-374 du 24 avril 2006. Ce terrain dâune superficie de 10 hectares se situe Ă Keur Massar, «à 1,5 km du centre des Ă©metteurs de la marine française et Ă 250 m de celui de lâAsecna jouxtant le projet dâautoroute Ă pĂ©age, Dakar-Diamniadio et la CitĂ© des PĂ©nitenciers».
La signature du dĂ©cret dĂ©clarant dâutilitĂ© publique le projet de construction de logements sur un terrain du domaine national par la coopĂ©rative est lâaboutissement dâun long processus administratif qui part dâune demande dâattribution auprĂšs de lâEtat du SĂ©nĂ©gal en date du 6 aoĂ»t 2002 et qui a conduit lâobtention des piĂšces suivantes :
Lâavis favorable du Cadastre, de lâUrbanisme des ImpĂŽts et domaines de Rufisque ;
Lâattestation de prise de possession de la direction de lâEnregistrement, des domaines et du timbre en date du 30 janvier 2004, n° 297/Mef/Dgi/Dedt du 30 janvier 2004 ;
Lâautorisation de lotir et de construire n° 00138 du 15 septembre 2004 ;
Le constat de mise en valeur ; Pv du 22 octobre 2004 ;
Lâavis favorable de la Commission nationale du contrĂŽle des opĂ©rations domaniales ;
Lâouverture et la fermeture dâenquĂȘte de commodo et incommodo ;
Le certificat de conformité des travaux n° 0001999 du 20 avril 2010 ;
Le plan de masse cadastral suivant réquisition du 22 avril 2016 n° 383 ;
Lâavis de bornage du 16 juin 2016 ;
Le Nicad n° 01330111300Â2000Â93 du 13 octobre 2016 Ă 10h 37mn 59s ;
Le titre foncier n° 12475/R ; Services fiscaux de Rufisque (Domaines).
Tous ces documents nâont pas suffi pour dĂ©courager des individus couverts par des agents vĂ©reux (agents de lâautoritĂ© judiciaire, administrative ou mĂ©dicale). Avec la bĂ©nĂ©diction de ces agents, ces individus vendent nos terrains comme de petits pains et les font exploiter par des nervis recrutĂ©s Ă cet effet. Par contre, lorsquâun agent de lâuniversitĂ©, membre de la coopĂ©rative, tente dâexploiter son terrain, il est brutalisĂ© par ces nervis ou arrĂȘtĂ© par les gendarmes. Quelque fois, cela va trĂšs loin : jusquâĂ chez le procureur. Souvent aprĂšs une parodie dâenquĂȘte, lâagent rĂ©calcitrant de lâuniversitĂ© est mis en prison le temps que ces individus occupent son terrain. Au mĂȘme moment, nos plaintes dĂ©posĂ©es directement par nous sont classĂ©es sans suite : cela est intriguant.
Pour faire face Ă tout cela, nous avons attirĂ© lâattention de lâopinion publique et surtout celle de Monsieur le prĂ©sident de la RĂ©publique qui Ă©tait, en tant que Premier ministre, cosignataire du dĂ©cret qui nous affecte ce site. Dalleurs, nous avons saisi lâoccasion de le lui rappeler lors de sa visite Ă lâUcad, il y a deux ans. Les syndicats lui ont fait part de la situation que nous vivons injustement Ă Ucad 4. Le PrĂ©sident, Ă sa dĂ©charge, avait donnĂ© des instructions pour quâon mette un terme Ă tout cela, mais elles sont restĂ©es lettre morte. Et p*s, on lui a racontĂ© quâil sâagissait dâun litige foncier pendent devant la justice ; ce qui est faux, illogique et absurde. Les PrĂ©sidents sont peut-ĂȘtre les plus informĂ©s, mais certainement pas les mieux informĂ©s, hĂ©las !
Aujourdâhui, lorsquâon se rend compte que certains de nos terrains sont occupĂ©s par des gendarmes, nous ne sommes pas trĂšs surpris du traitement qui nous est rĂ©servĂ© par la Gendarmerie territoriale (les brigades). Comment un homme de loi peut se mĂȘler Ă des situations pareilles ? DĂ©jĂ le simple fait de savoir quâil y a une coopĂ©rative derriĂšre ces terrains devrait amener tout acquĂ©reur potentiel honnĂȘte Ă faire attention. Les documents que ces prĂ©dateurs brandissent sont de vrais faux documents. Jâinvite particuliĂšrement le patron de la Gendarmerie territoriale Ă se pencher sur la question afin dâĂ©viter Ă ce prestigieux corps (je suis fils dâancien gendarme, mais câest le citoyen qui parle) tout ce qui est de nature Ă ternir son image. Jâinvite les journalistes dâinvestigation Ă faire de mĂȘme. Jâinvite enfin le ministre de lâIntĂ©rieur Ă mettre Ă contribution, pour que la vĂ©ritĂ© triomphe, la Division des investigations criminelles ; un organe qui me semble encore digne de confiance.
En tant que citoyen et par devoir, je tiens Ă rappeler pour la commenter cette rĂ©flexion de Blaise Pascal : «Ne pouvant faire que la force fĂ»t juste, on fĂźt que la justice fĂ»t forte.» Il sâagit ici de lâappareil judiciaire et non de la justice comme principe spirituel et moral. La justice rassure et protĂšge, elle est absolument forte. Mais lâappareil judiciaire peut ne pas ĂȘtre fort ; cela du fait de la dĂ©faillance de ses acteurs : juges, auxiliaires de justice (avocats, gendarmes, policiers, mĂ©decinsâŠ). Câest le lieu de rappeler le rapport dialectique qui lie lâindividu Ă son groupe. Lâindividu renforce le groupe et le groupe protĂšge, en retour, lâindividu. LâindĂ©pendance de lâindividu est dâabord un principe moral et spirituel. LâindĂ©pendance rapportĂ©e au groupe est in principe administratif et lĂ©gal. Ce sont les individus qui font le groupe (Magistrature, Barreau, Gendarmerie nationale, Police nationale, Ordre des mĂ©decins). Etre indĂ©pendant pour un individu, câest ĂȘtre en rĂšgle avec sa conscience. La conscience, nous dit le cardinal ThĂ©odore Adrien Sarr, «est le centre le plus intime et le plus secret de lâhomme. Le sanctuaire oĂč il est seul avec Dieu et oĂč sa voix se fait entendre».
Lorsquâil nây a pas justice (principe moral), la force surgit. Lorsque la justice (organisation, appareil) est faible, la force ne se lĂ©galise pas, mais elle se «lĂ©gitimise». Ce qui est arrivĂ© samedi, comme câĂ©tait le cas il y a deux ans au mĂȘme endroit et de la part de professeurs dâuniversitĂ©, est la consĂ©quence directe de la dĂ©faillance de nos institutions. Comment comprendre que des individus sans attaches institutionnelles ou lĂ©gales sâaccaparent impunĂ©ment des terrains qui relĂšvent dâune coopĂ©rative ; câest-Ă -dire une personne morale de droit privĂ© ? En effet, nous ne luttons ni contre une coopĂ©rative ni contre une institution, encore moins contre une famille, mais contre des bandits qui disposent comme armes : nos terrains, instrument de corruption ou lâargent de la vente de nos terrains.
Pour terminer, jâinvite ceux qui nous dirigent ou qui aspirent Ă le faire Ă optimiser dâabord la ressource humaine (tout membre du corps social et politique sĂ©nĂ©galais) par le seul socle sur lequel on peut bĂątir, dans lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, quelque chose de durable : une Ă©thique de lâĂ©quitĂ©. Câest la ressource humaine qui optimise la ressource matĂ©rielle et la ressource financiĂšre. Il faut surtout Ă©viter les erreurs de «casting» telles que celles notĂ©es par le colonel Ndao dans son ouvrage. «Nommer aux fonctions civiles et militaires» est une lourde responsabilitĂ©. Elire Ă©galement est une lourde responsabilitĂ©.
Emmanuel KABOU â [email protected]