23/11/2019
OÙ ALLONS-NOUS ?
Après la tournée de Fatshi à frapper à toutes les portes pour obtenir des aides et des investissements, Dr. Mukwege se lève à son tour et demande une aide militaire de l'Europe pour protéger l'Est du Congo.
Je me pose des questions sur la classe politique et l'élite congolaise, que se passe-t-il dans nos cerveaux et dans nos coeurs ? Sommes-nous liés indéfiniment par la colonisation au point que nous sommes incapables de prendre en mains notre destinée ?
POURQUOI AVIONS-NOUS DEMANDÉ L'INDÉPENDANCE si nous continuons de DÉPENDRE DE L'OCCIDENT DANS TOUT ET POUR TOUT?
J'ai vu ma tante, l'aînée de la famille de ma mère, comment elle a commencé ses affaires et comment elle a prospéré. Et je peux dire que cette femme était plus intelligente que toute la classe politique et l'élite congolaise. Elle était née en 1930 de deux parents paysans au village. Elle n'a pas été à l'école. Comme nous sommes autochtones de Kinshasa, à part la proximité de notre village du centre-ville, nous avions une parcelle à Kintambo. Elle a quitté le village et elle habitait avec ses sœurs à Kintambo. Au village, c'était le champ. En ville, il fallait trouver un autre type travail. Que faire sans qualifications? Elle n'a cependant pas traîné à se décider. Elle a commencé à vendre les oranges. Une bassine d'oranges sur la tête, elle quittait la maison très tôt le matin pour vendre ses oranges en ville. Avant la fin de la journée, elle était déjà de retour à la maison. C'était son business. Pendant qu'elle sortait chaque matin vendre les oranges, sa petite soeur, mon autre tante, elle se dirigeait au marché où elle avait une petite table vendre les bananes et l'arachide. Elles étaient heureuses et elles se donnaient à leur tâche avec dévouement. Toute la famille était heureuse. De l'argent gagné de la vente des oranges et d'une partie reçue de sa petite soeur et de notre grande-mère, elle s'est lancée à vendre les tissus pagnes au marché central. Elle a réussi à y trouver une table et devenir une cliente d'un gros distributeur de l'époque, la maison "SIMIS".
Au fil du temps, elle faisait désormais partie de ce groupe des mamans congolaises qui vendaient les tissus Wax au marché. Si ce n'était pas de la Maison "SIMIS" qu'elles se ravitaillaient, elles s'organisaient pour qu'une d'entre-elles voyage en Europe faire des commandes directement à l'usine en Amsterdam. Non seulement qu'elles commandaient directement leurs Wax de l'usine, mieux elles donnaient à l'usine leur propre design avec des motifs et des noms qu'elles inventaient elles-mêmes sans avoir été formées en design ou en techniques commerciales. Comme les affaires progressaient, elles commencèrent à voyager vers d'autres pays africains pour importer les pagnes. Et l'état venait de doter le marché central d'une nouvelle infrastructure. Elle acheta deux tables. Une pour elle-même et une autre qu'elle faisait louer. Je regardais maman évoluer parmi toutes les mamans qui faisaient le même commerce et je m'en souviens des plusieurs d'entre-elles. Maman Poto, Maman Dayoni, etc.
Les affaires devenaient de plus en plus florissantes, maman venait d'acheter son terrain à Bandal, et elle quitta le toit familial. Elle loua d'abord une maison à Kasa-Vubu pendant qu'elle construisait à Bandal. Une fois, la maison de Bandal terminée, une grande maison avec 6 chambres à coucher, j'y ai habité avec elle, une de mes cousines et un de mes cousins. Comme, aînée de sa famille, elle avait la charge de tout le monde sauf sa petite soeur qui venait après elle. Dès qu'elle s'installa à Bandal, elle diversifia ses affaires. À part la vente des pagnes au marché central, elle venait d'ouvrir un petit bar sur une portion de la parcelle qu'elle aménagea d'une telle manière que le lieu n'était fréquenté que par une certaine élite locale et étrangère; ambassadeurs, ministres et autres, blancs et noirs. On y vendait que de la bière importée de l'époque: St Pauli, Amstel, etc. Chaque jour le matin, elle était au marché en train de vendre les pagnes, et au début de la soirée, elle était à la maison servir ses clients à boire et à manger les maboke. Je me rappelle à l'époque, il y avait toujours des billets de banque qui traînaient par terre à cet endroit, le matin quand on se réveillait. À part les billets de Zaïre, on y trouvait aussi des billets de banques étrangères, très souvent les francs CFA. La première fois que nous y avions trouvé des billets de banque le matin, surpris nous sommes allés directement les présenter à la tante. Mais elle nous enseigna que ce n'était pas des billets tombés des arbres, ses clients les avaient sûrement soit fait tomber soit oublier. Elle prit les billets avec la promesse de requérir auprès de ce cercle de sa clientèle à qui appartenait les billets trouvés. C'est ce qu'elle fit le soir-même.
Le lendemain, le même cinéma se reproduisit. Comme nous nous dirigions vers la tante pour les lui remettre, elle nous fit asseoir et nous rendit compte de sa conversation avec sa clientèle. Il était difficile que ses clients puissent reconnaître qui avait perdu les billets, donc ils décidèrent de commun accord que l'argent trouvé appartenait donc aux enfants. Mais puisque cela se répéta, elle ne pouvait pas se décider toute seule pour nous remettre les billets sans le consentement de sa clientèle. Le soir venu, elle engueula sa clientèle sur cette manière d'être si imprudente et de faire tomber l'argent si facilement. Pour elle, ce qui importait était le type d'éducation que ces grandes personnes transmettaient aux enfants s'ils pouvaient ainsi facilement perdre l'argent à répétition. Ils s'engagèrent à être plus prudents, mais décidèrent de commun accord que l'argent trouvé était pour les enfants. Ma tante, tenant à nous apprendre la valeur de l'argent, ne nous remît pas les billets de banque directement, mais s'engagea à les garder pour nous comme personne ne les avait réclamés. Il se fit que de moins en moins, la clientèle ne perdait plus l’argent, mais rarement nous retrouvions quelques billets traînaient dans le bar. De temps en temps, la tante nous conduisait en ville pour des achats avec cet argent qu'elle ajoutait sur l'argent disposé pour nous comme cadeaux de sa clientèle.
La valeur de l'argent, NOUS l'avions appris très tôt à la maison.
Et notre tante ne faisait que progresser confortablement dans ses affaires. Elle venait d'ouvrir une boutique à Kintambo magasin où l'on vendait des pagnes fabriqués localement (CPA, Utexafrica,etc.) et importés ( Wax Hollandais, etc.). Elle continuait son commerce à sa table au marché central et son petit bar à la maison. Avec le temps, elle prit une autre envergure, elle diversifia encore ses affaires et elle devint dépositaire de la Bralima et de l'Unibra. Ses dépôts étaient à Bandal et à Selembao. Le petit bar sélect se mua à un vrai bar ouvert à tout le monde où l'on vendait toutes les boissons locales et importées et elle en ouvrit un autre à Selembao.
Au-delà de ses deux dépôts à Kinshasa, elle permit à deux de sœurs et à certaines de ses amies de devenir aussi dépositaires sous ses contrats avec Bralima et Unibra. Elle ne se limita pas à la ville de Kinshasa. Elle acheta des camions et se lança à la distribution à l'intérieur du pays dans le Bandundu et Bas-Congo. Solidement établie dans ses affaires, ma tante s'est mise à investir dans l'immobilier, et elle a acquis une ferme si grande que je n'ai jamais su en palper toute l'étendue physiquement, malgré toutes les virées en pick-up sauf sur les documents. Elle devint fournisseur du Maïs à l'Unibra et à Bralima. Et elle diversifia encore ses affaires, en créant une petite société de taxi avec des voitures qu'elle achetait neuves chez "Azda". Elles donnaient ses voitures à credit à ses chauffeurs. Quelques temps plus t**d, un administrateur belge d'une société internationale installée au Congo la sollicita en partenariat d'affaires, elle lui a donné une retraite dorée en Belgique.
Et là où ma tante m'a épaté, c'était le jour où elle se décida d'étudier. Elle a appris à écrire, à lire et à parler français avec un professeur particulier à la maison à l'âge de 45 ans. Elle était douée, simplement douée! En plus de ses affaires, elle faisait vivre notre culture par un groupe musical traditionnel et a réalisé avec la Télé Zaïre, plusieurs vidéos mettant en scène nos coutumes Humbu. Elle n'a jamais été sollicité l'argent auprès d'une quelconque institution financière locale ou étrangère pour débuter ni pour se propulser au niveau qu'elle avait atteint. Lorsqu'elle fut asseoir ses affaires, elle sut manager ses finances comme une vraie banquière avec ses comptes en banques.
À l'époque, tout le monde recevait une bourse d'études pour aller étudier en Europe. Comme je n'ai pas pu obtenir une bourse d'études pour le Canada, elle était ma bourse pendant mes études en Belgique. N'avait-elle pas tenu sa promesse: "Mundele na ye, akozala mécanicien te"!
Et ce qui a marqué toute sa vie, ce qui nous a marqué tous, au point que personne dans toute ma famille ne peut se passer de penser à elle et de vouloir l'avoir éternellement parmi nous était sa libéralité, cet esprit profond d'être disponible pour sa famille et pour tout le monde. À sa mort, nous étions tous bouches béates devant tous les témoignages que personne d'entre-nous n'aurait soupçonnés le moins du monde. Un des voisins vint rendre témoignage que c'est elle qui lui a acheté sa parcelle. Le monsieur et sa famille n’étaient ni de notre famille ni de notre tribu. Elle se maria à l'âge de 40 ans, elle n'eût pas d'enfant. Mais elle a donné à toutes ses sœurs et à son frère, à chacun; un commerce, une parcelle et une maison. Et tout ce qu'elle a eu, elle a tout légué à nous; les enfants de ses sœurs et de son frère. Ce petit texte est un bref aperçu par rapport à ce qu'elle a réalisé sans aller requérir ou mendier auprès de qui que ce soit! Un jour, j'écrirais un livre en son honneur pour apprendre à notre jeunesse et à notre pays ce qu’est la détermination de réussir par soi-même. Son nom: ELIZABETH NGAYALA LUBAKI.
À sa mort, son corps a fait 3 jours entre la famille, l’armée du salut, ses multiples enfants qui chacun voulait la garder encore un jour de plus. C’est au Quatrième jour qu’elle a été enterrée parce que nous nous sommes levés pour dire: Assez, laissez-la aller, malgré que nous voulions qu’elle reste encore. Au fait, elle est restée dans nos cœurs pour toujours!
QUE MANQUE-T-IL À LA CLASSE POLITIQUE ET À L'ÉLITE CONGOLAISE POUR FAIRE MIEUX QU'ELLE POUR UN PAYS DOTÉ DE TOUTES LES POTENTIALITÉS ET RESSOURCES ?
Le Congo ne deviendra pas l'Allemagne en 5 ans ni en dix ans, même si l'on nous accordait des centaines de milliards de dollars de prêts ou de dons ni même l'équivalent de l'Afrique du Sud, mais le Congo peut poser les bases d'un développement autonome en 5 ans et son peuple vivre, rêver et bâtir ensemble un CONGO correspondant en son envergure d’État et les vocations auxquelles il est appelé depuis la nuit des temps. Mais pour cela, il faut une vision claire d'un architecte qui a su évaluer l'état de la nation et qui est capable de se projeter à court terme et à très long terme.
IL EST TEMPS DE BRISER TOUTES LES CHAÎNES DE L'ESCLAVAGE AUQUEL NOUS SOMMES SOUMIS COMME PEUPLES DEPUIS PLUS DE 400 ANS!