04/11/2025
Marie, médiatrice mais non co-rédemptrice : clarifications théologiques et enjeux œcuméniques
Introduction
Le langage marial a toujours été riche et parfois controversé. Parmi les titres appliqués à la Vierge Marie, ceux de « Médiatrice » et « Co-rédemptrice » font l’objet de débats aussi bien à l’intérieur de l’Église catholique qu’entre confessions chrétiennes. Si le premier a trouvé un assentiment prudent dans la tradition catholique, le second reste théologiquement problématique et œcuméniquement délicat.
1. Enracinements scripturaires et traditionnels
Marie, Médiatrice : une tradition fondée
Le titre de Médiatrice repose sur le rôle singulier de Marie dans l’économie du salut : elle coopère à l’œuvre du Christ, unique médiateur (1 Tm 2,5), en y participant de manière subordonnée, instrumentale et maternelle.
L’Écriture ne parle pas directement de Marie comme médiatrice, mais les Pères de l’Église ont vu en elle la nouvelle Ève, un type de l’Église (saint Ambroise), et un canal de grâces en vertu de son fiat (cf. Lc 1,38).
Le Concile Vatican II (LG 62) enseigne que Marie « s’est associée d’un cœur maternel à l’œuvre du Sauveur » et « continue à nous obtenir par son intercession les dons du salut éternel », sans rien retrancher à la médiation du Christ.
Jean-Paul II parle explicitement de « médiation maternelle » dans Redemptoris Mater (1987) tout en maintenant la primauté christologique.
Marie, Co-rédemptrice : une notion ambiguë
Le titre de co-rédemptrice soulève des objections, même s’il a été utilisé par quelques papes et théologiens :
Il vise à exprimer que Marie a coopéré à l’œuvre rédemptrice par sa foi, son obéissance, et sa présence au Calvaire (Jn 19,25).
Des auteurs comme Grignion de Montfort ont développé cette idée d’une coopération unique, mais toujours subordonnée au Christ.
Cependant, Vatican II a refusé de définir ce titre, et la commission théologique de Czestochowa (1997) a jugé le terme trop équivoque pour un usage dogmatique.
2. Fondements théologiques : Christ seul Rédempteur
Le Christ est l’unique médiateur et rédempteur (1 Tm 2,5). Toute médiation secondaire ne peut être qu’instrumentale, dépendante et participée.
La doctrine catholique insiste sur le caractère absolu et unique de la Rédemption opérée par le Christ.
Parler de Marie co-rédemptrice peut créer une confusion sémantique, laissant penser à une symétrie ou une équivalence avec le Christ, ce qui est inacceptable théologiquement et ecclésialement.
3. Enjeux œcuméniques
Réception protestante
Les traditions issues de la Réforme rejettent fermement toute idée de médiation autre que celle du Christ.
Le protestant Jean-Paul Gabus reconnaît dans Redemptoris Mater une belle insistance sur le rôle de Marie dans la foi, mais critique toute lecture mariale où la foi deviendrait dogme.
La méfiance protestante vient d’une perception selon laquelle Marie remplace l’Esprit Saint, surtout dans la dévotion populaire.
Prudence catholique
L’usage du titre de co-rédemptrice compromettrait les dialogues œcuméniques :
Vatican II a donc renoncé à définir un dogme marial supplémentaire, préférant insister sur la coopération de Marie « dans la foi ».
Jean-Marie Hennaux, analysant l’encyclique Redemptoris Mater, montre comment Jean-Paul II a intégré la sensibilité œcuménique tout en réaffirmant l’importance de Marie.
Conclusion
Le titre de Médiatrice peut être maintenu dans la théologie catholique à condition de ne pas obscurcir l’unique médiation du Christ. En revanche, le titre de Co-rédemptrice, même s’il est riche spirituellement, n’est ni dogmatiquement défini ni pastoralement opportun, notamment en raison des risques de malentendu œcuménique.
Le respect de la tradition vivante de l’Église, l’intelligence de la foi et la charité œcuménique recommandent de parler de Marie comme la première des rachetés, mère dans l’ordre de la grâce, et médiatrice subordonnée, selon l’expression du concile Vatican II.