10/12/2023
🤷🏾♂️ QUE SIGNIFIE ENTREPRENDRE DIFFÉREMMENT ?
Tu le sais certainement, je suis médecin. J’ai eu mon diplôme de fin de cursus en 2014, puis j’ai exercé dans plusieurs structures hospitalières de mon quartier le Cameroun.
Cependant, lorsqu'on a vu ce que j'ai vu, entendu ce que j'ai entendu, vécu ce que j'ai vécu et surtout qu’on a une sensibilité qui a été conçue dans un environnement tel que celui dans lequel j'ai grandi, on ne peut pas être un médecin comme les autres.
Il existe 3 formes de médecine :
✔️ La 1e, la médecine primaire, intervient avant que tu ne sois malade. C'est toute action qu'on pourrait poser qui va permettre d’empêcher de te retrouver couché dans une structure hospitalière.
✔️ La 2ᵉ forme de médecine est la médecine secondaire. C'est une forme de médecine qui intervient lorsque tu as déjà un problème de santé et tu dois te rendre dans une structure hospitalière.
Tu souffres par exemple d'un paludisme, tu vas à l'hôpital où le médecin doit te consulter. Il va te prescrire des examens ou alors une ordonnance.
Mais, tu te rends compte qu'elle coûte plus cher, parce qu’à cette étape, il faut acheter un carnet, payer pour la consultation, acheter les médicaments, réaliser des examens.
Donc, il te faut de l'argent, surtout dans un pays où il n'existe ni sécurité sociale, ni couverture santé universelle.
✔️ La 3ᵉ forme de médecine est la médecine tertiaire. Cette forme de médecine intervient lorsque tu as déjà développé les conséquences d'une maladie qui existe déjà.
Par exemple, tu souffres d'un cancer et les professionnels de la santé sont en train de se battre pour alléger certaines conséquences dues à ta pathologie. Ça fait huit ans que je suis sorti de la faculté de médecine.
Que ce soit en faculté ou dans les hôpitaux publics, privés et confessionnels où j'ai travaillé, j'ai vu, entendu et vécu des choses horribles, j'ai refusé de m’asseoir à l'hôpital, pour consulter à longueur de journée.
Déjà, il n’y avait ni le plateau technique pour s’occuper correctement des patients (parce que les gens n’investissent pas suffisamment dans la santé), ni l’environnement nécessaire pour cette prise en charge, parce que l’endroit où tu travailles n’est pas adéquat pour qu’on puisse y prodiguer des soins de qualité.
Tu n’as non plus la compétence qu’il faut, car ce qu’on apprend à l’école est déjà désuet (certains enseignants enseignent encore avec des cahiers de 1997), et en plus les conditions de travail ne te permettent pas de vivre décemment.
J'ai très vite compris que je serai incompris, naturellement, parce que je ne peux pas être comme les autres après avoir vu, entendu et vécu ce que j'ai vécu, et avec la sensibilité sociale et humanitaire vis-à-vis du bien-être de l'autre que j’ai.
Chaque fois que je suis à l'hôpital, je me rends compte qu’il y a de plus en plus de personnes qui souffrent de maux qui découlent des maux de notre société.
Par exemple, tu vas rencontrer quelqu'un qui te dit qu'il a des céphalées ou des insomnies. Mais, après analyse, tu te rends compte que ça n'a rien à voir avec une maladie.
Il a juste besoin d'un meilleur travail, de vivre dans un cadre plus favorable ou d’être capable de s'occuper de sa famille.
En fait, il s’agit d’un problème social qui commence à influencer son état de santé, parce que l'être humain a une dimension triple : biologique, psychologique et sociale.
Si tu as un problème social, cela aura une influence sur les deux autres dimensions. Si tu as un problème psychologique, cela aura une influence sur les deux autres dimensions. Il en sera de même si tu as un problème biologique.
En réalité, il faut parfois résoudre certains problèmes qui existent dans la société en amont, parce que le fait de rester à l’hôpital consulter à longueur de journée ne va pas résoudre le problème de fond.
Tu seras tout simplement comme cette personne qui vit dans une maison avec un plafond percé.
Chaque fois qu'il pleut, il y a de l'eau qui coule et tu te contentes de recueillir cette eau avec des seaux, au lieu de monter sur le plafond pour trouver et résoudre le problème.
Lorsque j'étais assis à l'hôpital, je consultais à longueur de journée et je me rendais compte que le nombre de patients à consulter ne faisait qu'augmenter, le nombre de pathologies ne faisait que s’accroître, le nombre de personnes souffrantes ne faisait que progresser.
J'ai compris que la solution n'était pas seulement à l'hôpital.
Certes, il faut des médecins à l'hôpital, pour prendre en charge les patients aux urgences ou pour faire la médecine secondaire et tertiaire, mais il faut aussi des médecins qui vont faire la médecine primaire, c'est-à-dire des médecins qui vont aller en amont pour essayer de comprendre les racines sociales des maux.
J’ai décidé de savoir ce qui se passe en haut et contribuer à le résoudre, afin que l’eau s’arrête de couler.
J’ai compris qu’il faut régler le problème social en premier, ou du moins contribuer activement à sa résolution.
J’ai décidé d’être un médecin de la société et je me suis demandé : qu’est-ce que je vais faire ? Est-ce que je vais rester ici à l’hôpital annoncer les décès ?
Parce que, c’est ce à quoi se résumait le travail d’un médecin : recevoir 100 patients et annoncer au moins 60 décès.
Le problème qui m’a le plus marqué était celui relatif aux besoins en transfusions sanguines.
Les 3 catégories de personnes qui en souffrent le plus sont :
Les personnes victimes d’accidents de la voie publique qui représentent 40 % ; les femmes enceintes qui représentent plus de 30 %, et les nourrissons qui souffrent en général de paludisme ou d’anémie.
Ce que j'ai vu, entendu, vécu et ressenti concernant ce problème est indescriptible et ne me permet pas d'être comme les autres.
Je garde toujours en mémoire l’histoire de cette jeune dame qui s’appelait Charlène, décédée tout de suite d’un placenta prævia.
Elle a eu une hémorragie durant le 3ᵉ trimestre de sa grossesse et n’a pas survécu, parce qu’il n’y avait pas de sang à lui transfuser.
Tu es en train de te battre tous les jours pour gagner de l’argent, mais tu risques de mourir demain avec 100 millions dans ton compte bancaire, puisqu'il te manque trois poches de sang !
En fait, si les gens ne sont pas bien sur le plan social, si les gens n’arrivent pas à trouver des emplois décents, à démystifier et à rendre moins tabous des problématiques liées à l’argent, le problème ne sera jamais résolu.
J’ai donc décidé de ne plus être un médecin de la santé publique biologique, mais un médecin de la société avec tous ses maux.
Aujourd’hui, je te partage l’expérience d’un médecin, qui est ATYPIQUE dans sa manière de fonctionner, car il a décidé :
- D’être audacieux et autodidacte.
- D’apprendre tout ce qu’il faut apprendre, pour apporter un peu plus qu’une solution sanitaire,
- De soigner un continent, une société et l’être humain dans sa dimension triviale, c'est-à-dire biologique, psychologique et sociale.
Parfois, la meilleure ordonnance pour certains patients serait celle dans laquelle on écrirait la date, le nom, avec la prescription « Argent, 10 000 Francs par jour pendant 6 mois »,
car il y a beaucoup de patients qui n’ont pas besoin de paracétamol, mais d’une meilleure maison, un meilleur environnement de travail, un emploi, et c’est aussi ça « la médecine ».
C’est pour cela que j’ai choisi d’entreprendre. J’ai réussi à fédérer des communautés pour pouvoir développer des projets, afin d’apporter des solutions à nos populations. Tu peux toi aussi le faire, en entreprenant différemment !
Ce ne sera pas facile, chaque jour, tu vas faire face à des challenges et comme je le dis toujours, on ne pleure pas, on ne se lamente pas, on réfléchit, on développe 800 idées par seconde pour trouver des solutions à nos propres problèmes et ceux de la société.
Cela ne signifie pas que tu deviennes comme une bougie qui éclaire les autres et qui se consume. Non !
Pour créer l’ampoule, on n’a pas eu besoin d’améliorer la bougie, il a fallu qu’on abandonne la bougie et qu’on se trouve un autre moyen de s’éclairer, quand la bougie ne fonctionnait plus.
C’est pour ça que j’ai décidé de devenir un Médecin 2.0.
C’est-à-dire un médecin qui, au-delà de ses compétences médicales, va en amont pour résoudre les problèmes de la société en lui apportant son savoir-faire et surtout sans avoir honte de partager son ignorance,
car c’est en la partageant que tu la réduis en prenant en considération l’avis d’autres personnes plus intelligentes que toi.
N’aies jamais honte de partager ton savoir-faire. C’est en le faisant que tu vas passer progressivement de la médiocrité à l’excellence.
Bien que la pauvreté soit en première financière, elle peut aussi être intellectuelle, culturelle, psychologique, et ce, malgré les diplômes obtenus.
📖 Ce texte est un extrait de mon livre : « Entreprendre et Investir Différemment ».
🎁 Bonus : Une formation vidéo.
Dr Claudel NOUBISSIE