28/09/2023
DIPLOMATIE BURKINABE
« Le mouvement diplomatique 2023 en question »
Dans le jargon du Ministère des Affaires étrangères, le mouvement diplomatique est la rotation du personnel diplomatique entre les Missions diplomatiques et postes consulaires (Ambassades et consulats généraux), et la Centrale (administration centrale, c’est-à-dire le Ministère des Affaires Etrangères). Le mouvement vise à remplacer le personnel ayant atteint les 5 années en postes, combler les postes vacants pour diverses raisons ou affecter du personnel sur de nouveaux postes créés.
A l’ordinaire le mouvement diplomatique s’organise en juillet août, correspondant aux vacances scolaires et permettant aux diplomates d’effectuer leur voyage et leur installation dans le pays d’accueil, l’inscription de leurs enfants dans les écoles et se préparer pour la reprise des classes et les activités diplomatiques autour des mois de septembre -octobre. De manière pratique, des nominations et affectations peuvent avoir lieu en dehors du cycle ordinaire afin d’opérer des recadrages et combler des postes vacants.
De manière générale deux types d’affectation entrent dans le cadre du mouvement diplomatique ; d’une part il y a les nominations aux postes diplomatiques et postes de responsables administratifs de missions diplomatiques ou postes consulaires ; cela est effectué par le Conseil des Ministres par décret. D’autre part il y a les affectations du personnel attaché en ambassade qui procèdent d’un Arrêté du Ministre des Affaires étrangères.
Nous sommes en passe d’entrer au mois d’octobre et le mouvement diplomatique ordinaire 2023 n’a pas encore eu lieu. Des observateurs avertis se posent légitimement des questions surtout lorsque des messages sur les réseaux sociaux accusent à tort la Ministre des Affaires étrangères.
1. Qu’est ce qui coince ?
Des messages anachroniques et malveillants évoquent le manque de ressources financières pour faire face au mouvement diplomatique, au motif qu’il aurait été procédé à des nominations par arrêté qui auraient grevé le budget annuel alloué à cet exercice.
Il conviendrait toutefois de savoir raison garder et d’éviter de tomber dans la critique facile qui consisterait à accuser la capacité de gestion et d’anticipation de la Ministre des Affaires étrangères !!! Ne soyons pas dupes !!! ; les difficultés à réaliser le mouvement diplomatique 2023 tiennent principalement aux soubresauts que nous vivons dans nos relations internationales. Incidemment pour les observateurs avertis, c’est toute la vision de notre diplomatie et de ses alliances qui est remise à plat, mais aussi ses méthodes et procédés. Ce que les burkinabè devraient comprendre c’est qu’accepter de changer de paradigme et affirmer notre souveraineté, c’est aussi accepter les bouleversements dans tous les domaines de la vie de l’Etat que notre nouvelle ligne politique pourrait nous imposer. Si du reste le département du Ministère des Affaires étrangères est la pièce maitresse à l’international de ce changement de paradigme, bien évidemment cela devra aussi passer à travers le déploiement de ses ressources humaines. Cet état de fait s’est déjà exprimé à travers des rappels de plusieurs diplomates avant la fin de leur séjour de 5 ans pour des raisons purement et simplement de recadrage politique. Est-ce la Ministre qui, d’autorité opère ces rappels au gré de ses humeurs ? à quelles fins ? J’en doute fort pour une Ministre des Affaires étrangères qui a tout intérêt à ce que le personnel diplomatique soit déployé au plus tôt sur les chantiers, pour faire face aux défis de notre diplomatie. Sinon, comment comprendre que les nominations à des postes d’importance majeure de la diplomatie notamment les postes d’Ambassadeurs demeurent en instance ? je veux citer Ottawa, Washington, Paris et j’en passe… Il faut entendre par là qu’il importe que l’autorité politique se donne le temps d’apprécier avec justesse notre représentativité diplomatique au regard de nos objectifs nationaux.
2. La responsabilité gouvernementale
De manière responsable, le Gouvernement doit assumer et procéder aux affectations. Il est de toute évidence que les postes diplomatiques ne sauraient rester vacants, car désastreux pour notre représentation internationale. Quelles que soient les difficultés financières, il s’agit tout au plus d’une vingtaine à une trentaine de personnes concernées et cela ne saurait être au-delà des capacités de l’Etat burkinabè.
Le Burkina dispose de 51 ambassades et consulats généraux à l’étranger et qui contribuent à maintenir les contacts et les négociations avec les institutions internationales (ONU, PNUD, FAO, UA, Banque mondiale, FMI etc.) et aussi avec les partenaires bilatéraux (Russie, Chine, Canada, Etats Unis, Mali, Sénégal, Afrique du Sud, Belgique, Ethiopie, etc.). Ces missions diplomatiques sont d’un apport considérable en termes de financement de la coopération tant multilatérale que bilatérale mais aussi apportent une protection consulaire essentielle à nos ressortissants à l’étranger.
Le Gouvernement a tout intérêt à assumer ses responsabilités et vider cette situation de toute polémique inutile que les adversités de petite gens voudraient utiliser comme opportunité pour régler les comptes personnels.
Au demeurant, du point de vue constitutionnel, c’est le président du Faso qui est le premier responsable de la diplomatie et qui assume la responsabilité de l’encadrement administratif et politique de la politique extérieure du Burkina dont la Ministre des Affaires étrangères n’est que le bras exécutif.
A tous les acteurs de la diplomatie et singulièrement au personnel du Ministère des affaires étrangères, il y a lieu de ne pas jouer le jeu des cabales contre des cibles érigés. Il faut espérer simplement que les plus hautes autorités parachèvent leur vision de notre politique extérieure au plus vite afin de procéder à l’envoie du personnel nécessaire pour assumer de manière forte et concrète la présence souveraine du Burkina Faso dans le monde.
26 septembre 2023
Par Patrick SIB