
24/07/2024
La Bête.
La foule contemplait la scène, ravie.
— Quelle adorable créature ! N’est-ce pas là une fée ?
— Certainement ! Elle est de toute beauté… et quelle douce voix !
— C’est la Providence qui l’envoie : nous sommes bénis !
La bête remua. La foule, hypnotisée par son regard perçant, ne remarqua même pas le mouvement pourtant ample de la créature. Telle une pieuvre, celle-ci déploya ses longs et puissants appendices dans une danse f***e. Les nombreux bras de la bête allaient dans tous les sens, revenaient à leur point de départ et repartaient avec la régularité d’un métronome. Ce ballet incessant produisait un effet de torpeur sur la foule, à la manière d’une substance soporifique qui lui aurait été inoculée. Les femmes et les hommes, les adultes et les enfants, les jeunes et les vieux, tous étaient subjugués par l’entité dont le charme semblait annihiler toute velléité de discernement et toute tentative de jugement. Personne ne paraissait ni ne souhaitait voir le vrai visage de la bête hideuse, ni même sentir les effluves puants de son corps ainsi que l’odeur pestilentielle de l’écume qui jaillissait de sa gu**le béante.
Elle venait de contourner la foule dans un mouvement parfait. Le pouvoir enchanteur de son regard de braise et le son envoûtant du gargouillis engendré par le contact de sa gu**le avec l’eau ne laissaient aucune possibilité à la multitude de revenir à la réalité. Isolés sur l’embarcation de fortune qui les faisait voguer au gré du vent, les humains étaient pris au piège diabolique de la bête dont la ruse n’avait pas de limite. L’encre de la nuit s’étendait dans le ciel comme un immense manteau sombre recouvrant l’atmosphère.
Soudain, un bruit assourdissant éclata. Déconcentrée, la bête tourna la tête en direction de la ligne d’horizon d’où provenait le bruit. Une brèche faisait maintenant apparaître un rayon de lumière qui venait envelopper l’animal. Une clameur naquit et s’amplifia rapidement au sein de la foule qui voyait l’entité sous son véritable aspect : une énorme créature à la laideur inqualifiable, dont se dégageait une senteur immonde et infecte. Aux regards horrifiés succédèrent des cris de terreur et des crises de larmes, avant que le plancher de l’embarcation ne vienne bientôt se recouvrir de la nappe des souillures libérées par les uns et les autres.
Démasquée, la créature replia ses membres dans un réflexe vif et puéril, comme pour préserver son affreuse nudité du regard des humains. Elle s’éloigna à la hâte en poussant un rugissement sauvage, et disparut dans les profondeurs de l’océan.
Une bise fraîche souffla un délicat parfum de rose autour de la multitude, caressant les visages et emportant l’aigreur des salissures du plancher. Comme en réponse à l’appel muet des êtres, une pluie torrentielle se mit à tomber, nettoyant l’embarcation et débarrassant la plèbe des scories laissées par le joug infernal et la frayeur viscérale de la nuit.
"La danse du lion" est le premier roman de Pascal Saïd Osho, qui fait son entrée sur la scène littéraire béninoise, ce samedi 27 juillet 2024 à partir de 16 heures au Centre culturel Artistik Africa, à Cotonou.
Disponible à 5 000 F CFA :
- Par commande au +22995005151(Appel & WhatsApp).
- Également à la librairie Savoirs d'Afrique à Cotonou.
Prenez le rendez-vous du 27 juillet 2024, pour danser avec le lion !